200 K-Women
2024-03-27
Comme Kim Jee-woon l'avait annoncé, sa trans-adaptation du célèbre Seinen manga « Jin-Roh » de Okiura et Oshii dans « Illrang : The Wolf Brigade » contient bien une référence à Che Guevara : un bouquin posé sur une étagère du héros, peut-être « Le Socialisme et l'Homme » ou « La Guerre de Guérilla » ? Mais conserver un livre sur ses étagères ne veut pas dire qu'on l'a lu. Voyons ça de plus près.
* Brosser tout le monde dans le sens du poil
L'introduction du film, en images photoshopées, en décrivant pour 2029 une Corée unifiée écrasée par des superpuissances étrangères (USA, Chine, Russie, Japon), brosse dans le sens du poil le nationalisme de gauche local. Mais l'introduction vite expédiée, le film n'y revient plus, comme si cela avait été une mauvaise réactualisation du très clair contexte original : l'uchronie de « Jin-Roh » montrait les nazis occupant le Japon dans les années 1950 (d'où l'uniforme allemand du héros, ici bizarrement parachuté en Corée unifiée). Mais ce qui compte, et qui est similaire à l'original, vient de la lutte entre services secrets qui, par dessus toutes les idéologies affichées, larguent les protagonistes notamment le héros super-flic-robotisé - joué par un sémillant et indolent Kang Dong-won - et la supposée grande sœur du « petit chaperon rouge » terroriste qui s'est suicidée devant lui et a provoqué sa prise de conscience. C'est finalement le méchant qui a le beau rôle – joué par l'excellent Kim Moo-yeol - c'est lui qui sert d'exutoire à l'insatisfaction du public.
*L'action pour l'action
Difficile de créer une Corée unifiée du futur ; le film abandonne assez vite le projet en conservant dans les arrières-plans et même dans les détails des anachronismes avec la vie quotidienne d'aujourd’hui. Comme si le budget avait manqué, le film se concentre sur trois espaces et trois grosses séquences essentiellement d'action : une manifestation monstre sur la place centrale de Séoul qui n'est pas sans rappeler les manifestations pro-démocratiques de 1988 et celles récentes de 2016 ; une grosse scène à la James Bond sur la tour de Namsan, rebaptisée N Seoul Tower, haut lieu touristique qui ne mange pas de pain ; et tout le reste se déroule dans un labyrinthe de couloirs censé donner sur un sillo de centrale électrique. Fusillades, jets de sang, poursuites en voitures, sauts à la rampe d'incendie, fracassages de vitres et de murs – Notons au passage que Kang Dong-won est têtu ; c'est désormais prouvé car il défonce à coup de boule et en série des pissotières de marbre – bref, l'action est là, et seulement là.
* Spectres de Guevara
Le modèle de Kim Jee-woon, Che Guevara se retournerait dans sa tombe s'il en avait une. Car il est loin de hanter ce film, même si on aperçoit un de ses bouquins sur une étagère. En effet, la guérilla dite de la « sect » qui s'oppose armes à la main au gouvernement est peu approfondie et encore moins expliquée. L'idée originale était de montrer comment les services secrets infiltrent et manipulent les terroristes à petites têtes. Le film effleure à peine la chose. La péninsule unifiée qui apparaît comme une panacée est loin des vues internationalistes du Che ; enfin, l'opposition du héros à son chef de brigade des Loups, troupe d'élite, crypto fascisante, se fait sur fond de romance qui permet d'édulcorer le propos. Le final enfonce le clou : alors qu'on attend un coup de théâtre signifiant liant le robocop rebelle à ce cher Che Guevara, le film boutte en touche avec un boss qui n'abat pas son troublion de disciple, et un train qui ramène la belle au bercail dans un « happy-end » pépère.
*Warner Wolf
Si, sans surprise, cela reste au niveau de la médiocrité hollywoodienne sous la patte lupine de la Major Warner Bros productrice du film, on peut s'inquiéter de voir le meilleur chef opérateur sud-coréen du moment, Lee Mo-gae, auteur de l'image sur les excellents « I Saw the Devil » et « Asura » se fourvoyer là-dedans. Kim Jee-woon en revenant de son échec hollywoodien (Last Stand) a ramené avec lui le loup hollywoodien au cœur du cinéma sud-coréen : d'abord avec le pesant « Age of the Shadows » et maintenant avec la pseudo-SF de « Illrang ». Le public, qui a boudé la sortie du film, ne s'y trompe pas : il préfère voir le très officiel sino-hollywoodien « Mission impossible » d'une Major concurrente avec Tom Cruise qu'un ersatz peu inspiré.
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