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Culture

L’enrichissement du répertoire du gukak

#Aux sources de la musique coréenne l 2021-08-11

Aux sources de la musique coréenne

L’enrichissement du répertoire du gukak

Le répertoire du gukak ne comporte pas seulement de vieilles pièces de musique tels des concertos joués dans la cour royale à différentes cérémonies et fêtes, des chants lyriques au goût de l’ancienne aristocratie coréenne, des pansori ou encore des chansons folkloriques de différentes régions de la Corée. Loin de là, ce répertoire n’a cessé et ne cesse de s’enrichir d’inventions contemporaines : des œuvres d’adaptation visant notamment le jeune public ou de pures créations dans la lignée de la tradition musicale du pays du Matin clair.


Rappelons que « Voilà un tigre », une adaptation d’un air du pansori « Le Chant du palais sous les mers », a rencontré un grand succès auprès des jeunes dès sa sortie. Alors que le groupe qui l’a chanté, Leenalchi Band, jouit d’une notoriété en matière de popularisation du pansori, voire du gukak, auprès de la nouvelle génération, la contribution en la matière d’un autre groupe de musiciens n’est pas du tout négligeable. Il s’agit de Gwangchil Band créé quelques années plus tôt que Leenalchi, en 2015, l’année où la Corée a fêté le 70e anniversaire de la libération de la colonisation japonaise, ce à quoi fait référence le nom du groupe. Alors que son premier album sorti en 2017 était consacré à l’adaptation des chants folkloriques au goût des jeunes, son deuxième album réalisé en 2020 est un recueil de créations dont l’une, « Napalbaji », « pantalon à pattes d’éléphant », est doublement rétro, c’est-à-dire non seulement au niveau de la mélodie, mais aussi à celui des paroles. En fait, le type de pantalon évoqué dans cette chanson, appelé aussi « pantalon twist », dont les jambes sont moulantes jusqu’au genou puis s’élargissent jusqu’en bas, était un vêtement très à la mode en Corée des années 1970, dans le milieu des jeunes.


Pour parler cette fois d’une création contemporaine en matière de pansori, même parmi ses amateurs, rares devraient être ceux qui connaissent « Le Chant des martyrs », un récit chanté dans lequel les grandes figures des nationalistes coréens sous l’occupation japonaise sont mis à l’honneur. Il a cependant été souvent joué au lendemain de la Libération, voire dans la seconde moitié des années 1940, et enthousiasmait le public, ces Coréens n’ayant pas encore digéré un passé douloureux. Selon le témoignage, au moment où le chanteur sortait le drapeau national, le taegeukgi, pour jouer une scène d’inspiration particulièrement nationaliste, tout le monde dans la salle se levait et criait : « Vive la Corée ! »


La création du « Chant des martyrs » est attribuée à un certain Park Dong-sil, un chanteur de pansori né en 1897, qui a donc vécu une grande partie de sa vie sous l’occupation nippone. On présume toutefois que le texte n’est pas de lui. Park n’aurait fait que mettre en musique un récit nationaliste dont l’auteur demeure inconnu. Parmi les héros nationaux chantés dans cet opéra coréen, figure Yu Kwan-sun, une martyre particulièrement déplorée pour son très jeune âge quand elle a été arrêtée, puis exécutée lors du Mouvement du 1er mars 1919, l’une des premières et des plus importantes manifestations populaires coréennes contre l’occupation japonaise. 


Alors que Park Dong-sil, un artiste de renom, a aussi formé plusieurs grands chanteurs de pansori, notamment des chanteuses telles Kim So-hee, Im Chun-aeng et Park Kyu-hee, pendant des années au lendemain de la guerre de Corée, l’évocation de son nom était un tabou, même parmi ses anciens élèves, et ce parce que lors du conflit fratricide, il avait choisi le camp nord-coréen pour passer finalement au nord du 38e parallèle avec les troupes communistes battant en retraite. C’était d’autant plus un traître pour le régime de Séoul que ses activités artistiques à Pyongyang, notamment l’adaptation en comédie musicale de plusieurs numéros de pansori, lui ont valu le titre d’« artiste populaire », le plus haut grade qui puisse être attribué à un artiste en Corée du Nord. C’est sans doute la raison pour laquelle pendant des décennies, son œuvre, « Le Chant des martyrs », n’a pratiquement pas été joué en Corée du Sud.


Park prévoyait-il ce que son destin lui réservait ? Alors qu’il était en activité à Séoul, avant l’éclatement de la guerre de Corée donc, il a transmis oralement son « Chant des martyrs » à une certaine Jang Woljungsun, une chanteuse de pansori réputée pour la fidélité de sa mémoire, une faculté particulièrement appréciée dans le milieu des professionnels du gukak, d’autant que les pièces de musique de ce genre, sonates aussi bien que cantates, sont traditionnellement sans partition et ne se transmettent que de façon qu’un élève imite le jeu de son maître. Ainsi, depuis que Park Dong-sil est passé dans le Nord, Jang demeurait la seule chanteuse dans le Sud à savoir chanter le « Chant des martyrs », et ce jusqu’à ce que sa fille en prenne le relai.


Depuis la détente des relations intercoréennes, toute cette histoire n’est plus qu’une anecdote. Notons aussi que grâce aux échanges qui se sont multipliés entre Séoul et Pyongyang, les professionnels sud-coréens du gukak sont amenés à constater que le répertoire de ce genre de musique s’enrichit également dans le Nord, de la même façon que dans le Sud. 


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Le Pantalon à pattes d’éléphant » par Gwangchil Band. 
  2. « Le Chant des martyrs » chanté par Jung Seung-im.
  3. « Le Premier feu d’alarme » par l’Orchestre Geunmgangsan. 

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