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Trois tableaux inspirateurs

« Les Amants sous la lune », c’est à la fois le titre d’un tableau datant du XVIIIe siècle et celui d’un chant contemporain du genre gukak qui en est inspiré. Le tableau, une scène de genre de Shin Yun-bok, peintre légendaire en la matière, représente le rendez-vous d’un homme et d’une femme dans un coin d’une ruelle. Vu sa coiffure, le port d’un « gat », chapeau de crin de cheval, l’homme appartient à la noblesse. Quant à la femme, sa tête est couverte d’un « jang-ot », une sorte de tchador, un vêtement obligatoire pour les jeunes femmes de l’époque du Joseon, quand elles sortaient. Qui sont ces deux personnages éclairés par une faible lumière d’un croissant de lune en haut du tableau, à gauche ? Quelle est leur relation ?


En dessous de la lune, à l’endroit où est représenté un mur, on trouve une calligraphie en encre chinoise, qui dit : « C’est à eux seuls de connaître les désirs de leur cœur. » Une compositrice contemporaine, Yi Ji-young, a tenté de sonder leur cœur, et ce à partir d’un indice sur le tableau. Alors que la femme a la tête légèrement inclinée vers le bas, l’homme, portant une lanterne, la regarde, le corps à demi tourné de l’autre côté, comme s’il l’invitait à le suivre. Selon le début des paroles du chant inspiré par cette observation, la femme devrait s’interroger : « Je le suis, oui ou non ? » 


Quant à un autre tableau qui a inspiré une composition musicale du genre gukak, c’est l’œuvre d’un peintre contemporain, Park Dae-seong, un paysagiste. Ce tableau, portant comme titre « Chun ji in », « Ciel, terre, homme », représente le célèbre Mont Geumgang à vol d’oiseau et de façon qu’on le regarde dans un miroir convexe. S’agit-il seulement d’une technique de perspective ayant pour but de renforcer la perception de la profondeur ? Le titre du tableau donne lieu à une autre interprétation. Le paysage est peut-être peint de cette façon pour rappeler ce fait qu’on oublie souvent, à savoir que l’homme est un être minuscule par rapport à l’immensité de la Terre et que celle-ci est également infiniment petite par rapport à l’univers.


« L’homme n’est qu’un roseau », dit Pascal. Puis il ajoute : « Mais c’est un roseau pensant ». On peut dire que la grandeur de l’homme consiste à prendre conscience de son extrême faiblesse et à être capable de représenter cette prise de conscience douloureuse, notamment via les arts. D’une certaine manière, il s’agit là de tenter de vaincre le sentiment de sa médiocrité, de dépasser ses limites. Cela a pu être précisément le cas de notre peintre. Park alors âgé seulement de 5 ans, a perdu ses parents et son bras gauche sous un bombardement pendant la guerre de Corée. L’enfant aurait eu le sentiment d’être réduit à rien. Sans la peinture qu’il a commencé à apprendre en autodidacte dès l’âge de 14 ans, il lui aurait été difficile de se débarrasser de ce sentiment plus que pénible.


Quant à Yu Jun-sang, l’auteur d’un concerto inspiré du tableau de Park, c’est un acteur, et musicien aussi depuis qu’il a publié un album comportant une dizaine de compositions musicales, toutes avec comme source d’inspiration les tableaux de Park Dae-seong. 


Un bruit a inspiré une sonate pour gayageum, et ce par l’intermédiaire d’un tableau. Voici les tenants et aboutissants de cette histoire d’inspiration assez extraordinaire.


Le premier élément est une anecdote racontée par un poète chinois de l’époque des Song, Ouyang Xiu. Un soir d’automne, dans sa bibliothèque, il entend un bruit bizarre. Il lui semble que ce soit celui des vagues ou le hennissement des chevaux galopant vers les rangées de soldats ennemis. Il appelle son élève. « Va voir ce qui se passe dehors », lui dit-il. Un instant après, l’élève revient et dit à son maître : « C’est un bruit accroché aux branches d’arbre. » Il a donc fait son rapport de façon poétique. Tel maître, tel élève.


Des siècles plus tard, un peintre coréen de la dynastie Joseon, An Jung-sik, découvre par hasard cette anecdote. Il en fait une représentation picturale. Sur le tableau, à gauche, on voit un pavillon dont la porte-fenêtre garnie de papier de murier reflète l’ombre d’un individu, celle du poète sans doute, et au milieu un jeune garçon devant deux arbres assez grands plantés dans le jardin. Par les pans de son vêtement soulevés et des feuilles de bambou voltigeant, on imagine qu’il y fait un vent assez violent. On a même l’impression d’entendre son bruit. Au XXe siècle, un musicien va faire sortir du tableau une manifestation sonore ainsi représentée.


Dans les années 1980, Hwang Byung-ki, un virtuose du gayageum et compositeur, trouve une reproduction dudit tableau dans un studio où il est venu enregistrer. Dès le soir de ce jour-là, il se met à composer une sonate pour gayageum, histoire de ressusciter le bruit du vent qu’un poète chinois a entendu pas moins de mille ans auparavant...


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Les Amants sous la lune » interprété par Kim Jun-su et Park Ae-ri.
  2. « Vue à vol d’oiseau » avec Yi Mi-ran au heygeum et Gang Young-su au daegeum.
  3. « Le bruit de la nuit », concerto pour gayageum joué par Hwang Byung-ki.

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