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Beatles joué par des gayageum ?

Daserum, un orchestre de gukak créé en 1990, a ceci de particulier qu’il est composé exclusivement d’instrumentalistes de sexe féminin. S’agit-il d’un choix basé sur la conviction que l’homogénéité assure l’harmonie ? Notons que le nom de cet orchestre de chambre fait référence à un terme technique de gukak : l’accord des instruments dans l’orchestre.


 Ces « amazones » ont multiplié leurs embarquements à la conquête du public étranger, avec comme armes de séduction une panoplie d’instruments inconnus de la plupart des indigènes, inouïs pour beaucoup d’entre eux. Leur deuxième album sorti en 2009 et intitulé « Musique joyeuse », est en quelque sorte le butin de ces expéditions. En fait, excepté un seul, « Arirang », tous les titres qui y sont recueillis sont des mélodies populaires de différentes nations, jouées par des instruments de musique coréens traditionnels. Lesquelles par exemple ? « Bésame Mucho », « La cucaracha », « Sous le ciel de Paris » ou encore « New York New York » pour ne citer que les chansons mondialement connues. Pendant sa tournée à l’étranger, à la fin de chaque concert, l’orchestre Daserum a effectivement joué une mélodie emblématique du pays dans lequel il se produisait, un clin d’œil au public et aussi histoire de le rendre joyeux, ce à quoi répond le titre de son album « Musique joyeuse ».


Quant à l’orchestre de gayageum Sookmyung, il s’agit d’un ensemble composé lui aussi uniquement de femmes, et pour la raison toute simple qu’il a été créé au sein d’une université féminine de Séoul, Sookmyung Women’s University. Ses membres sont donc des joueuses de gayageum, gayageum à 25 cordes au lieu de 12 dans le modèle traditionnel.


En fait, cet instrument de musique ayant plus de 1 500 ans d’histoire a été modifié de différentes façons depuis la fin du XIXe siècle. On en a par exemple inventé un dont la caisse de résonance n’était plus en bois massif de paulownia, mais composée d’une planche de paulownia et d’une autre de châtaignier. Ce type de gayageum, plus petit que le modèle traditionnel, a été conçu pour mieux s’adapter à un nouveau genre musical apparu à la fin de la dynastie Joseon, le « sanjo », une musique d’improvisation. Le gayageum a aussi et surtout évolué de façon à comporter un plus grand nombre de cordes : 13 d’abord, puis 15 et 17, pour qu’il en existe aussi aujourd’hui un à 25 cordes, celui qui a été adopté par l’orchestre Sookmyung, et ce conformément à son répertoire. Il joue effectivement le plus souvent des créations contemporaines du genre gukak comportant des notes plus variées que le répertoire traditionnel. Et un autre trait commun avec l’orchestre Daserum : il lui arrive aussi de jouer des mélodies occidentales. 

Une question que l’on peut se poser en écoutant des mélodies occidentales jouées par des instruments de musique coréens traditionnels : Avec quel genre musical européen ou américain le gukak peut-il avoir la parenté la plus manifeste ? Selon les spécialistes, et s’agissant en particulier de la musique folklorique coréenne, celle-ci s’apparenterait au jazz.


 Tous deux sont effectivement marqués par la spontanéité, si bien que dans l’un comme dans l’autre, l’improvisation joue un rôle majeur. On peut dire aussi que l’un comme l’autre est une forme d’art née d’une confrontation entre la classe dirigeante et la classe soumise. Pendant la période de Joseon notamment, les aristocrates ou « yangban » valorisaient avant tout la maitrise de soi, voire la discipline, si bien que toute forme d’art, musique, peinture, calligraphie, consistait à leurs yeux à refouler ou à sublimer la libido en termes freudiens. Disciples de Confucius, un grand sage qui n’était toutefois pas un dieu, ils auraient pu vénérer comme divinité des arts Apollon, alors que le peuple, apparemment soumis à l’ordre imposé par l’aristocratie, était en réalité, toujours pour faire un emprunt à la mythologie grecque, du côté de Dionysos, dieu de la folie ou libérateur de la pulsion vitale.


 Musique dionysiaque face à la musique apollonienne ? Si le jazz peut être ainsi estimé, la musique folklorique coréenne peut être définie de la même sorte. Et dans la Corée du XXIe siècle marquée par une tendance au rejet de tout ce qui relève de l’ordre et de l’orthodoxie, on compte un nombre croissant de musiciens de gukak qui, comme nous l’avons vu, expérimentent une nouvelle forme de leur art. 


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « New York New York » par l’orchestre Dasereum.
  2. « Hey Jude » par l’orchestre de gayageum Sookmyung. 
  3. « Honey Honey » par l’orchestre de gayageum Baekje.
  4. « Libertango » avec Kim Hyeo-young au saenghwang.
  5. « Take Five » par l’ensemble Soo.

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