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En automne, l’année du chien  

Quel spectacle extraordinaire ! Nous sommes à Pyeongyang sous le règne de la dynastie Joeson, au bord du fleuve Daedong baignant cette cité. Sur l’eau, on voit un groupe d’une dizaine de bateaux. A bord du plus grand, se déroule un banquet avec comme convives le gouverneur de la ville et ses proches. Parmi les autres bateaux, deux se distinguent : l’un avec des étendards flottant au vent, un escorteur sans doute, l’autre avec, à bord, un groupe d’instrumentalistes et des femmes habillées de façon colorée, des kiseng ou geisha coréenne. Sur la berge, se trouvent en ligne des hommes portant chacun une torche. En effet, le puissant homme, qu’est le gouverneur de Pyeongyang, la plus grande ville de Joseon après Hanyang, la capitale, a donné un banquet en plein air à la tombée de la nuit. Il n’était bien sûr pas question de l’organiser pendant la journée, en plein exercice de ses fonctions. Ce haut fonctionnaire, soucieux en matière de déontologie, ne s’est tout de même pas interdit de mobiliser ses administrés pour son intérêt personnel, voire pour son plaisir.


Ce spectacle, représenté par un tableau du XVIIIe siècle, témoigne entre autres de la prédilection des Coréens de Joseon, notamment des aristocrates, pour une partie de plaisir sur un cours d’eau en guise de loisir. Bien sûr que tous n’avaient pas les moyens de s’offrir une promenade fluviale et encore moins pour donner une fête telle le banquet sur le fleuve Daedong que nous venons de décrire. Mais, chants et poèmes l’attestent, il arrivait à plus d’un noble d’en organiser en modèle réduit, c’est-à-dire de façon à inviter un ou deux amis sur un bateau loué, à l’occasion de la pleine lune notamment, et à boire et à chanter jusque tard le soir.


Chant du bateau  

A l’origine de la passion des nobles de Joseon pour une fête sur l’eau, était probablement l’influence de la culture chinoise. Les paroles d’un chant de gukak décrivant une promenade en bateau citent effectivement un lettré de Chine antique, Su Shi ou Su Dongpo, célèbre pour son poème en prose, « La Falaise rouge », écrit après qu’il a fait une excursion sur le fleuve Yangzi. Par ailleurs, une date précisée à l’ouverture du chant semble n’être significative que du fait d’être la reproduction du début de ce poème :


En automne, l’année du chien, je débarque à Geumreung

 J’échange contre le vin

 Les poissons que j’ai pêchés de mes propres mains

 Alors que Su Dongpo n’est plus

Avec qui je partage ce breuvage sur mon bateau


Geumreung est l’ancien nom de Nankin, une grande ville située en amont du fleuve Yangzi. L’auteur des paroles, un sinophile sans doute, aurait fait, dans son imaginaire, le même voyage que le poète chinois.


Pour en venir à un fleuve coréen cette fois qui, à l’époque de Joseon, fut également très fréquenté par les amateurs de promenade en bateau, sur le Han traversant Hanyang, l’actuel Séoul, on entendait aussi les bateliers chanter, ceux qui transportaient dans la cité royale des fagots ramassés à Ganghwa, une île située à l’embouchure de ce fleuve. On entendait plus précisément deux types de chansons, l’une chantée en remontant le cours d’eau, un chant de travail, l’autre en redescendant le fleuve, un chant, quant à lui, tout simplement joyeux, car les bateliers, n’ayant plus besoin de ramer, pouvaient se comparer aux promeneurs en bateau.


Le Bateau qui s’éloigne  

Un bateau s’éloigne. Et, à l’époque de Joseon, cet éloignement pouvait être précédé d’un adieu. En effet, alors sans train, ni avion, on montait le plus souvent dans un navire pour faire un long voyage. Les voyageurs faisaient ainsi la plupart du temps leurs adieux sur un port. Cela explique pourquoi le Comité olympique sud-coréen a choisi de clore les JO de Séoul en 1988 par un chant folklorique intitulé « Le Bateau qui s’éloigne ». Il s’agissait en quelque sorte d’inviter les délégations de différents pays à faire leurs adieux à la coréenne.


Plus de 30 ans après, rappelons que ce chant ayant retenti dans le stade olympique était, à son origine, un passage d’un célèbre numéro de pansori, « Simcheonga » ou le « Chant de Simcheong ». La chanson originale chantée par l’héroïne à bord d’un navire marchand a effectivement été précédée d’un adieu, une séparation particulièrement tragique, d’autant qu’elle ne devrait plus jamais revoir son cher père et qu’elle était destinée à être jetée dans l’eau en sacrifice vivant, pour calmer l’éventuelle colère du dieu de la mer. Quand ils écoutaient la chanson d’adieu à la cérémonie de clôture des JO de 1988, les spectateurs n’étaient probablement intéressés que par sa mélodie. Tant mieux pour le Comité olympique sud-coréen qui semblait être un peu trop préoccupé par l’intérêt de profiter d’une fête sportive planétaire pour mieux faire connaître le pays du Matin clair.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « En automne, l’année du chien » chanté par Kim Young-ki.

2. « Chant du bateau » par Kim Yong-woo. 

3. « Le Bateau qui s’éloigne » chanté par Kim So-hee.

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