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La cupidité

« Regarde ! Regarde cet argent ! » entonne Heungbu, le personnage d’un numéro de pansori éponyme. Il tient dans ses mains cinq jetons percés d’un trou, des « yeopjeon », pièces de monnaie de Joseon. C’est l’argent qu’il vient de gagner, ayant accepté de purger une peine de bastonnade à la place d’un bourgeois de son village, qui avait été condamné à ce châtiment corporel. Il souffre d’une douleur atroce aux fesses. Mais il est content, car avec cet argent, il va enfin pouvoir nourrir ses enfants affamés. Heungbu continue à chanter :


L’argent sale peut rendre un homme noble

Comme l’argent propre peut le rendre vilain

Regarde cet argent, la roue du destin

Il peut tuer un homme

Il peut aussi le sauver

Argent sale, argent propre

Tiens ! Argent amer aussi

Argent aveugle, argent enchanté

Il entre dans ta poche pour en sortir aussitôt

Tout argent est l’argent des autres


Un tel homme ne va certainement pas devenir esclave de l’argent, mais, au contraire, en fera son esclave. Heungbu est ainsi à l’opposé de son grand frère, Nolbu, un homme cupide. En fait, c’est la cupidité qui rend l’homme esclave de l’argent. Un groupe de jeunes musiciens de gukak, Leenalchi Band, a fait une adaptation de « Heunbuga », le « Chant de Heungbu », de façon à mettre bout à bout deux morceaux de ce numéro de pansori, l’un consistant à se moquer de l’avidité de Nolbu, l’autre dont les paroles ont été citées précédemment, comme pour mettre en contraste les deux personnages.


Un homme cupide est en général particulièrement jaloux. En fait, la cupidité provient du fait de se comparer aux autres, de s’irriter face à une personne ayant obtenu ou possédant ce que l’on n’a pas. Nolbu est effectivement jaloux de son frère devenu riche grâce à une graine magique apportée par une hirondelle dont il avait soigné une patte cassée. Alors que tout le village parle de ce qui est arrivé à Heungbu, son grand frère veut le vérifier de ses propres yeux, quitte à être tourmenté encore davantage par la jalousie. Il se fait inviter chez son frère.


En effet, Heungbu, qui, naguère, habitait une chaumière misérable, est propriétaire d’une grande maison de belle apparence. La pièce dans laquelle Nolbu a été conduit par son frère est équipée de beaux meubles coûtant sans doute une fortune. Le visiteur convoite particulièrement une armoire à décor sculptée en nacre. Comme il ne la quitte pas des yeux, son frère, généreux, est prêt à lui en faire cadeau. Il va la faire transporter chez lui. « Pas question, dit Nolbu, je vais la transporter moi-même et tout de suite. » Il craint sans doute que son frère ne change d’avis. Le voilà donc qui chemine vers sa maison, le meuble sur son dos. Le chanteur de pansori se moque de lui qui, par manque de confiance, s’est donné une charge pénible dont il pouvait très bien se passer.


A l’époque de Joseon, il fallait plaindre les administrés d’une commune ayant comme gouverneur un mandataire du roi marqué par la cupidité et profitant de son pouvoir pour satisfaire son désir immodéré. En voici un, un personnage du « Chant de Chunhyang », un autre célèbre numéro de pansori. Il s’appelle Byun Hak-do, devenu un nom commun désignant un haut fonctionnaire corrompu. Heureusement pour ses administrés, un inspecteur royal passe dans leur commune, et ce in congito. Alors qu’il mène une enquête en secret, et prête l’oreille surtout aux plaintes des habitants, toute la mairie est occupée par la préparation d’un événement : l’anniversaire de l’administrateur qui devra être fêté de façon à combler son désir ostentatoire. Les maires des villes voisines, même les voyageurs de passage dans son fief sont alors invités à la fête. L’inspecteur royal figure parmi les convives. On mange. On boit. On fait venir les musiciens et les danseuses. Au moment où le festin bat son plein, notre inspecteur demande une feuille de papier, un pinceau et de l’encre chinoise. En guise de cadeau d’anniversaire, il va improviser un poème :


Le vin délicieux dans le gobelet d’or est le sang du peuple

La viande succulente sur l’assiette en jade la chair du peuple

Là où la cire coule de la bougie

Coulent les larmes de sang du peuple

Là où le chant retentit

Retentissent les plaintes du peuple


Sur ce, les agents, qui n’attendaient que le signe de l’inspecteur, font irruption sur le lieu de fête.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Le Doute » chanté par Leenalchi Band.
  2. « Hwachojang », un extrait du « Chant de Heungbu » chanté par Torys. 
  3. « Voilà l’inspecteur royal », un extrait du « Chant de Chunhyang » chanté par Baek Hyun-ho.

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