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Cinéma & dramas

A Resistance : Yu Gwan-sun, martyre pour l'indépendance

2019-03-27

Séoul au jour le jour


« A Resistance » de Joe Min-ho retrace les mésaventures de la « Jeanne d'Arc coréenne », sauf que son martyr sous la torture pour l'indépendance de la Corée est plus historique que la légende fantastique de la canonique Pucelle d'Orléans, brûlée vive pendant la guerre de Cent Ans et rendue célèbre par le sulfureux Gilles de Rey. « Heritage film » s'il en est, que nous raconte-t-il de nouveau ?


*Le moment venu

C'est connu : l'Histoire est une question de timing. La mort probablement par empoisonnement de l'empereur Gojong, au début de 1919, plonge l'aristocratie coréenne dans le flou. Il n'avait déjà plus de pouvoir depuis que les impérialistes japonais ont annexés Joseon (nom de la dernière dynastie du pays) en 1910. En même temps, des nouvelles arrivent de la Russie tsariste devenue l'URSS en 1917. Les bolcheviques et anarchistes coréens se sont battus aux côtés de leurs camarades russes pour arrêter la guerre avec l'Allemagne et lancer une révolution sociale internationale. Cette fois, c'est le prolétariat coréen qui commence à rêver d'une autre vie. Ils sont soutenus par les intellectuels modernistes inspirés par Meiji au Japon (à ne pas confondre avec les collaborateurs pro-japonais). En Occident, la conférence de Paris voit le président Wilson légaliser l'auto-détermination des peuples. Cette modernité d'esprit frappe les étudiants et intellectuels coréens vivant sur l’archipel nippon. C'est de là que va circuler la première déclaration d'indépendance de la Corée qui va émouvoir la jeune Yu Gwan-sun.


* Place de la Pagode

Les leaders religieux jouent un rôle important le 1er mars lorsque les manifestants se rassemblent sur la place de la Pagode à Séoul pour lire la déclaration d'indépendance. Yu Gwan-sun n'est pas encore parmi eux. Jeune chrétienne méthodiste, elle vient de Cheonan et étudie au lycée Ewha créé par des missionnaires chrétiens américains. C'est la seule école pour les filles, à l'époque. Sur la place de la Pagode, les choses dégénèrent. La police coréano-nippone s'affole. Partout des manifestations s'organisent. L’adolescente écoute les militants venus parler de la manif du 5 mars dans son école avec le soutien bienveillant des religieux américains. Le jour J, Yu Gwan-sun et ses copines rejoignent les étudiants et marchent sur la place Namdaemun. Elles sont arrêtées par la police mais libérées après l'intervention des missionnaires américains. La jeune fille retourne à Cheonan mais ne renonce pas à propager la nouvelle de l'indépendance.


*Massacres et tortures

La suite sera plus tragique pour Yu. Le 1er avril, elle mène 3 000 manifestants sur la place du marché de Cheonan. La police tire et fait 19 morts. Les parents de la lycéenne joufflue sont tués. Elle est à nouveau arrêtée et transférée à la tristement célèbre prison de Seodaemun au cœur de Séoul. Partout dans le pays, des millions de Coréens manifestent en réclamant l'indépendance, et partout l'armée et la police reçoivent l'ordre de tirer sur les foules, de torturer et de crucifier les manifestants. Très vite, on compte plusieurs milliers de morts. Yu est prête à tous les sacrifices. Avec ses camarades de cellules, elle organise une manifestation à l'intérieur de la prison pour l'anniversaire du 1er mars 1920. Cette fois, les militaires veulent en finir : elle sera emprisonnée dans un cachot souterrain et torturée à mort, six mois durant. La Corée ne retrouvera son indépendance qu’en 1945.


*Heritage film

L'histoire de Yu Gwan-sun est rabâchée dans les deux Corées qui en ont fait un poncif scolaire. Donc, la modernité de cette histoire, la place d'une femme, en particulier, à très vite été muséifiée dans les lauriers et les statues commémoratives. Sorti après « Malmoe », un autre héritage film sur la défense de la langue coréenne contre l'impérialisme culturel nippon, « A Resistance » n'a pas le succès escompté par ses producteurs de Lotte Cultureworks, spécialisée dans la communication idéologique de masse. L'usage de ces films est souvent d'entretenir la confusion entre l'aliénante diabolisation anti-japonaise des nationalistes et le véritable anti-impérialisme politique. L'anti-japonisme a beaucoup donné, ces derniers temps, au cinéma, et plus de subtilités, de dialectiques et d'histoire avérée ferait un grand bien.

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