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Poésie et chant

A l’époque de Joseon, toute personne désireuse de faire carrière dans la fonction publique devait aimer la poésie, d’autant que la composition d’un poème en caractères chinois et conforme à la versification assez compliquée figurait parmi les épreuves de « kwageo », le concours des mandarins. L’examinateur donnait des rimes et les candidats écrivaient un poème, soit en 5 vers, soit en 7.


Certains des poèmes, qui avaient valu aux candidats l’accès à la dignité, ont ensuite été répandus parmi les amateurs de poésie. En voici un signé d’un certain Shin Kwang-su, un mandarin du XVIIIe siècle :

Une rivière automnale sillonne en solitaire

Sous l’eau glaciale, même les poissons gèlent

Un vieillard monté dans un pavillon fouetté par le vent

Se souvient de ses années en fleur et appuyé sur sa canne

Suit du regard des mouettes qui s’éloignent


Ainsi traduit, le poème en caractères chinois et rimé n’est plus tout à fait celui qui a été apprécié, peut-être même admiré par l’examinateur de « kwageo ». Mais bon, puisque chacun sait que traduire un poème, c’est le trahir.


Cette strophe de 5 vers s’est visiblement inspirée d’un poème de Du Fu, le célèbre poète chinois de la période Tang. L’examinateur, éclairé sur la poésie chinoise de tous temps, n’aurait pas manqué de s’en apercevoir, sans pénaliser cependant le manque d’originalité. Au contraire, il s’agissait d’une preuve que le candidat possédait une solide connaissance en matière de littérature classique.


Parmi les admirateurs de ce poème, il y avait des « kisaeng », geisha coréenne, si vous voulez, des courtisanes assez cultivées pour être dignes de ce surnom « haeeohwa », « fleur qui comprend la parole ». Et c’est probablement l’une d’entre elles qui a été à l’origine d’un chant avec comme paroles le poème d’un admis au concours des mandarins.


Pour aimer une chanson, on n’a pas forcément besoin de comprendre son texte. Les Coréens, amateurs de pop par exemple, ne sont pas tous bons anglophones. Et combien parmi les admirateurs de l’opéra de Verdi parlent italien ? S’agissant cependant d’un poème en caractères chinois mis en musique, il risque d’être peu aimé des jeunes coréens d’aujourd’hui, d’autant que sa mélodie ou la façon de chanter, propre à l’interprétation de ce genre de cantate, s’accordent aussi peu avec leur sensibilité que ses paroles qui ne leur disent pratiquement rien.


Et si on chantait un poème coréen moderne de la même façon, et ce au piano ? C’est l’idée qu’ont eu certains jeunes musiciens aussi soucieux de plaire aux amateurs de musique de leur génération que de préserver la tradition musicale de leur pays. Quel poème par exemple ? Eh bien, celui-ci qui évoque l’éphémérité de notre vie autrement que le poème d’un mandarin de Joseon :

Une fleur

Que de peine il lui a fallu pour s’épanouir

La voilà déjà fanée

Sans que j’ai eu le temps de penser à qui l’offrir


Ou encore celui qui commence ainsi :

Tout juste un nom gravé dans mon cœur

Suffirait pour vivre heureux


Il existe aussi de jeunes artistes qui, en matière de chant, cherchent à renouer avec la tradition de façon plus audacieuse, voire risquée. C’est notamment le cas de Souljigi, un groupe de chanteurs qui publie régulièrement un album comportant des chansons traditionnelles revisitées. Il leur est arrivé, par exemple, d’adopter comme paroles la traduction d’un poème en caractères chinois et de le chanter à la manière d’autrefois. Cela aurait été beaucoup plus difficile qu’ils ne le croyaient.


Rappelons qu’un poème en caractères chinois est caractérisé par sa concision. En fait, être concis, c’est la propriété même de l’écriture chinoise qui est un idéogramme. Ainsi, on chantait un poème chinois de façon à prolonger le son de chaque caractère, comme si on savourait le sens qui s’en échappait. Traduit en coréen, ce poème perd sa concision. En fait, au niveau de la longueur, un vers en chinois représente une strophe de plusieurs vers en coréen. Comment peut-on chanter alors la traduction d’un poème en caractères chinois à la manière d’autrefois ? Souljigi a-t-il réussi son pari ? En l’écoutant, chacun en jugera par soi-même.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Gwansanyungma » chanté par Kim Kwang-suk.
  2. « Au temple Sunun » chanté par Kang Kwon-sun.
  3. « Un nom » chanté par Kim Na-ri.
  4. « Le printemps » par Souljigi.

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