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Le « gukak fusion »

Il était une fois une rencontre, celle d’un homme et d’une femme, tous deux artistes. Lui, Régis Coisne, un guitariste d’origine française ; elle, Sina, une chanteuse coréenne qui vient de débarquer à Paris. Comment se sont-ils rencontrés pour former finalement un duo, Sinacoisne ? Disons que Muse les a guidés l’un vers l’autre.


Devant un public restreint, à l’occasion d’une fête par exemple, Sina chantait d’abord les standards de jazz, de Tom Jobin, Bili Evans ou Billy Cobham. Puis, histoire de séduire le public parisien par un exotisme sans doute, elle chante les mélodies traditionnelles de son pays d’origine, pas de façon orthodoxe, mais en improvisant sur les harmonisations modernes jouées par Régis Coisne, façon Bossa, Jazz, Folk/Rock, Blues.


En 2017, une bonne nouvelle toute inattendue pour ce duo : une maison de disques de Séoul lui propose d’enregistrer ses chansons. Ainsi sort un album assez original, Korean Music Jazz-Folk, dans lequel sont recueillis une dizaine de chants folkloriques coréens bien connus et interprétés de façon inédite, « Dorajitaryeong », « chant des campanules » par exemple. C’est un chant que les enfants coréens apprennent à l’école. Ceux du 21e siècle préféreraient certainement sa version du nouveau millénaire.


La photo de couverture de l’album Korean Music Jazz-Folk est à la fois très belle et très symbolique. Elle a été réalisée dans un vieux temple bouddhiste et selon le procédé du clair-obscur. La chanteuse, au corps svelte relevé par sa robe d’été sans manches, a posé devant une porte à deux battants ouverte sur une verdure lumineuse. Est-elle sur le point de quitter l’endroit ombragé pour aller de ce côté-là ? Ou, au contraire, vient-elle de mettre les pieds dans le sanctuaire, ayant traversé cet espace vert ? On l’ignore, si bien qu’on a l’impression qu’elle est au seuil des deux mondes, et ce comme dans son art.


Le « gukak-fusion » n’est pas une nouveauté et ne séduit pas toujours le public. Celui-ci affiche une indifférence, parfois un dédain, à l’égard de certaines tentatives de fusionner le gukak et d’autres genres musicaux. Il lui arrive de comparer une œuvre issue de cet effort à un Coréen du début du siècle dernier portant un « gat », un type de chapeau traditionnel, et monté sur un vélo. Il s’agit de critiquer la simple juxtaposition d’éléments hétérogènes, ce qui n’est pas le cas des pièces de musique recueillies dans Korean Music Jazz-Folk.


En matière de « gukak-fusion », d’autres exemples de réussite ne manquent pas. En l’occurrence, répondant à une initiative de la Fondation culturelle de la ville de Miryang, un groupe de musique a cappella, MayTree, a mis en œuvre une interprétation moderne d’un chant folklorique de cette région, bien connu des Coréens pour ce couplet amusant : « Regarde-moi / Mais regarde-moi / Comme si tu avais trouvé une fleur en hiver ». Le groupe était sans doute conscient de la popularité de ces paroles pour en faire le titre de la nouvelle version.


Et si l’on chantait un morceau de pansori a cappella ? C’est l’idée qu’a eu le groupe Torys. Et il a jugé que l’avant-dernière scène du « Chant de Chunhyang », le dénouement précédant les retrouvailles des deux amoureux, était particulièrement bonne à être interprétée de cette façon.


Vous voyez monter sur scène un guitariste flamenco et une danseuse. Le genre de spectacle qu’ils vont donner n’a rien de mystérieux. Mais ils sont suivis par une troisième artiste : une chanteuse de pansori ou « sorikun ». Vous êtes alors impatient de découvrir ce qui va se produire sur scène.


Vous avez affaire au groupe Soriquete, un nom inventé à partir du mot espagnol « soniquete », de façon à remplacer « soni » par « sori », le mot coréen qui, en gukak, désigne le chant. Le groupe n’y a certainement pas pensé ; mais à prononcer son nom à la française, « soriquete », on imagine un groupe d’artistes « en quête de sori », artistes novateurs qui recherchent et expérimentent de nouveaux styles de musique. En effet, c’est bien ce à quoi Soriquete s’adonne.


Un morceau tiré d’un numéro de pansori « Le Palais sous les mers » en est un exemple. De quelle scène s’agit-il ? Eh bien, celle dans laquelle le lapin, qui vient d’arriver dans le palais maritime, est entre la vie et la mort. Il ne lui fallait pas suivre la tortue qui lui proposait un tourisme sous les mers. Le roi-dragon avait besoin de lui pour un sacrifice. Les gardes encerclent l’animal dupé, et ce sur un fond de musique flamenco.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Dorajitaryeong » chanté par Sinacoisne. 
  2. « Comme si tu avais trouvé une fleur en hiver » chanté par MayTree.
  3. Un extrait de « Chant de Chunhyang » chanté par Torys.
  4. « Le Palais sous les mers » par Soriquete.

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