Aller au menu Aller à la page
Go Top
Le papillon

« Tiens !, peut s’étonner un citadin, ça fait assez longtemps que je n’ai pas vu de papillon. » En effet, cet insecte à quatre ailes se fait rare dans les grandes villes, à Séoul par exemple. Est-ce à cause de la pollution ou du manque d’espaces verts ? Par ailleurs, la plupart des passants dans les rues d’une métropole sont probablement trop pressés pour découvrir un papillon isolé, posé par exemple sur la rampe de perron d’un immeuble. De plus, s’agissant notamment des citadins coréens qui ne s’intéressent pratiquement qu’à la nouveauté, ils sont assez indifférents à ce qui existe depuis la nuit des temps. Si ce n’est pas le cas où l’humidité annonce la pluie, à combien d’entre eux arrive-t-il de lever la tête en marchant pour regarder le ciel contemplant la Terre depuis la création du monde, Ouranos rêvant de se retrouver à nouveau tout contre Rhéa ? 


« Papillon jaune, papillon blanc, venez ici en dansant... » Le citadin, qui a été saisi par un étonnement, peut fredonner cette chanson qu’il a apprise à l’école. Alors que l’insecte danseur est appelé dans cette chanson à jouer avec lui par un enfant semblant être livré à lui-même et libre jusqu’à s’ennuyer, il est invité, dans un chant grand public cette fois, à partager le chemin par un voyageur solitaire : 


Viens mon papillon, tu vas avec moi au Mont-Bleu 

Et toi aux ailes rayées de noir, tu viens toi aussi 

A la nuit tombée, les pétales se feront le lit pour vous 

Si la fleur n’est pas assez gentille, vous dormirez sur ses feuilles


« Tiens, dit-elle, je ne vois pas de papillon autour de cette fleur. Il se moque de moi sans doute. » Elle, c’est la reine Seondeok, la détentrice du trône de Shilla, qui prétend avoir épousé son royaume pour expliquer son célibat. Lui, c’est l’empereur Taizong des Tang qui lui a fait cadeau d’un tableau représentant une pivoine et des graines de cette fleurs. En fait, la pivoine, admirée pour sa beauté, n’a pas de parfum pour être ainsi délaissée par des insectes, notamment des papillons. Le maître de la Chine a pu faire un cadeau surprise en quelque sorte à la reine coréenne pour lui dire : « Votre Majesté est une grande beauté qui, cependant, semble ne pas parvenir à attirer des hommes. » En critiquant à sa manière le célibat qu’elle a choisi pour mieux régner sur son royaume, voire pour exercer pleinement son pouvoir, l’empereur chinois était peut-être assez macho pour se moquer d’un pays dirigé par une femme. 


Pour critiquer, quant à nous, la misogynie du Fils du ciel, notons qu’au niveau de l’intelligence du moins, cette femme d’exception pour laquelle les gens de l’époque auraient pu inventer un néologisme, « Fille du ciel », était digne de sa couronne. La pivoine était alors une espèce de fleur inconnue des Coréens. A partir d’un indice sur le tableau, l’absence de papillon, la reine pouvait déduire que la fleur représentée sur la toile était dépourvue de parfum. Par ailleurs, l’histoire non officielle nous l’apprend : la reine célibataire n’était tout de même pas sans amants. 


Les paroles d’un chant mettent en scène une autre femme sans homme dans sa vie, une veuve quant à elle. On la retrouve auprès de la tombe de son mari, à laquelle elle est venue rendre visite en profitant du beau temps, de la période de « cheongnyeong » ou « qing ming » en chinois, qui veut dire littéralement « pureté et lumière », et qui recouvre à peu près les deux premières semaines d’avril. La coutume veut que pendant cette période marquée en général par un temps exceptionnellement beau, on consacre une journée à l’entretien des tombes, un peu comme à la Toussaint en France. La pauvre veuve encore jeune n’est pas venue seulement avec un balai, mais aussi avec des offrandes, et ce conformément aussi à la coutume. Le chant raconte en détail une série d’actions accomplies de façon pieuse par cette femme, après le nettoyage des lieux : 


Elle déroule un tapis de paille 

Sur le tapis de paille, elle met une petite table 

Sur la petite table, elle étale une nappe en papier huilé 

Sur le papier huilé, elle étend une nappe blanche 

Sur la nappe blanche, elle met des offrandes 

Fruits rouges à droite, fruits blancs à gauche 

Poisson à droite, viande à gauche


Le chant détaille le rituel en solitaire pour décrire, à la fin, la veuve qui, ayant offert une coupe d’alcool fin au défunt, finit par s’effondrer en pleurs. Consolons-la de façon à nous permettre d’ajouter un vers au texte chanté : « Un papillon blanc voltige au-dessus de la tombe. » En fait, dans de nombreuses traditions, le papillon blanc symbolise l’âme des défunts. 


Liste des mélodies de cette semaine 

  1. « Mon papillon, nous allons au Mont-Bleu » chanté par Kim Young-im. 
  2. « Jaecheon » chanté par Kim Jeong-yeon. 
  3. « Chant d’irrigation » chanté par le choeur Goyang.

Contenus recommandés

Close

Notre site utilise des cookies et d'autres techniques pour offrir une meilleure qualité de services. En continuant à visiter le site, vous acceptez l'usage de ces techniques et notre politique. Voir en détail >