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Culture

Le pansori (2) : Le chant de la fidèle Chunhyang

2014-04-17

Le pansori (2) : Le chant de la fidèle Chunhyang
Auteur inconnu. Paru en 2008 aux éditions Zulma, traduit du coréen par Choi Mi-kyung et Jean-Noël Juttet

Nous sommes à la fin du 17e siècle. Yi Mongnyong, le fils du gouverneur de la ville de Namwon, située au sud-ouest de la péninsule coréenne, tombe amoureux de Chunhyang, fille unique de Wolmæ, une kisæng, c'est-à-dire une courtisane versée dans les arts et le service des puissants, qui s'est retirée depuis longtemps. Malgré la différence de classe sociale, les deux jeunes se marient à l'insu du père de Mongnyong. Cependant, leur bonheur ne dure pas longtemps : le jeune gentilhomme est obligé de quitter sa bien-aimée pour suivre son père qui est nommé à un nouveau poste dans la capitale. Byon Hakdo, le nouveau gouverneur, abuse de son pouvoir pour prendre Chunhyang, qui refuse obstinément en dépit de tous les sévices qu'on lui inflige. Quant à Mongnyong, il réussit au concours de recrutement des hauts fonctionnaires. Chargé d'une mission d'inspection secrète, il retourne à Namwon, déguisé en mendiant. Il révèle enfin son identité, chasse le gouverneur corrompu et délivre Chunhyang.

Pages 32 à 36 :
On était au printemps, la plus belle saison de l'année, au cinquième jour du cinquième mois du calendrier lunaire. Chunhyang, la fille de Wolmæ, s'était initiée à la poésie. Comment une personne sachant comme elle versifier n'aurait-elle pas profité des charmes de cette saison ? Précédée de Hyangdan, sa servante, elle descendit faire de la balançoire. Ses cheveux étaient élégamment tressés comme un entrelacs d'orchidées ; une épingle sertie d'un couple de phénix traversait horizontalement son chignon. Elle avait la taille si fine sous sa jupe qu'on aurait dit une branche de saule bercée par le vent. Elle avançait avec souplesse, d'une démarche élégante, aussi légère que gracieuse. Saisissant la corde de ses mains délicates, elle mit les pieds sur la planche et s'envola. De dos, elle offrait aux regards l'épingle de jade et d'argent de son chignon. De face, on apercevait son petit poignard à sa ceinture, au manche d'ambre et de jade. Sa chemise, doublée d'une fine gaze de soie chinoise, avec des nœuds de la même couleur, lui seyait à merveille.
[...]
Là-bas, le jeune Yi se morfondait dans sa solitude en regardant voltiger les hirondelles dans l'air printanier. Mille pensées l'assaillaient. Il se disait en lui-même :
« La belle Soshi ne viendra pas me voir, puisqu'elle a suivi Bum Sobæk, ni la belle Wu qui a choisi de mourir avec son roi, ni Wang Sogun qui a fui le palais impérial pour se retirer dans la montagne ! Et pas davantage Ban Chobyo qui s'enfermait pour chanter, ni non plus Cho Biyon qui se promenait au palais de Soyang à l'aurore ! »
Ses pensées devenaient confuses.
« Bangja !
— Oui, Maître.
— Veux-tu aller voir là-bas, ce qui flotte dans l'air ? »
Bangja s'exécuta, puis revint.
« Ce n'est rien d'autre qu'une jeune fille, Chunhyang, la fille de Wolmæ, une kisæng qui a fait son temps. »
Le jeune homme se surprit à dire : « Elle a l'air fort belle... Très belle, assurément !
— Sa mère est une ancienne kisæng, mais sa fille a refusé de suivre la même voie. Elle n'est pas seulement belle, elle sait lire, elle écrit joliment et elle a appris à se conduire de la meilleure façon. Elle n'a rien à envier aux demoiselles de la meilleure société. »
Le jeune gentilhomme dit en riant à Bangja :
« Si je t'entends bien, c'est quand même la fille d'une kisæng. Alors, va vite la chercher !
— Sa beauté, Maître, est de notoriété publique dans toutes les provinces du Sud. Tous les fonctionnaires, jusqu'aux gouverneurs, et tous les grands coureurs de jupons, ont voulu la voir. Mais elle est vertueuse, elle manie les mots aussi bien que Yi Bæk et Tu Mok ; elle a un caractère de la plus grande douceur et elle égale, en sérieux, les deux épouses du roi Sun. Je vous en supplie, ne me demandez pas d'aller la chercher ! »
Yi éclata de rire.
« Tu ne sais donc pas comment va le monde ? Il n'est rien qui ne finisse par tomber dans les mains de l'un ou de l'autre. Il n'est jusqu'au jade blanc du mont Hyung ou l'or de la Yosu qui ne deviennent en fin de compte la propriété de quelqu'un. Va vite, amène-la-moi ! »

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