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La reprise des tubes en gukak

Est-ce pour populariser le gukak, notamment auprès de la jeunesse coréenne qui est plus familiarisée avec les genres musicaux venus d’Occident qu’avec la mélodie traditionnelle de leur pays ? Ou tout simplement par envie de produire quelque chose de nouveau, et ce en pensant aussi aux milléniaux dont la plupart adorent effectivement la nouveauté ? Certains musiciens de gukak transposent un tube contemporain de façon à être joué par des instruments de musique coréens traditionnels. Ryu Hyeong-seon par exemple, ancien directeur artistique de l’Institut national de gukak, a adapté de telle façon « Le Chêne à feuilles de bambou », un hit de Ha Deok-kyu dans les années 1980, et qui a été repris par plusieurs autres chanteurs, notamment par Cho Seong-mo au nouveau millénaire. 

 

Alors que l’œuvre d’adaptation est une sonate, rappelons toutefois les paroles du chant d’origine, un beau texte qui a sans doute contribué au succès de cette chanson : 


Je suis trop rempli de moi pour que tu y trouves du repos 

Je suis rempli de trop de souhaits pour te laisser tranquille 

Une ombre trop grande en moi t’empêche d’y entrer 

Avec mes chagrins invincibles 

Je suis comme un chêne à feuilles de bambou 


Le « je » dans ces paroles procède en quelque sorte à une autocritique. Que se reproche-t-il ? Visiblement son égoïsme, ou le « moi haïssable » selon le terme de Pascal. Le parolier n’est autre que Ha Deok-hyu, auteur-compositeur-interprète. Selon lui, il a écrit son texte juste après sa conversion au christianisme qui, chacun le sait, condamne l’orgueil comme l’un des sept péchés capitaux, voire même celui qui engendre tous les autres.


Quant au nom d’arbre constituant le titre de cette chanson, le chêne à feuilles de bambou, il est appelé en coréen « gashinamu », littéralement « arbre épineux », nom donné probablement du fait de son feuillage lancéolé. En disant : « Je suis comme un chêne à feuilles de bambou », le parolier a peut-être pensé à une personne difficile du fait d’être trop fière, et qui créé ainsi des difficultés sur tout avec son entourage, autant dire une personne épineuse. Celle-ci a bien évidemment peu de chance d’être aimée et aussi d’aimer quelqu’un, car l’amour a besoin d’un renoncement à soi. « Le Chêne à feuille de bambou » peut effectivement être une complainte amoureuse chantée par une personne un peu trop attachée à soi. 


Une autre chanson d’amour des années 1980, adaptée, quant à elle, en sonate pour gayageum, porte comme titre « Seul son rire ». Selon ses paroles, il s’agit également d’une complainte amoureuse d’un homme ayant perdu son amour et qui se souvient de son éclat de rire qu’il aimait particulièrement. Or, adaptée par la joueuse de gayageum Ryu Ji-hyun, sa mélodie, peu modifiée, a une résonnance beaucoup moins plaintive. Est-ce parce qu’on l’écoute sans les paroles pleines de regrets ? Ou est-ce grâce au son éclatant du gayageum ? 


Une chanson peut bénéficier d’une reprise, ou d’un « remake » si vous permettez l’anglicisme, pour devenir encore plus populaire. C’est le cas de « Comme d’habitude » de Claude François, dont la version américaine, « My Way », chantée par Frank Sinatra, a eu un succès mondial. Signalons que la plupart des sud-Coréens ignorent que c’était, à l’origine, une chanson française. 


 « Chagrin d’amour », un titre recueilli dans un album de Yang Hee-eun, sorti en 1991, est, quant à lui, redevenu populaire grâce à une série télé du nouveau millénaire l’ayant adopté comme musique de film. Et une petite surprise pour les amateurs de musique classique : une cantatrice sud-coréenne de notoriété internationale, Sumi Jo, semble avoir particulièrement aimé cette chanson populaire pour la chanter dans son album sorti en 2015. On est curieux de savoir si elle a aimé ses paroles autant que sa mélodie. En fait, le texte écrit par la première interprète de cette chanson, Yang Hee-eun donc, serait banal pour ceux qui sont convaincus d’une réflexion schopenhauerienne sur l’amour : l’expérience amoureuse n’est qu’une oscillation entre le chagrin et l’ennui. Pour être plus précis, comme l’amour est désir et que le désir est manque, une personne amoureuse est forcée de souffrir de manque, ce qu’on appelle précisément le chagrin d’amour. Quand elle a eu l’objet de son désir, elle ne l’aime plus, puisqu’il ne lui manque plus. Faute de désir, elle s’ennuie, jusqu’à ce qu’elle se chagrine à nouveau, c’est-à-dire souffre à nouveau du manque, et ainsi de suite éternellement. Dans les paroles de « Chagrin d’amour », Yang Hee-eun s’interroge : « Puis-je retomber amoureuse ? » Ce à quoi les philosophes d’amour vont peut-être répondre en citant un proverbe : « Qui a bu boira, qui a aimé aimera ». 


 La chanson de Yang Hee-eun ayant fait à plusieurs reprises l’objet de « remake » a été adapté en sonate pour ajaeng. 


Liste des mélodies de cette semaine 

  1. « Le Chêne à feuilles de bambou » avec Kim Ju-ri au haegeum et Jin Sung-su au piri. 
  2. « Seul son rire » avec Ryu Ji-hyun au gayageum. 
  3. « Chagrin d’amour » avec Gang Ae-jin au agaeng. 

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