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High Society ou les illusions de la classe moyenne

2018-09-12

Séoul au jour le jour

« High Society » est le nouveau film, longtemps resté en gestation de Daniel Byun (ou Byeon Hyeok) qui fait là son grand retour au cinéma après s'être consacré aux spectacles multimédias. Ce portrait d'un couple de la classe moyenne sud-coréenne servi par un casting de rêve mené par le sémillant Park Hae-il, la star des dramas Soo Ae, le jeune loup Kim Kang-woo et l’inénarrable Yoon Jae-moon est truffé de thèmes clefs qui vont bien au-delà du film lui-même.


*Une histoire de classes

L'ascension d'une nouvelle bourgeoisie en Corée du Sud, née des bonnes affaires des dictatures militaires, est connue. Elle se crée désormais une culture (voire une historiographie), et c'est de cela dont il est d'abord question. Le jeune professeur d'université, Park Hae-il, a beau dénoncer devant ses étudiants et à la télévision les monopoles des grosses compagnies, son « politiquement correct » accepte néanmoins de rejoindre leurs experts en communication, à savoir un parti de politiciens. Certes, il a bon cœur et soif de justice, mais cela s'efface devant une promotion pour gravir les échelons vers la haute bourgeoisie. Comme son épouse – Soo Ae qui elle ambitionne dans le milieu du business de l'art – il découvre que tout le système est perverti, corrompu ; il en vomit son poisson cru. L'acteur Yoon Jae-moon – vu dans « Okja » - incarne le grand bourgeois, et ses frasques au-dessus des lois, courtisé par les politiciens. Pour une fois, on se s'arrête pas à l'arrogant héritier de chaebol, mais on touche au père. Et ce dernier est artiste, à sa façon.


*De l'art et du cochon

Daniel Byun est passionné d'art. Le film se ressent de ses réalisations dans le domaine du fait que l'amant de Soo Ae, Shin Ji-ho, incarné par Lee Jin-wook, est un artiste multimédia mais aussi pour la problématique du rôle social actuel de l'art : marché de capitalisation pour les riches comme Yoon et sa mégère Ra Mi-ran ; balise d'ascension sociale comme pour Soo Ae ; gagne-pain pour artistes opportunistes comme cet artiste multimédia. Le film tente un dépassement avec la scène la plus frappante et concrète du film où le riche Yoon Jae-moon, à l'image du mogul de la pop dans la série « Vinyl » de Scorcese, se livre à des performances gravées dans des draps huilés avec des femmes qui livrent leur corps à ses désirs de domination sexuelle. Du body-art ? Certes ; l'idée que l'art et la vie réelle ne doivent pas être dissociés ? Oui, encore ; mais surtout le symbole de la manipulation des corps humains, soumis, forcés ou abusés, par les tenants du vrai pouvoir invisible. Même si le happy-end le rend visible comme l'ex-présidente de la République destituées et mise en prison, le public n'est pas dupe, un bouc émissaire sert à ne rien changer au système.


*Mise à mal du couple comme idéologie

Autre thème du film : celui de sa filiation hollywoodienne avec « Philadelphia Story » de Cukor 1940 et « High Society » son remake de Charles Walter en 1956 autour du thème des liaisons extra-conjugales plus ou moins officielles de la classe moyenne moderne et leur substitution aux marivaudages traditionnels (le scénario est vaguement inspiré du film « Madam Freedom » de 1956 qui mettait en scène déjà l'introduction de la modernité dans l’infidélité traditionnelle). En effet, le mari et la femme finissent par avoir des amants : une ancienne étudiante assistante pour lui ; un beau ténébreux artiste multimédia pour elle. A la différence des marivaudages traditionnels, le couple joue plus volontiers du scandale public, c'est-à-dire médiatique. S'il se maintient malgré tout – comme dans la tradition – il reste en contradiction avec son idéologie (la fidélité) et n'avance aucune proposition de dépassement. Le couple comme idéologie est simplement mis à mal par des pulsions érotico-émotionnelles que leur statut de classe moyenne leur permet de satisfaire et que la société sans mémoire gère médiatiquement – le film le montre bien. Là aussi, le happy-end ne dupe personne.


*Du style

Moins stylisé que ses films précédents comme « Scarlet Letter » ou « Interview », profusion des thèmes oblige, « High Society » contient néanmoins une performance de poids réalisé par le corps de buffle boursouflé de Yoon Jae-moon. Probablement inspiré par le super cochon de « Okja », il donne à la caméra son meilleur moment de réalisme et d'action directe sur le spectateur quitte à choquer ceux qui n'attendaient du film qu'un défilé de jolis minois de stars autour d'une histoire jouée d'avance.

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