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« Qui s’empêche de s’amuser ? ». Ainsi commence « Changbu taryeong », un chant folklorique dont les paroles sont attribuées à un certain Jeon Tae-yong, un « changbu », artiste ambulant du siècle dernier. Il les aurait improvisées, pendant un repas en commun suivant un gut, un rituel chamanique, qui s’est déroulé dans une commune rurale, probablement enivré de quelques verres de « makgolli », l'alcool des paysans. Quant à la mélodie, improvisée elle aussi, elle ne lui revient pas entièrement ; c’est celle que Jeon, au haegeum, et d’autres « changbu », chacun à son instrument, ont jouée pour accompagner la danse chamanique pendant la liturgie.

« Taryeong » veut dire « chant ». Vous croiriez alors que « Changbu taryeong » s’intitule de la sorte, parce que c’est une œuvre des artistes ambulants. En réalité, ce titre fait référence au fait que le rite chamanique, à l’occasion duquel le chant a été inventé, consistait à consoler l’âme d’un « changbu », un musicien ambulant de talent exceptionnel et mort prématurément. Sa mort précoce aurait rendu ses confrères, notamment Jeon Tae-yong, particulièrement sensibles à la finitude de l’existence humaine. L’inventeur des paroles de « Changbu taryeong » se serait alors persuadé qu’il fallait profiter de la vie ou, selon son chant, « ne pas s’empêcher de s’amuser ».

 Jeon Tae-yong n’a jamais chanté dans un studio. Il existe tout de même un enregistrement de « Changbu taryeong » interprété par lui-même. En 1987, trois ans avant son décès, un folkloriste lui a rendu visite et l’a sollicité pour entonner derrière un micro le chant dont les paroles lui étaient attribuées et qui avait fini par figurer dans le répertoire des chanteurs de pansori. 


A l’origine d’un autre célèbre chant folklorique, « Hoeshimgok », est cette fois-ci un rituel bouddhique. Imaginez un moine récitant un sutra, un canon bouddhique, de façon rythmique. Les fidèles l’écoutent attentivement, sans comprendre cependant grand-chose, en n’appréciant pour la plupart que la musicalité de la récitation. En effet, lors de la liturgie, un sutra est récité en sanscrit ou en traduction chinoise. Cette tradition s’explique sans doute par le besoin de respecter la musicalité inhérente au texte.

 Imaginez cette fois un chanteur de pansori parmi les fidèles qui écoutent la récitation du texte spirituel. Pour ce musicien croyant, l’art compte autant que la foi. Il se propose alors de véhiculer les bonnes paroles via un chant inspiré de la musicalité de ces mots salutaires. Il n’est cependant pas question pour lui de le chanter en sanscrit, ni en chinois, car un public, profane, aimerait bien comprendre ce qui est chanté, alors que pour les adeptes du Bouddha, les paroles saintes sont d’autant plus mystiques qu’elles sont incompréhensibles. Le chanteur de pansori demande alors au moine de traduire en coréen le sutra qu’il a récité. Le religieux accepte, mais ne satisfait l’artiste que de façon à traduire les passages essentiels du long texte. Ce à quoi fait référence le titre du chant, « Hoeshimgok » qui veut dire « retour à l’essentiel ».

 Les paroles racontent le parcours d’un être humain, depuis la naissance jusqu’à la mort, en donnant des leçons de morale. Elles insistent par exemple sur la piété filiale. S’agit-il là d’un rajout de la part du chanteur qui vivait dans un royaume confucéen ? En tout cas, c’est le passage le plus connu des Coréens d’aujourd’hui, restant assez attachés à la tradition confucianiste. 


Adeptes du Bouddha, écoutez-moi

L’univers n’est rien sans homme

Et quel homme est né sans ses parents

Il doit ses os à son père

Il doit sa chair à sa mère

Et son âme à leurs prières au Bouddha


Dès le début, le chant multiplie les raisons pour lesquelles un individu doit vouer un respect absolu à ses parents et prendre soin d’eux, quand ils sont vieux. C’est un chant particulièrement aimé des personnes âgées en Corée du Sud, amateurs de gukak ou non. Et Kim Young-im, la chanteuse que vous avez écoutée, est considérée comme la meilleure interprète de cette chanson de piété filiale.

L’incarnation romanesque de cette vertu est incontestablement Shim Cheong, une jeune fille qui a bravé la mort pour racheter une bêtise de son père non-voyant. Elle était à ce point consciente de ce qu’elle lui devait. En fait, sa mère étant décédée lors de son accouchement, elle a été élevée, dès sa naissance, par son père. Imaginez ce non-voyant, avec le nourrisson dans ses bras, venant tous les jours à l’unique puits de son village. Il s’agit pour lui de trouver une femme pour la supplier d’allaiter son bébé. Un « mendiant de lait » selon les termes des femmes du village, rappelant à Shim Cheong devenue adulte quelle peine son père s’est donnée pour l’élever. Le récit, un éloge de la piété filiale, a été adapté en pansori avec comme titre « Shimcheongka ». 


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Changbu taryeong » interprété par Jeon Tae-yong

2. « Hoeshimgok »  chanté par Kim Young-im

3. « Shimcheongka » chanté par Seong Chan-sun

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