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Mosimnida

Comment un orchestre ou un groupe musical trouve-t-il son nom ? Le groupe Gwangchil, composé de neuf jeunes musiciens de gukak, s’est ainsi baptisé par référence à l’année où il a été créé. En 2015, date de son lancement, cela faisait tout juste 70 ans que la Corée avait été libérée de la colonisation japonaise ou, comme on dit ici, a « retrouvé la lumière », « gwangbok » en coréen, ce à quoi renvoie le premier morphème du nom du groupe, « gwang ». Quant au second, « chil », il a été tiré du chiffre 70, « chilsip » en coréen.


Le groupe Gwangchil s’est-il rappelé aussi que la même année, cela faisait tout juste 70 ans que la Corée avait été divisée en deux à cause de la guerre froide ? En fait, comme le montre un tube du groupe, « Mosimnida », « Je vous invite », son répertoire est en grande partie inspiré des chants folkloriques de Seodo, l’ouest de la Corée du Nord, où siège notamment sa capitale Pyeongyang.


Le Soufflet

La version originale de cette chanson, un chant folklorique de Seodo donc, est d’origine chamanique. Dans les mots constituant le titre « Je vous invite », mots qui reviennent par ailleurs au début de chaque strophe des paroles, c’est le chaman qui s’adresse aux esprits. Le groupe Gwangchil en a fait une telle adaptation que les trois chanteuses s’adressent aux êtres humains. A quoi les invitent-elles ? Eh bien, à s’amuser.  Rappelons que les sud-Coréens de la même génération que les musiciens du groupe Gwangchil sont en général hédonistes.


Et si nous écoutions un virtuose du chant de Seodo, qui, dès sa première jeunesse, semblait être persuadé qu’il fallait jouir de la vie ? Il s’agit de Kim Kyeong-bok, né en 1915 à Haeju, dans l’ouest de l’actuelle Corée du Nord, à Seodo donc. Son lieu préféré n’était bien sûr pas l’école, mais le « gutpan », lieu de rituel chamanique, qui était animé de la musique et de la danse, un lieu de fête et aussi la première école de chant pour le jeune adolescent.


Installé à Séoul depuis la guerre de Corée, Kim a transmis l’art du chant de Seodo à plusieurs chanteurs sud-coréens. Il a aussi participé à l’enregistrement d’un album conçu par KBS : « Les Chants folkloriques de la Corée du Nord ». Il comporte notamment « Le Soufflet »  chanté par l’artiste d’origine nord-coréenne. Le titre n’a apparemment rien à voir avec les paroles au cœur desquelles se trouve un homme qui ne cesse de tromper sa femme. Pourquoi s’intitule-t-elle alors de la sorte ? Un soufflet sert à faire du vent, « baram » en coréen, qui signifie aussi « l’adultère ». Pourquoi alors les Coréens associent-ils une passion adultère au vent ? Est-ce parce que l’une comme l’autre est volage ?


Baebaengi gut

Un autre virtuose du chant de Seodo, Yi Eun-kwan, décédé en 2014, est indissociablement lié au récit chanté « Baebaengi gut ». C’était incontestablement le meilleur interprète de ce chant épique qui a été porté à l’écran avec Yi Eun-kwan lui-même dans le rôle du personnage principal. Voici ce qui y est raconté, d’à la fois amusant et émouvant.


Une famille riche de Seodo a perdu sa fille unique, Baebaengi. Ses parents la regrettent tellement qu’ils souhaitent l’impossible : communiquer avec son esprit. A qui peuvent-ils faire appel pour réaliser ce vœu irrationnel ? Eh bien, à un chaman. Ils annoncent alors à tous les chamans du pays que si l’un d’eux leur permettait d’entrer en contact avec l’esprit de leur chère fille, ils lui donneraient la moitié de leur patrimoine.


Nombreux sont, bien sûr, les soi-disant intermédiaires entre l’ici-bas et l’au-delà qui répondent à cet appel. Chez leur « client », puisqu’il s’agit bien d’un échange de biens, autant dire un commerce, se multiplient ainsi des rituels chamaniques, des « gut », jusqu’à ce que les parents de Baebaengi soient persuadés d’avoir devant eux le revenant qu’ils attendaient tant. Que le meilleur gagne, c’est-à-dire que le plus fort en charlatanisme touche la fortune mise en jeu.


« Te voilà ! » C’est le temps fort de « Baebaengi gut », au sens propre aussi bien qu’au sens figuré. Dans l’interprétation de ce passage du chant, Yi Eun-kwan est inimitable. Il met en valeur de façon sublime la vibration vocale qui caractérise le chant de Seodo. Le charlatan, enfin le chaman, est censé être possédé par l’esprit de Baebaengi. Autrement dit, par sa voix et par ses gestes, il incarne tellement bien cette jeune fille que les parents de celle-ci ne peuvent s’empêcher de dire : « Te voilà ! » Pour communiquer avec l’esprit de leur fille, ils n’ont donc qu’à parler avec le chaman qui, avant de venir chez son client, se serait bien renseigné sur la défunte jeune fille et sur sa famille.

 Comme le pansori, « Baebaegi gut » est un récit chanté par une seule personne. Il en existe toutefois une version dans laquelle les rôles sont attribués à plusieurs chanteurs, avec entre autres interprètes l’artiste indissociable de ce chant épique, Yi Eun-kwan donc.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Mosimnida » par le groupe Gwangchil.

2. « Le Soufflet » chanté par Kim Kyeong-bok.

3. « Baebaengi gut » chanté par Yi Eun-kwan.

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