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Un empereur et une fleur

Un passage de « Simcheongga » ou « Chant de Simcheong », un numéro de pansori, peut paraître pour certains une divagation. Alors que ce récit chanté raconte l’histoire d’une jeune fille, Simcheong, véritable incarnation de la piété filiale, le passage en question, désigné par les chanteurs de pansori en termes de « chant des plantes à fleurs », met en scène un empereur qui vient de perdre sa femme. Souverain de quel empire ? De celui qui n’existe nulle part ailleurs que dans cette œuvre de pansori dont le décor spatio-temporel est flou.


L’empereur veuf ne semble pas songer à un nouveau mariage. Est-ce à cause du souvenir de sa défunte femme ? En effet, il semble être profondément affecté par la mort prématurée de l’impératrice et, comme pour s’en consoler, cultive une passion : la collection de plantes ornementales. Peut-être que de son vivant, la défunte, fière de sa beauté et assez vaniteuse, lui disait : « Regardez-moi, Votre Majesté, comme si vous regardiez une belle fleur. » Le jardin immense du souverain est rempli des plus belles et rares plantes à fleurs. L’empereur les admire comme s’il avait retrouvé sa femme. La parole de l’impératrice devrait alors être inversée : « Regardez une belle fleur comme si vous me regardiez ».


Un jour, un marin de commerce fait cadeau à l’empereur d’une fleur digne de satisfaire un collectionneur de plantes rares. « Une fleur aussi grosse que le caisse d’un carrosse », dit le récit chanté. Une odeur puissante et enivrante en émane pour remplir immédiatement la grande salle d’audience.


« Où donc l’avez-vous trouvée ? » demande l’empereur à la fois stupéfait et émerveillé. La réponse du donateur l’étonne davantage. Il l’a trouvée pendant son périple, sur la mer donc. « A un passage dit Indangsu », précise-t-il. Et là, le récit, qui paraissait une divagation, rejoint son fil conducteur, car c’est à ce passage réputé périlleux pour les navigateurs que Simcheong, une jeune fille qui s’était vendue aux marins pour racheter une bêtise de son père aveugle, a été jetée à l’eau, tel un sacrifice, histoire de flatter Poséidon.


La fleur extraordinaire et mystérieuse a été transplantée dans le jardin de l’empereur. Le souverain y revient tous les jours pour l’admirer.


Mais quand cette fleur va-t-elle finir par s’ouvrir ? C’est en réalité l’impatience de voir son épanouissement qui conduit chaque jour l’empereur dans son jardin. En effet, un temps suffisamment long étant passé, la fleur mystérieuse demeure toujours au stade de bouton, et ce ne cessant d’envouter le visiteur par son parfum.


Imaginez une femme particulièrement séduisante, d’autant plus attirante qu’elle semble réserver son ultime charme, un charme fatal. Par envie de le découvrir, on devient fou. C’est exactement l’état d’esprit de l’empereur, un homme tout puissant, incapable cependant de forcer une fleur à l’épanouissement, n’ayant qu’à attendre comme tout le monde qu’elle s’ouvre de son plein gré. Du fait qu’il se sent incapable, le souverain s’attache de plus en plus violemment à la fleur qui ne dévoile pas entièrement sa beauté, comme à une femme refusant à son amoureux l’accès à son intimité.


Lorsque l’impatience de l’empereur est à son paroxysme, la fleur qui le frustrait tant s’ouvre enfin. Et, surprise, une jeune fille en sort. C’est Simcheong dont la piété filiale a ému le Ciel. L’Empereur de jade, dieu qui régit toutes les autres divinités, l’a sauvée de la noyade et a fait en sorte qu’elle flotte dans une énorme fleur en attendant sa nouvelle destinée.


La nouvelle destinée de Simcheong ? La voici devenue impératrice. Eh oui, l’empereur ne pouvait pas épouser une fleur, même s’il en était follement amoureux. Comme il se serait comporté à l’égard de cette fleur, si jamais elle était devenue sa femme, il comble tous les vœux de la nouvelle impératrice, dont celui d’organiser une grande fête caritative à l’intention des non-voyants. Ces festivités permettent à Simcheong de retrouver son père. Eh oui, « Simcheongga » n’est pas une histoire d’amour, mais bien celle de piété filiale.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Chant des plantes à fleurs » chanté par Hong Ji-yun.
  2. « Quand l’amour s’épanouit » chanté par le groupe Gwangchil.
  3. « Le carrefour aux plantes à fleurs » chanté par Sung Chan-sun et Jeon Jeong-min.

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