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Cinéma & dramas

BIFF 2018 : les cendres et le phénix ?

2018-10-17

Séoul au jour le jour


Le Festival international du film de Busan (BIFF) 2018 vient de se terminer. Comme un phénix, il est peut-être en train de renaître de ses cendres. Il avait en effet explosé en vol suite à de complexes affaires politico-judiciaires. Le retour de l'équipe dirigeante avec LeeYong-kwan et Jay Jeon à sa tête demandait à ce qu'on se penche sur cette nouvelle mouture.


* Une présence francophone affirmée

Cette année, les films francophones ont eu une présence notoire. Ces films canadiens, belges, suisses ou français ont été projetés entre deux typhons sur la baie de Haeundae. Citons « La chute de l'empire américain » de l'incontournable Denys Arcand, pour le Québec, mais surtout « Climax » de Gaspard Noé, « Le livre d'image » de Jean Luc Godard, « Mademoiselle Jonquières » de Emmanuel Mouret, « The Sisters Brothers » de Jacques Audiard, et surtout « Une Nation, un Roi » de Pierre Scholler qui a eu droit à un traitement spécial sur les écrans balayés de vents et de pluie du Busan Cinema Center. Bref, le peu de place, jusqu'ici accordé aux films francophones à Busan semble être remis en cause.


* Le cinéma philippin à l'honneur

Pierre Rissient manquait à Busan pour célébrer le cinéma phillippins. Ce cinéma toujours à deux doigts de disparaître sous les coups des censures et des pressions financières, existe pourtant. Lav Diaz, Mike de Leon, Ismael Bernal, Lino Brocka avaient leurs films à Busan. Nous nous sommes arrêtés sur le dernier Brillante Mendoza « Alpha : the right to kill ». Toujours dans son style semi-documentaire, Mendoza qui est pourtant un proche de Duterte, président à la poigne de fer, trace le portrait d'une police corrompue jusqu'à l'os. A coup de bonnes paroles, de matraques et de flingues, le film ne laisse aucun espoir de voir le peuple philippin se sortir de l'ornière des traffics en tout genre.  


* Présence coréenne élargie

Longtemps les cinéastes sud-coréens se sont plaints du BIFF qui ne présentait que peu leurs films. En fait, il s'agissait d'une concurrence avec les monopoles de distributions CJ Entertainment, Showbox et Lotte. Les choses semblent s'arranger en quantité mais peut-être pas toujours en qualité. Zhang Lu était là comme d'habitude avec une petite ballade en compagnie de Moon Sori et Park Hae-il dans « Ode to the Goose ». Moon était présente dans pas moins de quatre films cette année. Elle est clairement au plus haut de sa renommée. C'est pourtant le film « Pray » (« L'homme qui priait » en coréen) de Kang Dong-hun qui a retenu notre attention. Cette histoire au quotidien d'un pasteur qui tourne mal a de quoi réjouir. Film noir, teinté des couleurs du démon, « Pray » délivre peu à peu ses surprises dans le meilleur style des thrillers sud-coréens comme « A Hard Day » ou « Memories of Murder ».


*Chef d'oeuvre de Zeze Takahisa et Nos batailles

Le film de Zeze Takahisa aurait aussi pu s'appeller « Nos Batailles » comme celui du Français Guillaume Senez. Et ceci à la fois pour leur sujet : le syndicalisme pour le Français, la révolution anarchiste pour le Japonais ; et pour leur style fait de plans caméras au poing, de longues performances d'acteurs inspirés, et de traversées de lieux vibrants. « The Chrysanthemum and the Guillotine » narre les aventures d'un groupe d'anarchistes (le groupe Guillotine) qui croise le destin d'une troupe de femmes sumos dans le contexte des répressions politiques et anti-coréennes du tremblement de terre meurtrier du Kanto en 1923. Cette rencontre hallucinante et hallucinée entre ces lutteuses à la limite de la prostitution et ces jeunes avides de révolution, de sexe et d'alcool pourchassés par la police impériale se développe sur plus de trois heures sans reprendre son souffle. On y perçoit les grands mouvements d'idée de l'époque : la montée militaro-fasciste nippone avec le retour des vétérans de la guerre contre la Russie, le dépassement des idées réformistes et étatistes communistes par les jeunes anarchistes, la présence coréenne dans ces milieux et l'excuse raciste pour la prendre comme bouc émissaire du tremblement de terre : plus de 100 000 Coréens du Japon seront massacrés dans une sorte de purge autorisée par l'Etat nippon. Si ce film ne lache rien, c'est aussi un peu le cas de « Nos batailles » qui est un hommage aux syndicalistes de base, ceux qui pour aider leurs camarades de travail, prennent le risque de détruire leur famille (c'est le cas de Romain Duris dans le film qui voit se femme l'abandonner avec ses deux jeunes garçons) et de se faire virer ou se faire corrompre par les patrons. Filmé au corps, il ne manque à ce film qu'une vue politique plus ample. Mais ce sera pour bientôt, peut-être dans un BIFF rénové.

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