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Les chants des riziculteurs

Voici une rizière pour l’instant simplement irriguée. Pour qu’en automne, le champ soit recouvert d’épis dorés, les paysans ont à y transplanter de jeunes plants de riz, un à un à la main, et de façon qu’ils soient espacés juste comme il faut. Cette opération appelée repiquage, « monegi » en coréen, constitue l’étape la plus dure de la riziculture. C’est aussi le moment où la valeur de l’entraide dans une commune rurale se confirme de façon la plus éclatante. 


Le grand jour venu, voici, dans cette rizière, une dizaine d’hommes alignés horizontalement, les pieds dans la boue, le dos courbé, sous le soleil dardant. Ayant réalisé une rangée de plants de riz, ils reculent d’un pas, et avec eux, se déplace aussi une ficelle tendue au ras de la rizière. La tenant à chaque bout, deux personnes âgées sur les bordures opèrent le déplacement de cette corde mince qui permet de repiquer sur une ligne droite. Ces deux vieillards ont l’air fier de participer de cette façon à ce grand événement annuel, voire de demeurer paysans à part entière. Leur tâche est cependant beaucoup moins pénible que celle des hommes dans la rizière, qui ont besoin de synchroniser leurs mouvements et qui ne peuvent ainsi redresser leur dos que d’un commun accord, même s’ils ont une douleur terrible le long de l’échine à force de rester courbés. 


Est-ce grâce à l’efficacité de la discipline ou à un chant de travail qui leur a remonté le moral ? Ces paysans viennent de terminer le repiquage bien avant ceux qui travaillent dans une autre parcelle. « Et si nous leur portions main forte ? » propose l’un d’eux. Tout le monde est d’accord. Les braves hommes se dirigent alors vers le champ où ils seront bienvenus, et ce en entonnant une chanson. 


Le riz pousse bien et les mauvaises herbes avec. Dans les champs, on retrouve alors des paysans alignés, le dos courbé. Le désherbage est un travail aussi long et aussi pénible que le repiquage. Par ailleurs, on ne peut se débarrasser définitivement des adventices. En fait, la pratique pour lutter contre les mauvaises herbes consiste à limiter leur développement et non à les éliminer une fois pour toutes. Les paysans ont donc besoin de revenir régulièrement dans leur parcelle, au moins trois fois avant la récolte.  


Alors que comme au repiquage, un chant aide les riziculteurs à se soustraire à la pénibilité et à l’ennui du travail qui leur paraît interminable, une chanson chantée à cette occasion par des paysans de Chungju, une région au centre de la Corée, est particulièrement intéressante du fait que son rythme variant selon les moments de la journée semble trahir l’évolution de leur état d’esprit. 


Le matin, leur chant est marqué par une lenteur, voire une désolation comme si les paysans étaient accablés par l’immensité du travail qui reste à faire. L’après-midi, ils chantent la même chanson à un rythme un peu plus rapide, comme s’ils avaient été réconfortés par le bon déjeuner en plein air que les citadins auraient pris pour un pique-nique. Ou peut-être qu’ils sont encouragés par le travail accompli dans la matinée. Et enfin, au moment où le soleil va bientôt se coucher, ils accélèrent encore davantage le rythme de leur chanson comme pour exprimer leur hâte. 


Un proverbe paysan : « Le riz pousse autant qu’il entend le bruit du pas de son cultivateur. » Autrement dit, la bonne récolte dépend des soins qui lui sont portés par le paysan.


Qui était le plus exemplaire en la matière ? Sur ce thème, au sein d’une commune rurale, s’organise un concours, non pas à la saison des moissons, mais à la fin de la période de désherbage. Le concours semble ainsi avoir pour but d’encourager les paysans à ce travail fastidieux et pénible, mais crucial pour la bonne récolte. Cela étant, ce n’est bien sûr pas pour un prix que les paysans prennent soin autant de leur rizière.


Qui constituent les membres du jury ? En général, les personnes âgées du village, les paysans les plus expérimentés, bien qu’ils ne soient plus tout à fait en activité. Sur quels critères sélectionnent-ils le lauréat ? Sur l’examen d’un échantillon d’épis, sur leur état de santé, mais aussi en prenant en considération la réputation des candidats auprès de leurs voisins, uniquement en matière de travail bien sûr, voire de vie professionnelle. Rappelons toutefois qu’un paysan exemplaire l’est aussi dans sa vie personnelle. En fait, dans une commune rurale, une personne ne peut jamais mener une double vie, non seulement en raison de la promiscuité, mais aussi du fait que si en dehors de sa vie professionnelle, elle menait une vie peu honorable, aucun paysan ne collaborerait avec lui dans son travail, au repiquage par exemple, si bien qu’elle devrait quitter son métier.


Voici l’heureux élu. Quelle est la récompense ? Eh bien, un tour du village sur le dos d’un bœuf. Le prix est donc tout simplement un gain de fierté. Et cela suffit à notre paysan honnête pour oublier toutes ses peines au repiquage et au désherbage. Une chanson ne manque bien sûr pas à cet événement qui le met à l’honneur.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. Le « Chant de repiquage » chanté par Yi Sang-hyu. 
  2. «Jajinbangataryeong » chanté par les élèves du lycée de gukak de Chungju. 
  3. « Gilkorengi » chanté par Park Dong-mae. 

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