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Le gukak en Corée du Nord

Il n’aimait pas le pansori. Qui ? Kim Il-sung, le fondateur du régime nord-coréen, le maître absolu de la moitié nord de la péninsule coréenne depuis la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu’à son décès en 1994, le grand-père de l’actuel homme fort de Pyongyang, Kim Jong-un.


Pour être précis, il n’aimait pas la voix du chanteur de pansori, une voix rude et âpre. Autrement dit, il n’appréciait pas une technique vocale propre à l’interprète de « l’opéra coréen », consistant à enrouer sa voix. Le dirigeant suprême de la Corée du Nord pouvait aussi ne pas aimer le pansori, parce que cet art vocal était originaire de la province de Jeoll, territoire ennemi du sud-ouest de la péninsule.


Alors que Kim Il-sung devait donc adorer le chant interprété par une voix claire et bien timbrée, hélas pour lui, le style de musique vocale de Seodo, voire de la région de Pyongyang et de Hwanghae, un territoire appartenant bien, quant à lui, à la dynastie des Kim, était également marquée par une technique perturbant le son vocal, celle qui produit un son nasillard.


Un tyran impose son goût personnel. A un dictateur, il arrive parfois de le justifier de façon à invoquer une grande cause nationale. Celui que ses compatriotes appellent « Grand dirigeant », socialiste à sa manière, déclare alors : « L’art est au service du peuple. » Selon lui, un chant conforme à l’idéologie socialiste devrait être, non seulement agréable à l’oreille des gens du peuple, mais aussi de nature à être facilement chanté par eux, sans avoir besoin de travailler leur voix et d’apprendre une technique vocale.


Dans le cadre de la démocratisation de la musique vocale de Seodo selon sa prétention, Kim Il-sung invente et propose un nouveau terme musical : « minseong », « son populaire » selon la traduction littérale. A quoi ressemble alors un « son populaire » ? « Le Grand dirigeant » disait : le « minseong » est semblable au son d’une clochette d’argent. Il veut donc que le chant de Seodo soit dépourvu de sa principale caractéristique, le son nasillard. En somme, il s’agit de faire accepter son goût personnel par les artistes, et ce au nom du peuple.


Dès les années 1960, une grande réforme en matière de gukak a été lancée en Corée du Nord, et ce à l’initiative de Kim Il-sung. En fait, au nord du 38e parallèle, toutes les grandes initiatives sont attribuées au chef de l’Etat.


Cette réforme, qui se poursuit jusqu’aux années 1970, a pour but d’enrichir le gukak. Les musiciens nord-coréens, qui en sont chargés, se seraient rendu compte que les mélodies de la musique coréenne traditionnelle, qu’elles soient instrumentales ou vocales, sont relativement peu variées, si bien qu’on a l’impression qu’elles se ressemblent les unes aux autres. Pour remédier à ce manque de variété, un grand nombre de pièces de musique de gukak sont revisitées de façon à y introduire différents procédés d’accord, de degrés et d’intervalles, et ce sur le modèle de la musique occidentale.


Qui dit nouvelles mélodies de gukak, dit nouveaux instruments de gukak. Les instruments de musique coréens traditionnels font l’objet de modification ou d’amélioration selon la présentation des organologues réformistes. Ainsi, le haegeum par exemple ne comporte plus deux, mais quatre cordes comme le violon. Le gayageum évolue de façon à avoir un nombre croissant de cordes. Quant au daegeum, un instrument à vent, son « cheonggong », un trou recouvert d’une membrane vibrante, est supprimé. Il le fallait, car ce trou produisait un son nasillard, ce que Kim Il-sung n’aimait pas.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Chant de chagrin » chanté par Oh Bok-nyeo, Shin Jeong-ae et Yu Ji-suk.

2. « Chant de chagrin » (variante) chanté par Son Myeong-hwa.

3. « Arirang » adapté en symphonie et joué par l’Orchestre national de Corée du Nord.

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