
Le remake « Be with You », bien qu'il soit adapté d'un roman et film japonais, peut s'inscrire dans une variante du genre « Punmar Janma », films de réincarnation typiques du cinéma hindou. Cela permet aux deux stars Son Ye-jin et So Ji-sob de démultiplier leurs flirts sous la caméra de Lee Jang-hoon, réalisateur égaré mais qui avait frappé fort avec « The Show Must Goes on » en 2007.
* Le genre du « Punar Janma » mode sud-coréenne
Le « Punar Janma » est un genre prolifique en Inde. Il illustre les croyances religieuses autour de la réincarnation et des renaissances qui sont essentielles à l'hindouisme et au bouddhisme. Mais toutes les religions ont une histoire du retour d'entre les morts ; voir l'orphisme occidental qui influencera le christianisme. Au départ, il s'agit d'une réincarnation sous diverses formes, mais les hommes adaptant les choses à leurs sentiments, il s'agit souvent d'humains revenants en tant qu'humains. Le cinéma sud-coréen n'est pas en reste dans le genre. De nombreuses romances sont, en fait, des « Punar Janma » déguisées. C'est le cas ici, où Son Ye-jin, jeune mère « tuée » dans un accident, réapparaît, à la saison des pluies, pour exorciser la peine de son mari, So Ji-sob et de son fils.
* Anti-psychologie et mythologie
En dehors du sentiment de base : l'affection pour la famille et ses manques, la lecture du réel se fait dans l'extériorité à travers des signes concrets de la présence magique dont la réincarnation et la renaissance font parties. C'est la quintessence du mélodrame sud-coréen. Le journal laissé par la défunte, le trèfle à quatre feuilles donné par le soupirant à sa bien-aimée, le livre de fables lu par le petit garçon : tout revient sans cesse comme signe de la présence magique du retour à la vie et de sa promesse. La psychologie individuelle s'en trouve limitée, dans le sens où l'individu ne cherche rien d'autre que des signes extérieurs à lui-même, et elle est même niée, dans le sens où - comme dans le film - personne ne se souvient de rien d'autre que des signes d'un destin qu'ils finissent par accepter.
* Quand la tradition mystique contredit les tendances actuelles
La plus intéressante scène du film (la plus comique étant celle où So tripote les pieds d'un spectateurs en croyant qu'il s'agit de la main de Son) est celle où le petit garçon, devant toutes les familles de son école, doit annoncer ses projets d'avenir. Comme la mode actuelle le veut, les enfants disent vouloir réussir dans la société en devenant top-modèle ou champion de quelque chose. Le gamin, qui avait portant bien appris sa leçon, hésite en ne voyant pas sa mère revenue d'entre les morts dans la salle. Il laisse tomber les foutaises à la mode et vante ses parents et leur enseignement quotidien. Les familles, d'abord stupéfaites, applaudissent en chœur. La tradition mystique ne colle plus aux attentes de la société actuelle. C'est le clou du film. Cela va au-delà de l'anti-modernisme convenu de la tradition, car la post-modernité capitaliste en prend un coup aussi. Si les tendances actuelles tournent le dos à la modernité, dans le sens de progrès social, elle tourne aussi le dos à la tradition ancestrale et à ses piliers que sont la famille, la patrie, le travail et la religion. Il y a de quoi faire douter le spectateur aliéné de base.
*L'usine à adaptations
Après « Little Forest » de Yim Soon-rye, voici le deuxième remake nippon « made in Korea » en moins d'un mois. C'est comme si les mauvaises relations – apparentes - entre les deux pays stimulaient, a contrario, les adaptations filmiques. Cela met en valeur le travail énorme, bien que sous contrôle des gros distributeurs, fourni par les « scénaristes » sud-coréens pour adapter des œuvres venues d'ailleurs. L'adaptation est, en fait, l'oeuvre principale de ces ré-écrivains. Puisqu'il s'agit de remakes, de simulacres, c'est donc dans les différences entre l'original et la nouvelle mouture que née le sens ; c'est là qu'il faut le chercher. Gilles Deleuze trouverait, en Corée du Sud, du gros grain à moudre dans sa pensée de la différence et de la répétition. Est-ce que le box-office va suivre : rien n'est moins sûr. « Little Forest » comme son titre l'indique est resté modeste. La diffusion, beaucoup plus importante que les discours ne le laissent croire, des œuvres nippones et indiennes, pourraient faire pâlir les remakes locaux. Il reste, malgré tout, la présence des stars et du jeu de leurs accouplements sur l'écran, dont les productions sont expertes : Son Ye-jin et So Ji-sob forment-ils le couple idéal sud-coréen ? Au niveau plastique, certainement. Au niveau psychologique, les comptes ne sont pas encore fait ; mythologie oblige.