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Okja, cochon d’or des Oscars

2020-02-19

Séoul au jour le jour


Bong Joon-ho et son dernier long-métrage « Parasite » ont obtenu la semaine dernière quatre Oscars américains, ce qui est un record pour un film non produit à Hollywood, et la première fois pour un film et un réalisateur sud-coréen. Mais Bong a déjà côtoyé Hollywood et le système de l’Oncle Sam : avec « Snowpiercer » et Harvey Weinstein puis « Okja » avec Netflix. Il est donc bien un affranchi.


A l’occasion de la victoire du réalisateur sud-coréen aux Academy Awards, nous consacrons deux numéros de « Tout un cinéma » sur deux de ses avant dernières oeuvres. Commençons par « Okja ».


* Gentil Bong et méchant Netflix

Au moment où Bong Joon-ho prépare « Okja », la puissance financière de la chaîne payante Netflix est considérée comme une menace par le milieu du cinéma, en Corée du Sud, mais aussi partout dans le monde. Le cinéaste qui a été bien échaudé, pourtant, par ses démêlés avec le terrible Harvey Weinstein et Miramax a continué son rêve d’enfant à Hollywood en acceptant de tourner pour la « nouvelle menace ». Il a plusieurs fois dit que l’essentiel était que ses films soient vus, à la télévision, sur Internet ou dans les salles... Cela revenait au même. Ce faisant il brisait le credo d’un milieu qui allait bientôt se faire à cette idée. En attendant, quand il eut terminé « Okja », Bong fut refusé à Cannes et encore plus rejeté aux Oscars. On ne se compromet pas avec le diable sans conséquences. Ce n’était pas personnel, les qualités d’adaptation aux systèmes de production et aux esthétiques internationales du cinéaste n’étaient pas en cause, au contraire. Et, donc, Cannes comme les Oscars ont cette fois-ci rattrapés l’affaire et couronnés Bong Joon-ho pour « Parasite ».


* Vision d’enfants à l’américaine

Ce qui frappe avec « Okja », c’est comment Bong est parvenu à intégrer l’une des principales caractéristiques des films d’Hollywood : ils s’adressent à des adolescents, avant tout. Et parfois, ils comprennent même des ados dans leur casting. On retrouve tout cela dans « Okja ». Une gamine s’éprend d’un cochon fabriqué artificiellement par des chimistes pour remplir des abattoirs à la chaîne de viandes fraîches mais à l’ADN modifié. Tous les personnages vont s’associer pour aider la petite à sauver Okja le super cochon (ou cochonne). Le chef stalinien des militants écolo en tombera même presque amoureux. Okja ressemble aussi à une peluche géante, et l’ensemble du casting est fait de personnages customisés à la limite des BD qu’aiment les teenagers. Oui, le point de vue des enfants à l’intérieur comme à l’extérieur du film a été un souci de Bong qui connaît les stratégies hollywoodiennes. Et on les voit crier victoire, récemment, avec tous les films de super héros et les séries d’aventures adolescentes qui vont de l’horreur à la comédie.


* La comédie américaine

Lors de la remise des Oscars le 9 février, Bong Joon-ho a spécialement mentionné Quentin Tarentino parmi ses mentors. Et c’est au sujet de la comédie à l’américaine qu’il l’a fait, cette fameuse comédie populaire dans les années 1950 et revigorée par Tarentino à coups de loufoqueries, de violences et second degré. Bong a su s’extraire de la comédie coréenne traditionnelle, une sorte de burlesque qui ne se prend pas au sérieux mais qui ne traite pas de sujet sérieux non plus, et qui surtout reste basé sur les dialogues de théâtre et les grimaces à l’ancienne. En adaptant le style de la comédie américaine au contexte coréen (ou non), il s’est ouvert des horizons qui restaient quasiment fermés dans son pays. « Okja » en est un bon exemple : la glissade du cochon géant dans les couloirs d’un supermarché avec une célèbre chanson folk américaine est typique de cet humour distancié (la scène est cependant un remake de celle d’une comédie sud-coréenne « Twenty »). Le personnage du professeur fou qui est parfois sérieux parfois digne d’une BD d’ado est aussi une loufoquerie à la Tarantino ; même chose pour les délires improbables de la bande de militants menée par Dano et Steve Yeun.


Bref, « Okja » est à la fois au cœur des problèmes de production du cinéma international - et Bong Joon-ho avec « Okja » a même joué les poisson-pilote en ce domaine - et, au cœur de la fusion des films hollywoodiens avec le cinéma sud-coréen.

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