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Cinéma & dramas

Lee Joon-ik, ici maintenant il y a longtemps

2018-07-25

Séoul au jour le jour

ⓒ NAVER Corp

Le réalisateur Lee Joon-ik est probablement le plus franc du collier des cinéastes sud-coréens connus et encore en activité. Il est par exemple, l'un des rares à expliquer que ses castings ne se font pas sur un mythologique « coup de coeur » comme on l'entend souvent dans les médias asservis mais sur des considérations de budget et de stars trop onéreuses ou à l'image trop médiatique pour ses projets personnels intimistes et peu financés. Ce faisant, Lee prend une place à part dans le cinéma actuel qui ne se limite pas à ses succès dans les blockbusters mais s’épanche autour de personnages historiques clefs et d'une pensée de l'histoire de son pays.


* Lee Joon-ik historien national ?

Lee Joon-ik a de manière évidente une attirance pour les sujets historiques dans lesquels il cherche à propulser ses acteurs dans un passé remodelé à sa façon. Après son premier long-métrage « Kid Cop », un des très rares films consacrés à des enfants dans le cinéma sud-coréen, le réalisateur surfe sur la vague des « heritage films », ces œuvres, souvent ampoulées, visant à redorer le blason et réécrire le « roman national ». Mais il le fait par le biais de la comédie teintée de fantastique. Ce sera le film pénible « Once Upon a Time in a Battlefield ». Cette recette peu ragoûtante se répétera pour ses « Blade of Blood », « Battlefield Heroes » et « The Throne ». Ces gros budgets plus ou moins commandités ne portent que très peu la marque de Lee, le cinéaste. Le seul de cette tendance à être sorti du lot et à avoir fait de lui une vedette dans son pays est « The King and the Clown » en 2005. Cette histoire qui flirte avec les légendes sur l'homosexualité des rois, en restant plus sérieusement historique, et en donnant la part belle à des artistes itinérants sans foi ni loi, va montrer comment le marketing peu diviser un cinéaste entre ses films personnels et des commandes commerciales.


*Lee Joon-ik, historien de personnalités rares

Avec « Sunny » en 2008 (attention à ne pas confondre avec la comédie portant le même titre), Lee fusionne deux de ses passions : la musique et l'exploration de moments historiques laissés dans l'ombre de l'histoire officielle. Le film relate le parcours d'une jeune femme victime d'un mariage arrangé dans les années 1970 dont le mari est envoyé dans le tristement célèbre bataillon sud-coréen dans la guerre du Vietnam. Elle décide de devenir chanteuse pour soldats afin de le retrouver. Le film est un demi-succès malgré la reprise d'un vieux tube, mais fait reparler du bataillon de massacreurs coréens de l'armée américaine dont les victimes vietnamiennes demandent toujours réparation. C'est avec « Dongju : the portrait of a poet » et « Anarchist from the Colony », deux portraits de personnages historiques rebelles à l'autorité que Lee enfonce le clou et affirme enfin sa marque de fabrique.


* Le poète et l'anarchiste

Yun Dong-ju et Park Yeol sont deux figures nationales qui ont marqué la résistance coréenne à la colonisation japonaise de 1905 à 1945. Le premier, originaire de la même ville que Mao, fut emprisonné et probablement assassiné par ses geoliés à l'âge de 27 ans. Il laisse une série de poèmes post-mortem. Alors que l'histoire officielle insiste sans convaincre sur ses descriptions poétiques de la lune ou du ciel sensées évoquer la nation prisonnière, on ne peut que s'arrêter sur son poème clairement existentiel : « Sans lendemain » qui le hisse au niveau d'un Lautréamont. Lee Joon-ik l'oppose à un ami qui prône l'insurrection armée – l'amitié torturée est aussi un thème du cinéaste –. Même chose avec l'anarchiste Park Yeol, compagnon de l'anarchiste japonaise Fumiko Kaneko, que Lee met en scène chantant l'Internationale et qui est l'auteur du poème nihiliste et enragé « Je suis un chien ». Ces punks d'un autre temps portent en eux une modernité tuée dans l'oeuf que les romans nationaux ne peuvent faire taire, et c'est cela que le réalisateur tente de faire apparaître dans ses films à petits budgets, et à petite audience malgré la récupération médiatique.


* La musique et les copains d'abord

Enfin, à travers tous ses films, Lee met en scène une amitié conflictuelle, torturée et il tente d'y mêler la présence de la musique, souvent à travers des personnages de musiciens, Il avait commencé avec « Radio Star » et l'histoire d'un chanteur pop et de son manager. Le film fut un demi-succès comparé à « King and the Clown » mais reprenait le thème de l'amitié entre hommes. Il recommence avec « Happy Life » en 2007 et une histoire de groupe rock en galère. Désormais qualifié de réalisateur « indie », il rempile avec « Sunset in my Hometown » qui raconte la vie d'un rappeur raté. Une autre facette des personnages de rebelles que Lee continue inlassablement de mettre en scène, avec petits ou gros budgets.

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