Aller au menu Aller à la page
Go Top
La culture chinoise dans le gukak

Yang Guifei, la concubine favorite de l’empereur des Tang, Xuanzong, a inspiré de nombreux poèmes par sa beauté légendaire, l’une des quatre plus belles femmes de la Chine antique, et aussi par sa fin tragique. Le souverain et sa « chouchoute » étant tout le temps l’un à côté de l’autre, autant dire que l’empereur, envoûté par les charmes de sa concubine, se désintéressait des affaires de l’Etat, les hommes de la cour désapprouvaient leur relation. Lors de la rébellion d’un général dénommé An Lushan, qui mit l’empire à feu et à sang, ils mirent le désastre sur le dos de Yang Guifei. Celle-ci fut forcée de se pendre sous les yeux de l’empereur.


Les poètes coréens de l’époque de la dynastie Joseon, pratiquement tous sinophiles et plus ou moins bien éclairés sur l’histoire de l’empire du Milieu, n’étaient pas insensibles à cette anecdote. Voici un « sijo », un tercet, qui en est inspiré :


Son sourire rendait la belle cent fois plus coquette

Alors qu’avec elle, l’empereur s’enfuit vers le Sichuan

Les coquelicots à Mawa nous attristent


Ce petit poème fait référence aux faits réels et légendaires. En effet, s’agissait-il de rendre son arme fatale encore plus efficace ? Yang Guifei ne souriait que rarement et l’empereur était prêt à tout pour voir son sourire qui, dit-on, faisait les fleurs baisser la tête de honte. Face à l’armée de rébellion qui s’approchait de la capitale Changan, l’actuel Xian, Xuanzong, en compagnie de sa concubine, s’est effectivement enfui vers le Sichuan, une province du centre-ouest de la Chine. Et enfin, selon l’histoire populaire, l’âme de sa compagne, qui s’est suicidée sur la colline Mawa, pendant que le couple prenait fuite, aurait été recueillie dans un coquelicot, appelé en Corée Yanggubi, prononciation coréenne de Yang Guifei. Ledit poème est chanté sous forme d’un « gagik », « chant lyrique ».


Dans un Etat confucéen qu’était le Joseon, les gens du peuple étaient également assez familiarisés avec la culture chinoise. L’un des cinq numéros de pansori, « Jeokbyeokga », raconte effectivement une célèbre page d’histoire de la Chine antique, de l’époque des trois royaumes plus précisément. Il s’agit de la Bataille de la falaise rouge qui se déroula au cours de l’hiver 208 à un endroit sur le fleuve Yangzi, bordé par une imposante masse de rochers, et qui opposa les armées alliées de Wu et de Shu à celle de Wei.


 Le récit chanté ne reproduit cependant pas seulement les éléments officiels et officieux de cette célèbre bataille, racontés notamment dans « Les Trois royaumes », un roman du XIVe siècle, faisant partie de ce qu’on appelle les « quatre livres extraordinaires » de la littérature chinoise. Outre les héros magnifiés par l’œuvre romanesque, d’éminents stratèges et des généraux vaillants, le chanteur s’intéresse aux personnages qui n’ont pas été retenus par l’Histoire : des soldats d’origine paysanne qui ont été appelés à défendre la cause de leur seigneur et qui ont péri par dizaines de milliers dans une guerre qui n’était pas tout à fait la leur. Le chanteur les plaint : « Sur le champ de bataille où régnait l’atrocité, comme ils regrettaient leurs champs paisibles et leur douce famille qui les y attendait... » Il se moque aussi bien du roi de Wei, Cao Cao, en fuite, ayant laissé derrière lui ses hommes se battant désespérément. Histoire de séduire le public, car le pansori est un art populaire.


Le xianqi, les échecs chinois, se joue aussi en Corée et au Japon, et ce probablement depuis son invention. Par le nom des pièces, au total 16 pour chaque camp, ce jeu de société fait référence à une dispute de l’hégémonie de la Chine par deux généraux de l’époque antique : Liu Bang, le futur fondateur de la dynastie Han, et Xiang Yu, un homme doté d’une force physique surnaturelle, mais qui sera finalement battu par son adversaire et qui se suicidera.


 Un chant folklorique coréen, « Janggitaryeong » ou « Chant de xianqi », évoque l’ultime bataille qui a opposé ces deux grands ambitieux, bataille qui a donné naissance à une expression toute faite, utilisée non seulement par les Chinois, mais aussi par les Coréens : « Chant de Chu de quatre côtés », l’équivalent du « cul-de-sac » en français. Elle fait référence à une tactique psychologique qui a été utilisée par l’armée de Liu Bang. Ayant encerclé celle de Xiang Yu, dont les soldats étaient originaires de Chu comme leur général, le stratège de Liu Bang fit chanter à ses troupes un chant folklorique de la province d’origine des soldats ennemis, histoire de les rendre mélancoliques, voire de les démoraliser.


 Alors que notre chant folklorique, « Janggitaryeong » donc, évoque effectivement cette manipulation psychologique, il la rapproche en même temps de la Bataille de la falaise rouge qui s’est déroulée quatre siècles plus tard. Les Chinois vont-ils se fâcher face à cet anachronisme ? Mais dans le cas de cette chanson aussi bien que dans ceux des autres produits artistiques faisant référence à l’histoire de la Chine, les artistes coréens se sont intéressés à celle-ci, juste pour alimenter leur imagination.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Son sourire rendait la belle... », chant lyrique interprété par Hwang Suk-kyung.
  2. Un extrait de « « Jeokbyeokga » chanté par Yun Jin-cheol.
  3. « Janggitaryeong » chanté par Choi Geun-sun, Choi Eun-ho, Park Jin-ha et Yi Na-hyun.

Contenus recommandés

Close

Notre site utilise des cookies et d'autres techniques pour offrir une meilleure qualité de services. En continuant à visiter le site, vous acceptez l'usage de ces techniques et notre politique. Voir en détail >