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Mehwa ou abricotier du Japon

Ce 8e jour du 12e mois lunaire de 1570, Yi Hwang, un grand philosophe confucéen de Joseon, est sur le point de rendre son dernier souffle, entouré des siens et de ses disciples. Le vieil homme âgé de 69 ans a l’air paisible au seuil de la mort. Il semble tout simplement s’apprêter à faire un grand voyage. Et comme un patriarche qui donne des consignes aux siens avant de s’absenter de sa maison pendant longtemps, il dit à son entourage : « Prenez bien soin de mon mehwa. »


Il parle d’un arbuste à fruits planté dans son jardin, d’une espèce connue en Europe sous le nom d’abricotier du Japon. Cet arbre est cependant originaire de Chine méridionale. Et sa culture s’est répandue dans tout l’Extrême-Orient, y compris donc dans la péninsule coréenne. « Mei » en chinois, alors que « mehwa » en coréen désigne en réalité ses fleurs, il est profondément associé à l’art et la littérature d’Asie du Nord-Est. Notons qu’il fut en particulier très apprécié par les lettrés confucianistes pour constituer, avec l’orchidée, le chrysanthème et le bambou, les « sagunja », « quatre gentilshommes » selon la traduction littérale, autant dire « quatre nobles plantes ». L’abricotier du Japon, ou mehwa, était loué par eux pour sa floraison à la fin de l’hiver, à une date où, dans certaines régions, la neige n’a pas encore fondu, ce qui symbolisait les intellectuels confucéens dévoués aux principes éthiques et persévérants face aux adversités qui les mettaient à l’épreuve.


Nombreux sont les poèmes inspirés de ces fleurs exhalant de surcroît un parfum délicieux, dont celui de Yi Hwang justement :


En me promenant dans mon jardin en compagnie de la lune

Je reviens toujours auprès de mon mehwa

Je finis par y demeurer si longuement

Que mon corps est imbibé de son parfum, rempli de son ombre


Il semble que les gens du peuple de Joseon n’appréciaient pas moins que les intellectuels le mehwa. En fait, nombreux sont aussi les chants folkloriques qui en font l’éloge, dont l’un a donné lieu à une adaptation contemporaine.


Vrai ou faux ? Selon une légende, peu de temps après la mort de Yi Hwang et ayant appris son décès, une femme se serait suicidée en se jetant dans une rivière. Ce fut une ancienne kisaeng, une dame de compagnie attachée à la mairie de Danyang, quand Yi Hwang était mandataire du roi dans cette commune avant d’être muté, 10 mois après seulement, dans une autre collectivité locale.


Connue de la postérité sous le nom de Duhyang, elle avait tout juste 18 ans quand elle a commencé à servir l’administrateur de sa commune, réputé pour son érudition et sa sagesse, qui avait alors 48 ans. L’homme presque quinquagénaire chérissait la jeune courtisane. Il l’aimait sans doute comme un père aime sa fille. Quant à Duhyang, il semble qu’elle cultivait envers lui un sentiment plus délicat qu’une simple admiration, car elle regrettait, les larmes aux yeux, leur séparation survenue moins d’un an après leur rencontre, de façon inattendue. Par ailleurs, si l’on en croit l’histoire populaire qui raconte son suicide, elle n’a pu supporter leur séparation pour toujours.


Au moment où ils allaient se quitter, Duhyang a fait cadeau à Yi Hwang d’un arbre aussi jeune qu’elle, un plant de mehwa dans un pot. Etait-ce cette offrande qui se trouvait plantée dans le jardin de notre philosophe confucéen, à laquelle il était tant attaché, comme le montre son poème, et dont le sort le préoccupait au moment même où il allait rendre son dernier souffle ?


« Sur les branches grisâtres de mehwa, le printemps s’annoncera-t-il à nouveau ? » Ainsi s’interroge l’auteur des paroles d’une mélodie chantant l’abricotier du Japon. Ce texte est attribué à une kisaeng de l’époque de Joseon, ayant choisi comme surnom Mehwa justement, et qui, au moment d’écrire son poème, n’était plus si jeune. En regardant les branches de mehwa apparemment mortes, elle a probablement été amenée à regretter le temps où les hommes en sa compagnie l’appréciaient pour la fraîcheur de la jeunesse autant que pour le choix éminent de son surnom. S’il est vrai que la floraison du mehwa est splendide, éphémère comme la beauté d’une femme, ses fleurs roses et blanches recouvrent, au seuil de chaque printemps, les branches qui semblaient être mortes, ce qui n’est bien sûr pas le cas pour une femme fière de sa beauté. L’abricotier du Japon est par ailleurs réputé pour sa longévité. Dans certains temps bouddhistes en Corée, où il a été planté comme arbre ornemental, on en trouve vieux de plusieurs centaines d’années.


« Il m’a promis de venir me voir à la floraison du mehwa », disent les paroles d’un autre vieux chant lyrique. L’auteur, qui, quant à lui, est anonyme, est sans doute d’autant plus impatient devant cet arbre en fleurs que ses pétales sont particulièrement éphémères.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « L’amour comme le mehwa » interprété par le groupe Jamong.
  2. « Le Chant de mehwa » par Yi Yun-jin. 
  3. « Il m’a promis… » chanté par Park Min-hee.

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