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Cinéma & dramas

Intimate strangers : remake à l'italienne

2018-11-28

Séoul au jour le jour


Le film italien « Perfetti Sconosciuti » de Paolo Genovese ne cesse d'engendrer des remakes : après la version espagnole d'Alex de la Iglesia voici la version sud-coréenne dirigée par Lee Jae-kyoo. L'idée d'une comparaison est incontournable vues les dates de sorties rapprochées des deux films (2016 pour l'original). C'est donc parti pour le jeu des sept erreurs et des huit similitudes.


*Dictature du couple

D'emblée, posons le sens général du film sur la balance. Les versions sud-coréenne et italienne ne voient pas où leurs protagonistes ont mal. A travers le jeu des révélations par téléphone portables interposés (ils sont ouverts à l'écoute de chacun autour de la table du dîner entre amis), on devine une dénonciation de l'hypocrisie bourgeoise dopée aux nouvelles technologies (car les SMS, et autres réseaux dits sociaux Facebook et twitter, y passent aussi). Le « ce n'était qu'un rêve » final le confirme après une morale qui ne mange pas de pain « si on aime quelqu'un, on le protège », sophisme ou lapalissade, c'est au choix. Doit-on protèger celui qu'on aime de soi-même ? Et pourquoi tant d'égoïsme? L'adaptation sud-coréenne amende ce romantisme critique de l'égoïsme par des tirades sur la différence des rôles sociaux fatalement différents entre hommes et femmes... comprenez : les malentendus dans le couple viennent « naturellement » de là. Bref, on est pas sorti de l'auberge. En fait, une courte scène montrant sur un balcon un vieux couple se montrant la lune semble indiquer, dans les deux versions, que la modernité a tout gâché, et qu'il faudrait revenir à cette image d'Epinal pantouflarde (la division homme-femme coréenne ne dit pas autre chose). Du coup, que vient faire le « coming-out » de l'ami hommosexuel ? Il vient simplement consolider le culte du couple (car le mystère de la soirée démarre, au début, de son nouveau copain-copine). Et tout ceci, alors que le concept même du couple, son artificialité (évidente avec les tromperies des uns et des autres), est mis en question à chaque situation du film, mais les scénaristes, comme les réalisateurs, ne le voient pas, ou ne veulent pas le voir.


*Coming-out et coming-in

Transposées telles quelles en contexte coréen, les situations font, malgré tout, passer cet épisode de « Friends» berlusconien comme progressiste. Citons le moment où la fille de 17 ans de l'un des couples, téléphone pour demander à son père si elle peut passer la nuit avec son copain sachant qu'elle a les préservatifs qu'il lui, le père, lui a donné. Oui, en Italie, c'est la fille qui a les préservatifs. Le père répond qu’elle fait comme elle le sent. Peu crédible dans les deux versions, ici, en Corée du Sud, elle bouscule néanmoins la moraline ambiante et révèle un changement de moeurs ; en Italie, elle révèle un néo-conformisme redevenu quotidien (ce n'est plus Mussolini et ses avatars qui ordonne la gym quotidienne mais un portable). Le « coming out » différé et comique d'un des amis est du même acabit : au pays du Matin clair, il révèle un iceberg immergé mais questionné (même par les films) ; en Italie, il rappelle que rien n'a changé depuis 100 ans (sous Mussolini la purge des homos étaient un acte de civisme). Un jeu révélateur sur le mot péjoratif « ferruccio » en italien est évincé de la version « made in Korea » où le moderne et américain « gay » suffit.


*L'image sociale d'abord

Si le remake sud-coréen en rajoute dans l'idée d'une amitié inébranlable – voir la scène introductive des amis gamins jouant dans la neige, scène absente de l'original mais qui réaffirme la clôture, l'entre-nous du cercle social - la différence (en dehors des bruits de bouche et des pets) vient surtout de la visite de l’appartement des hôtes. Le quartier des riches de Gangnam est évoqué, la décoration d'intérieur de style européen, également ; sans parler de la baignoire électroniquement assistée. La version italienne la jouait soft, style classe moyenne, avec des hôtes psychanalystes et chirurgien, des amis chauffeur de taxi et enseignants.


*Du style et des mythes à la vie dure

Filmé comme une sitcom dans la version italienne, Lee Jae-kyoo se met, lui, à l'aise. De beaux cadres cherchent à temporiser et exprimer visuellement la tension et la solitude de chacun. De même, les femmes osent la laideur dans leurs grimaces, leur maquillage boursouflé de quarantenaires. Le gros plan de la bague de mariage qui finit par tomber dans la version italienne mais qui n'en finit plus de tournoyer dans la version « made in Korea » montre que le réalisateur croit encore religieusement au mariage, il rajoute d'ailleurs une scène de reconciliation au lit au cours du générique et quelques phrases sur les différences à accepter par force abnégation. Il s'assure par là que le culte du couple s'en sort bien sain et sauf, mais le spectateur sera-til dupe ?

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