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Samjin Company English Class : #Metoo à la coréenne

2020-11-18

Séoul au jour le jour


La comédie « Samjin Company English Class » réalisée par Lee Jong-pil, peut être perçue comme un avatar du mouvement #Metoo qui n'a que peu fait parler de lui en Corée du Sud, à l'inverse de son impact dans le monde. Cette histoire de trois amies est aussi une vision prolétarienne de la double hiérarchie sexiste et de classes à laquelle doivent faire face les sud-Coréennes, et pas seulement dans les années 1990.


* Multiples combats

Le film prend soin de faire références aux années 1990, comme si la situation avait changée, mais n'en fait pas moins un portrait terrible de la condition féminine sud-coréenne. Trois jeunes femmes jouées par Go Ah-sung, E Som et Park Hye-soo sont des bureaucrates de base de la société Samjin. Après huit ans à stagner dans cette usine à gaz où, en tant que femmes, elles sont bonnes à tout faire, elles réalisent que le fait de n'avoir aucun diplôme, de ne pas être allé en fac, les empêchera d'être promues nulle part. Mais voilà que le ciel leur fait signe en susurrant à leur boss d'accorder une promotion aux détenteurs d'un certain niveau du TOEIC, un test d’anglais de communication internationale. Mais voilà, que l'une des jeunes femmes découvre au passage que la société est mêlée à un scandale de corruption... En décrochant le pompon de la promotion, elles pourront révéler la vérité toute nue.


*Promo TOEIC

Il faut roter d'emblée que le réalisateur Lee Jong-pil est un accro à la musique. Il a déjà réalisé des documentaires et des fictions autour du sujet, notamment un gros plantage sur le pansori, chant récitatif traditionnel coréen, dans le film « A Sound of Flower ». Avec « Samjin Company English Class », il s'en donne à cœur-joie notamment avec le rétro des années 1990, la musique du groupe Zam et le célèbre compositeur de musique de film Dalparan (l'un des plus importants musiciens sud-coréen pour le cinéma). Les jeunes femmes reconnaîtront aussi les styles de coiffures et des les vêtements à la mode de l'époque, même si le recyclage permanent des modes faits qu'on les retrouve encore de nos jours. Il faut ensuite évoquer la vague d'anglicisme, appuyée par les gouvernements successifs, qui a gagnée peu à peu la Corée du Sud, notamment au début des années 2000, où l'anglais, était devenu un facteur important du CV. Et ceci même si le film semble vouloir en faire une critique bancale et simpliste.


*Un « Cart » à la carte

On a très vite l'impression que « Samjin Company English Class » s'inspire du grand succès critique qu'a été le film « Cart » en 2015. Il s'agissait d'un groupe de travailleuses de supermarché qui se mettait en grève contre des licenciements annoncés. En pleine fronde contre le gouvernement Park Geun-hye et ses alliés chaebols, le film avait trouvé un écho favorable auprès du public. Pour « Samjin...», le fait de la jouer rétro enlève l'actualité de la situation, et surtout introduit de nombreux clin d'oeil comiques qui amenuisent les traits de critique sociale. Il est intéressant de noter que le thème de la corruption des grosses compagnies, thème classique qui ne mange pas de pain puisqu'aux yeux des monopoles industrialo-financiers, corruption est juste un autre mot pour parler de collaborations, vient le thème plus nouveau de la pollution : c'est ce que la société des jeunes femmes tente de dissimuler.


Toutefois, le film en devient une sorte de catalogue des préoccupations actuelles en Corée du Sud : une promotion, les cours d'anglais, la pollution, que porter l'été prochain ? Quelle coiffure pour cet hiver ? etc. Lee Jong-pil, en choisissant de ne pas faire du social réaliste comme dans « Cart » ou dans la satire comme dans l'excellent « Clown of a Salesman » qui aussi se passait dans le cadre chagrin du boulot-métro-dodo, s'enfonce dans une réalisation automatisée qui tire en longueur après un bon départ. Bien sûr, on dira que les actrices étaient très bonnes et que les costumes vont relancer une mode rétro « ninetee’s » ou peut-être « seventee’s », voire « sixtee's », on ne sait jamais.


Au final, Lee, probablement aussi soucieux de sa propre promotion chez son producteur « Lamp », lâche toutes les pistes amorcées, et notamment celles de femmes de milieu prolétarien qui n'ont pu se payer une fac et des diplômes. Au prochain film, peut-être.

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