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Yaksha : espionnite aiguë

2022-11-23

Séoul au jour le jour


Le réalisateur Na Hyeon est surtout connu comme scénariste, notamment de l'excellent film d'animation « Leafie, a Hen into the Wild » en 2011. Il commet avec « Yaksha » son deuxième long-métrage après l'échec de « The Prison » en 2017. Cette fois, encore, il a des acteurs de poids : le toujours excellent Sol Kyung-gu et la nouvelle star Park Hae-soo tout droit sorti de « Squid Game » et de « Money Heist Korea ». Park Hae-soo est le chouchou coréen du producteur Netflix et il le mérite bien.



* Cherchez l'espion

Na Hyeon nous avait habitué a des scénarios mieux ficelés : avec « Yaksha » nous commençons par nous intéresser à un procureur rebelle comme on en voit peu au Pays du matin Clair. Interprété par l'impeccable Park Hae-soo qui donne de l'intensité à son personnage, on comprend vite qu'il s'agit d'un anti-héros. En effet, après s'être attaqué à un magna plein aux as, il est mis au placard dans les bureaux de la NIS alias les services secrets coréens. Le portrait de la routine de ces services autrefois nommés KCIA est des plus comique : entre pantouflage et partie de puzzles, entre sorties à bicyclette et gueuletons sur le pouce, le fleuron de l'espionnage sud-coréen, souvent mis en cause pour être mêlé à des embrouilles politiques, en prend pour son grade. Park Hae-soo veut cependant reprendre de l'active et se retrouve dans une intrigue improbable en Chine aux côtés de Sol Kyung-gu, un électron libre de la NIS aux agissements troubles. Après cette introduction plutôt réussie, le scénario s'embourbe, et on se désintéresse du sort de notre procurateur anti-héros.



* Deux acteurs et une scène  

S'il faut retenir quelque chose de ce film à rallonge - cela est possible dans les productions d'une Netflix qui a tout intérêt à produire en longueur - ce sera la présence de deux brillants acteurs et d'une séquence d'action bien pensée bien que mal exploitée. Si le film de plus de deux heures aurait bien mérité d'être amputé d'une trentaine de minutes (notamment, les scènes explicatives qui ont l'air sérieuses vu la trombine des acteurs mais qui sont surtout lourdingues), du temps est donné à Park Hae-soo et Sol Kyung-gu pour montrer la subtilité de leur jeux, tout en regards et petits rictus en coin. On a presque envie d'oublier les scènes qui tentent de nous persuader du sérieux de cette histoire mêlant des espions de Corée du Nord, de Japon, de Corée du Sud et de Chine. On apprend juste que Kim Jong-un a besoin de liquidité et que la NIS peut la jouer parfois mauvaise. On passe sur le multilinguisme et on note que le sujet est la restauration du pouvoir mondial autour de l'Asie de l'Est, et que cela donne une guerre des gangs qu'ils soient d'Etat ou mafieux. La différence est difficile à faire. On a là le message du film. Une annonce introductive aurait suffit.



* Deux acteurs et une scène (suite)

Mais revenons à nos deux acteurs clefs. Le directeur de casting a eu raison de les unir dans un même film, car leur jeu s'appuie sur une gestuelle similaire. Tous deux aiment à se poser en profil voire de dos avant de lentement se retourner ou lever la tête. Tous deux aiment aussi à jouer du regard, mais ce n’est pas le regard-signe des acteurs lambda de dramas, c'est le regard intériorisé, celui qui fait sentir qu'il y a quelqu'un qui pense derrière l'image extérieure ; une image extérieure, d’ailleurs, très mal conçue par la réalisation qui essaie de montrer le procureur comme un intello peu porté sur l'action physique et le super espion comme un bagarreur au grand cœur. Les scènes n'étant pas tournées dans l'ordre chronologique du film, cela n'évolue pas même après deux heures de confrontations. Le réalisateur - probablement grâce à son assistant - a pourtant la bonne idée d'une séquence de fusillade entre deux bâtiments d'une ville chinoise - Shenyang - réjouissante bien que très clichée. Nos espions sud-coréens canardent des flics chinois depuis les travées d'un immeuble qui fait face à un autre immeuble tout proche d'où nos pauvres gardiens de l'ordre répliquent. Ils sont pauvres, car on aura jamais vu des flics chinois se faire tirer comme des lapins à ce point. Les autorités de l'empire du milieu n'ont pas du visionner le film. Magnifique configuration donc pour une mise en scène à la John Woo de la grande époque. Et le film rappelle par bien des aspects les grands polars de Hong Kong de l'âge d'or des années 1980. Sol Kyung-gu se prend même un pour Chow Yun Fat avec son Beretta qu'il recharge sans arrêt et actionne à l'horizontale. Las, cela manque de travelings fluides et d'envolées de grue (exceptée une petite très bien venue).


ⓒNetflix, Inc.

* Na Hyeon

Evidemment, on se prend à regretter une vraie réalisation pour ces décors de ville chinoise interlope. Malheureusement Na Hyeon se contente de prises de vue en mode automatique, laborieusement collées aux redondances d'un récit probablement concocté à l'origine pour une série. Bref, Na s'échine à mettre en boite une histoire à dormir debout, à peine du niveau des romances de TV drama. La prochaine fois sera peut-être la bonne, c'est ce que nous lui souhaitons.

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