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Hong Sang-soo et Kim Min-hee : portrait croisé

2020-04-08

Séoul au jour le jour

ⓒYONHAP News

Après le succès berlinois de Hong Sang-soo, Ours d'argent du meilleur réalisateur pour « The Woman Who Ran », il n'est plus possible de faire son portrait sans faire celui de sa muse et femme illégitime, l'actrice Kim Min-hee. Le couple scandaleux de la Corée du Sud est en train de créer une œuvre filmique originale sur laquelle il faut se pencher.


*Hong était en vogue... Kim était hésitante

Il est tout à fait possible et judicieux de voir plusieurs étapes dans la carrière de cinéaste de Hong Sang-soo. La première phase commence avec ses quatre premiers films de « The Day the Pig Fell Into the Well » à « On the Occasion of Remembering the Turning gate ». Ces quatre films, tournés entre 1996 et 2002, lui apportent renommée et réputation internationale. A cette époque, le réalisateur semble s'attacher à ses acteurs qu'il refait jouer souvent. Il prend aussi son temps, pas trop, mais quand même un film tous les deux ans, ce qui n'est pas mal quand on sait que la plupart des réalisateurs ne peuvent tourner qu'un film tous les trois ans. De son côté, Kim Min-hee venait d'avoir un premier succès dans un TV drama « School 2 » et était la petite amie de celui qui venait de devenir une star Lee Jung-Jae. Mais sa carrière d'actrice n'était pas gagnée. E-J Young lui donnait une première chance dans « Asako in Ruby Shoes » en 2000, mais c'est encore le petit écran qui la mettait en valeur, notamment pour « Goodbye Solo » en 2006.


* Période francophile pour Hong, cinéma pour Kim

Les films de Hong n'ont pourtant que peu d'audience en Corée du Sud. Il lui est difficile de produire des films. Lorsque Marin Karmitz et MK2 signent pour deux films de Hong Sang-soo, ce dernier amorce une première transformation. Ses scénarios aux intrigues croisées et aux personnages masculins roublards et obsédés sexuels se dirigent vers le réalisme à la française – on le compare à Rohmer - , vers l'auto-questionnement sur le cinéma et le rôle de cinéaste (ses personnages deviennent des auteurs, ses alter-ego professionnels, voir « Tale of Cinema » en 2005) et vers le portrait de femmes modernes, célibataires, paumées mais sexy et forte en gueule ; le titre « Woman is The Future of Man » est là pour rappeler les nouvelles consignes. En fait, ce sera une dizaine de films (parfois deux par an) que Hong mettra en scène sous cette deuxième période. Car, si les films ne sont plus produits par MK2, ils deviennent des permanents des festivals, notamment de Cannes. Et c'est ensuite Isabelle Huppert et son mari producteur qui vont prendre Hong sous leurs ailes. Les Oki, les Hae-won et les Sun-hee, vont défiler comme si Hong cherchait déjà sa muse.  De « In Another Country» à la « Caméra de Claire », Isabelle Huppert est de la partie et fait même jouer sa copine Jane Birkin dans un film de Hong. Ce dernier vient en France tourner « Night and Day » en 2008. De son côté, Kim Min-hee se rapproche définitivement du cinéma en délaissant les dramas. Son pygmalion, E-J young, la fait jouer dans son faux documentaires sur les actrices « Actresses » en 2009. Elle enchaîne avec « Helpless » et « Moby Dick ». Si on la reconnaît comme une nouvelle actrice prometteuse, le chemin n'est pourtant pas facile. La compétition est rude pour des actrices interchangeables à l'envie.


* Le scandale, l'amour et bouddha

En 2015, Hong et Kim se rencontrent sur le tournage de « Righ Now, Wrong Then » le nouveau film de Hong. Ils ne vont plus se quitter. Alors que le réalisateur est à la dérive en recommençant presque à chaque fois le même film chaque année, l’actrice va marquer l'histoire du cinéma sud-coréen avec « The Handmaiden » de Park Chan-wook. Dénudée et lesbienne, dans ce film ultra stylisé et érotisé, elle tient la vedette face à la nouvelle star du moment Ha Jung-woo. Ce n'est pourtant pas dans cette esthétique que le nouveau couple scandaleux va continuer. Au contraire, l'inspiration ésotérique et bouddhiste de Hong (même s'il ne la jamais confié publiquement) va reprendre vie. Déjà, ses premiers films et leurs chassés-croisés, leurs jeux sur les noms (voir « Virgin Stripped Bare... »), s'inspirait de la fatalité bouddhiste. A partir de sa collaboration avec Kim, ce n'est plus la structure du film qui fleure bon la mystique zen, mais la contenu même ; surtout les personnages incarnés par Kim et sa façon de voir le monde. Le vide bouddhiste, le « sunyata », semble être le sujet principal de Hong à partir de « Right Now, Wrong Then ». La vanité des identités, l'interchangeabilité des « étants » dont l'être est une illusion selon les dogmes zen vont s'habiller non plus d'un réalisme d'observation à la française, mais d'un minimalisme qui tend à une auto-critique des effets du cinéma : des zooms intempestifs, des séquences sans sujet, des effets radiophoniques niant l’intérêt de l'image, etc. Kim Min-hee est la muse aussi pour ce jeu sur la mystique bouddhiste, dans « The Day After », par exemple, c'est elle qui énonce les vieux principes de la vacuité et de la vanité de toutes choses. Hong la laisse s'exprimer librement un peu comme John Cassavetes faisait avec Gina Rowland ou Godard avec Anna Karina. Et ceci probablement pour ce qui restera comme une expérience unique du cinéma sud-coréen.

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