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Le vert, couleur de l’espérance ? Oui, « le vert paradis des amours enfantines » pour Baudelaire par exemple, ou encore les champs d’orge verdoyants pour les paysans coréens d’autrefois. Durant l’hiver, les petits agriculteurs mangeaient tout leur riz récolté en automne. Le printemps représentait ainsi pour eux la « saison de la faim », une période pendant laquelle certaines familles, souvent les plus démunies, ne pouvaient se nourrir que de racines et d’écorces. Heureusement pour ces misérables, les champs d’orge ont commencé à verdoyer et laissaient espérer qu’ils allaient bientôt manger à leur faim. 


Pour ne pas faire trop attendre ces affamés, nous voici au début du mois de juin, saison de la récolte de l’orge. Dans une commune rurale, on entend partout ongheya. C’est une sorte d’interjection que l’on émet en exécutant une tâche fastidieuse et assez pénible. En effet, ça et là, on voit des paysans battre leur récolte avec un fléau, pour séparer le grain de l’épi. Les agriculteurs de la région de Gyeongsang ont fini par inventer un chant de travail avec comme refrain « ongheya ». Puis, les chanteurs de pansori en ont fait une véritable œuvre musicale. Et enfin, une compositrice contemporaine, Im Jun-hee, l’a adaptée en quatuor, un concerto pour quatre gayageum plus exactement. Le voici joué par l’Ensemble de Gyeonggi.


Un petit test de connaissance du gukak : combien de cordes comporte le gayageum ? Oui, 12 traditionnellement, alors que dans le concerto que vous venez d’écouter, il s’agit de gayageum à 16 cordes, une invention qui a été réalisée dans le but d’enrichir la musique gukak. Quitte à vexer les sud-Coréens, il est à noter que c’est la Corée du Nord qui a eu l’initiative en la matière. En fait, dès les années 1950, Pyongyang a entamé une innovation des instruments de musique traditionnelle afin d’amplifier et de varier leurs sons. Les instruments ainsi innovés permettent aussi de mieux jouer la musique occidentale basée sur une échelle heptatonique, alors que le gukak est caractérisé par les gammes pentatoniques : gung, sang, gak, tchi, wu.

 Un exemple de cette innovation est le goeumjeodae, un nouveau modèle de daegeum, une grande flûte traversière. Comme son nom l’indique, il permet de jouer une octave supérieure par rapport au modèle traditionnel. Signe de réconciliation entre Séoul et Pyongyang, cette invention nord-coréenne est bien connue en Corée du Sud, ainsi que différentes œuvres des musiciens nord-coréens pour goeumjeodae. Voici en l’occurrence le chant folklorique « Arirang » adapté en concerto pour goeumjeodae.


Vous venez donc d’écouter l’œuvre du musicien nord-coréen Hwang Jin-cheol. L’artiste jouant du goeumjeodae, Lee Suk-im, est également nord-coréenne. Quant à l’orchestre, la troupe Geumgangsan, elle est composée de musiciens qui ont une origine assez particulière. Ce sont les anciens ressortissants coréens au Japon qui ont choisi la Corée du Nord comme patrie. Ont-ils fait leur choix selon leur conviction artistique ? Croyaient-ils que Pyongyang était un mécène plus motivé et plus généreux que Séoul en matière de gukak, musique nationale selon sa traduction littérale ? En fait, le régime nord-coréen a quelque chose de très particulier, voire paradoxal : il est à la fois communiste et nationaliste, alors que par principe, ces deux idéologies sont incompatibles.


Pour en revenir au sud du 38e parallèle, s’il est vrai que dans l’art des sons, la musique populaire occidentale s’impose clairement, la Corée du Sud ne manque toutefois pas d’artistes qui s’inspirent de la tradition musicale de leur pays, et ce même parmi les chanteurs populaires. A ce sujet, le parcours artistique d’un certain Song Chang-shik est significatif. Compositeur et interprète, il a fait ses débuts à la fin des années 1960, dans un café-concert de Séoul. Son originalité s’est révélée dès sa première apparition devant le public. Il a chanté un air d’opéra, « Una furtiva lagrima », accompagné à la guitare. Il s’agissait sans doute d’une réaction au fait qu’un genre musical, qui est apparu dans les années 1920, s’imposait toujours en Corée du Sud : le « trot », taxé de « chanson de papa » par les jeunes. Alors que, comme beaucoup d’autres jeunes chanteurs, Song interprétait des tubes du genre « pop song » et est devenu une idole de la jeunesse sud-coréenne dans les années 1970, il est parvenu à créer son propre univers artistique en puisant son inspiration dans le gukak. Sur scène, il portait dorénavant a un hanbok, le costume coréen traditionnel, et son instrument de musique fétiche, la guitare.


Imaginez cette fois un b-boy dansant sur une mélodie de gukak. En effet, en 2007 est sorti un album, « Flying Korean », un recueil de chants folkloriques adaptés pour le break dance. En voici un, « Mongeumpotaryeong », en adaptation pour taepyeongso, un instrument à anche double, et interprété par Jin Seong-su.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « ongheya », concerto pour quatre gayageum joué par l’Ensemble de Gyeonggi.

2. « Arirang » adapté en concerto pour goeumjeodae et joué par la troupe Geumgangsan. 

3. « Mongeumpotaryeong », en adaptation pour taepyeongso, et interprété par Jin Seong-su.

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