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Cinéma & dramas

The Spy Gone North : espions partout, justice nulle part

2018-08-29

Séoul au jour le jour

Le nouveau film du Yoon Jong-bin, « The Spy Gone North », se risque à jouer avec le feu du film idéologique. Au moment où les services secrets sud-coréens sont en voie de restructuration disciplinaire et que la Corée du Nord, échappée de l'axe du Mal américain, n'est plus un sujet tabou, le film, basé sur la biographie d'un espion repenti, leur tire un portrait au vitriol tout au profit du gouvernement actuel qui se veut l'héritier de l'enjeu de ce thriller bavard : à savoir le feu président Kim Dae-jung.


* Dans la lignée de « The Net » de Kim Ki-duk

Disons d'emblée que le film est idéologiquement dans la ligne de « The Net » de Kim Ki-duk. En effet, il renvoie dos à dos les dirigeants du Sud et du Nord. Tous sont obnubilés par leur pouvoir et surtout prêts à tout faire pour le garder y compris passer des accords avec les dirigeants d'en face sur le dos des populations des deux pays. C'est ce que constate l'agent infiltré Park (alias le toujours décontracté Hwang Jung-min). Il assiste aux magouilles de son supérieur membre des terrifiants services secrets sudistes (alias un Cho Jin-woong égal à lui-même) autrefois nommés KCIA et aujourd’hui NIS (mais les changements de noms n'y font rien). Le but est d’empêcher la victoire électorale du candidat Kim Dae-jung, autrefois condamné à mort par la dictature sudiste et considéré comme un danger pire que les staliniens au pouvoir au Nord, avec qui, entre dictateurs, on peut toujours négocier. Une petite provocation des Nordistes par-ci par-là, au bon moment, et le peuple du Sud votera pour les conservateurs et le renforcement du régime militaire dans le meilleur des mondes.


* Les affaires sont les affaires, au Nord aussi.

Le scénario fait complètement et sans vraiment l'assumer, écho à la situation actuelle du rapprochement surtout économique entre les deux Corées. Le Sud propose des zones franches dites de « réunification » et la construction d'une zone d'affaire internationale autour d'une immense voie ferrée inter-asiatique où les dirigeants russe, chinois et coréens réunis voire américain pourront faire des affaires sans entraves tout en alimentant les médias des dangers de la course au nucléaire. Le scénario n'est toutefois pas dupe de l'affairisme ambiant, et montre, comme rarement, ce qu'est la dictature nordiste avec des monceaux de cadavres qu'on brûle et que les enfants mangent tandis que les dirigeants s’empiffrent dans des palais d'une laideur égale à leur soif de pouvoir.


Si c'était une comédie on aurait dit « The Interview » de Rogen et Goldberg mais le film qui se veut un drame se garde bien de faire exploser le cher leader (comme dans « The Interview »), au contraire, comme dans la série française « Kim Kong », on est pas loin de le voir en honorable grand manitou juste un peu imbibé d'alcool. A ce jour, le Nord n'a pas réagi). Oui, la critique des dirigeants est déductive mais peu illustrée.


* Nature discursive du film idéologique

Le problème du film idéologique, c'est sa forme discursive. Ce film n'y échappe pas : c'est une logorrhée interminable de dialogues enregistrés comme en studio. Pour le reste, on note de belles vues de Pyongyang (mais cela devient courant sur Internet) et un sosie très réussi du défunt dictateur Kim Jong-il. Le réalisateur, projeté à Cannes en hors compétition, a nié les ressemblances avec les films d'espionnages à la James Bond. Il a bien raison. Il espérait faire un film noir à la « Klute », par exemple, mais il s'agit d'un long discours qui se devait de finir sur la réunification coréenne. C'est donc la scène finale, sur fond de drapeau bleu-ciel de la péninsule, qui voit les retrouvailles larmoyantes des deux espions. Ce qui, certes, montre bien la différence entre les magouilles des dirigeants de tous bords et le sentiment des gens du peuple, mais diffère de l'histoire réelle dont le film s'inspire.


* Une histoire vraie

Le film s'inspire de l'autobiographie de Park Chae-seo, officier des services secrets du Sud infiltré puis grillé au Nord et enfin, arrêté au Sud pour trahison. Le fait que le film s'arrête aux retrouvailles entre l’infiltré sudiste et son nouvel ami nordiste pimente le message. Plusieurs médias sud-coréens ont d'ailleurs publié des tribunes dénonçant les « méconnaissances » historiques du réalisateur sans toutefois attaquer directement une production CJ Entertainment. L'exercice a dû être difficile. Si la projection du film sur les plages de Cannes n'a pas eu le succès escompté – à cause de son verbiage -  il s'est rattrapé, de manière inattendue, avec près de 5 millions d'entrées.

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