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Covid-19 : « Deranged » et les films catastrophes sud-coréens

2020-03-25

Séoul au jour le jour


Dans les années 1970, avec « La Tour Infernale » ou « Soleil Vert », par exemple, les films catastrophe deviennent un genre à part entière dans le cinéma. Et ceci, dans le sens où ils répercutent l'anxiété générale autour de désastres imminents comme la crise du pétrole, le retrait américain au Vietnam, la débandade de la presse après le Watergate, la pollution du naufrage de l'Amoco Cadiz ou la menace d'une troisième guerre mondiale voire l'échec d'Apollo 13. En Corée du Sud, le genre apparaît avec « Typhoon » en 2005 et « Haeundae » en 2009, mais il délaisse les catastrophes météorologiques pour la métaphore sociale en 2012 avec « Deranged ». Les « feel-good movies » à la sud-coréenne n'ont qu'à bien se tenir.


* Virus et vers mutants

Dans « Deranged », les intestins des sud-Coréens sont en jeu. Ils sont habités d'un vers mutants qui assoiffe les gens jusqu'à ce qu'ils en meurent. L'intrigue touche au social quand on apprend, qu'en fait, un médicament miracle a été mis au point. Ici, les habitants du pays du Matin clair connaissent la chanson car ils ont plusieurs médicaments qui nettoient leurs intestins après avoir mangé du poisson cru, denrée qui leur est familière. Mais voilà, le médicament miracle est produit par une entreprise dirigée par un méchant coréano-américain affairiste jusqu’au-boutiste. La contamination a, donc, en fait été manigancée. On passe donc à une dénonciation en règle et justifiée du système de financement des recherches scientifiques. Corrompu et au service de l'oligarchie, la représentation négative du milieu scientifico-industriel  valorise en creux la solidarité populaire. C'est elle qui est capable de sauver les meubles et le monde tant qu'on y est. Une fois que le film amorce cette idée, il revient sagement, cependant, (CJ Entertainment oblige) vers les bons sentiments et la sacro-sainte piété filiale et la non moins sacro-sainte abnégation pour l'esprit transcendant de la patrie et de tout ce qui va avec.


* Scènes plausibles et ubuesques

A la différence des films catastrophes qui métaphorisent idéologiquement trop vite le réel, et décollent allègement vers de l'improbable, « Deranged » signé Park Jung-woo s'attache à montrer des scènes plausibles dans la réalité quotidienne. L'une des séquences clefs apparaît au début du film avec des embarcations de fortunes bourrés de mourants qui flottent sur le fleuve Han, en plein cœur de Séoul. La force du film vient de sa description sans ambages du fléaux que subissent les corps. Car il faut boire pour alimenter le terrible vers qui se multiplient plus il reçoit de l'eau.Tous ceux qui commencent à avoir soif deviennent suspects d’être porteurs du vers maléfique. Les cas de figures sont innombrables : de ceux qui boivent l'eau des toilettes ou des aquariums de poissons à ceux qui s'immergent tout entier dans les lacs et les rivières. On ne peut s'empêcher de rire de situations totalement ubuesques ; de véritables révolutions de la vie quotidienne qui viennent de l'estomac de tout un chacun. Car même les riches ont soif.


* Haro sur l'incurie des « pouvoirs publics »

Le film n'épargne pas les dits pouvoirs publics. Leur incurie est flagrante. La compromission au plus haut niveau de la caste dirigeante est suggérée sans ambages comme étant la cause de cette incurie. Les hôpitaux sont vite débordés, les experts prouvent rapidement leur incompétence. La répression devient vite la seule règle, comme, plus tard, dans le film de zombie « Seoul Station » de Yeon Sang-ho.  L'enfermement des pauvres dans des mouroirs sur décision politique est aussi clairement montrée. Tout comme les petits trafiquent d'argent pour sauver la famille des uns et des autres, l'égoïsme général est stigmatisé et contredit, en fait, le final bon enfant du film. L'Etat est donc discrédité comme régulateur de l'équilibre social.


* Final de conte de fée

Le final de « Deranged », le dernier quart d'heure, plombe une démonstration convaincante. On imagine que le scénariste voulait jouer la carte de la solidarité familiale et populaire contre les pouvoirs théoriques, mais la réalisation de la dernière partie n'est pas à la hauteur pour se conformer au « happy end » de commande. Le succès du film au box-office a néanmoins permis au réalisateur Park Jung-woo de mettre les pieds dans le plat de la catastrophe nucléaire qui menace, deux ans plus tard, dans « Pandora ».

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