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Cinéma & dramas

Parasites : attention à l'odeur

2019-06-12

Séoul au jour le jour


Les films remportant la palme d'or à Cannes sont souvent des films consensuels, voire insipides venant résumer la carrière d'un réalisateur déjà bien confirmé. C'était le cas de Kore-eda l'année dernière avec son histoire de famille reconstituée du lumpenprolétariat vivant de réappropriation dans la tradition illégaliste, et qui, finalement, ne mange pas de pain. Le film « Parasites » de Bong Joon-ho, qui remet le couvert avec une famille similaire vivant dans un entre-sol parvient-il a être plus subversif comme les rumeurs qui ont accompagnées sa sortie le prétendent?


*Dualisme ou classes sociales ?

La description très efficace mais succincte des deux familles, la riche et la pauvre, dans « Parasites », fait écho à plusieurs films de Bong et sa manière de dualiser la société. Comme dans « Snowpiercer », la pauvres, ici la famille de Song Kang-ho, factotum au chômage, doivent se confronter aux riches, ici la famille d'un entrepreneur à succès joué par Lee Sun-gyun pour le mari (le héros de «A Hard Day ») et Cho Yeo-jeong pour l'épouse (l'héroïne sexy de « Concubine » et « Obsessed »). Mais, cette fois, on comprend très vite que le film montre que les deux familles sont semblables. Les riches ont des problèmes de riches (les enfants gâtés, la peur hygiéniste d'être contaminés ou légaliste d'être arnaqués par les pauvres, l'obligation de standing du paraître, etc), les pauvres ont des problèmes de pauvres (logement miteux, accès limité aux nouvelles technologies – voir la scène de la recherche du wi-fi qui fera date - , moralité en décadence du fait de la dépréciation de soi avec de petits boulots débiles, illégalisme spontané, etc). La description-déconstruction sociale s'arrête là : car on comprend que leurs conditions d'existence est le résultat de conditions de vie que le destin – symbolisé par une pierre de collection - , leur a attribué et... d'une odeur de prolo qui leur colle à la peau.


* Odeur et essentialisme

Cette histoire d'odeur comme marqueur du prolétariat fait écho aux utilisateurs du métro sud-coréen (qui est pourtant bien moins odorant que celui de Paris). Tout comme le parasite du titre, ce marqueur, qui va provoquer le meurtre final, marque surtout le passage d'un discours existentialiste sur des conditions de vie à un discours essentialiste sur la nature quasiment biologique de la différence de classe. Au mieux, les conditions de vie affecteraient nos physio-psychologies, on y consent ; mais serait-ce irréversible ? Voler et mentir serait une deuxième nature des prolétaires. Comme des parasites, transformistes et bon élèves de Darwin, ils s'adapteraient plus vite aux circonstances (devenir prof sans diplôme, gérer une maison ou conduire une voiture de riches, manipuler ces mêmes riches bas de plafond). Ces mêmes riches, seraient, eux, engourdis par la facilité, etc. L'autre option est celle d'un destin qui nous déterminerait. C'est ce que laisse entendre la pierre philosophale, la pierre du destin qui hante le film.


*La pierre du destin

Finalement, tout pourrait se résumer par cette pierre de collection qui est offerte par un ami du fils du lumpenprolétariat. Un ami qui va suggérer la fabrication d'un faux diplôme de l'université Yonsei pour commencer la suite de mésaventures de cette famille Adams à la coréenne. D'abord admirée et porteuse de chance pour l'avenir - ce sera le cas lorsque tous le monde se fera employer par la famille riche - elle deviendra une arme pour assommer le couple rival de prolos, la servante des riches et son mari cloîtré dans les souterrains de la luxueuse maison. Eux-mêmes, s'en serviront, pour assommer leur concurrents. Finalement, réalisant, que son rôle n'était pas celui-là, le jeune homme joué par Choi Woo-shik ira la remettre à sa place, au fond d'une rivière. Il faut comprendre que le destin ne doit pas être bouleversé. Les choses sont ce qu'elles sont, les riches sont riches les pauvres sont pauvres, et c'est ainsi. Ceux qui ont tenté de tricher avec l'ordre céleste s'en sont mordus les doigts : le père, Song Kang-ho est devenu un meurtrier cloîtré, le fils a failli perdre la boussole et la vie, la sœur est morte poignardée par les prolos rivaux, la mère fera un tour par les tribunaux  avant de simplement de retourner à ses tâches ménagères dans son taudis en entre-sol. Le destin était aussi présent dans l'orage apocalyptique qui se déclenche lorsque la famille tente de jouir de la maison de luxe tandis que les riches sont partis en picnic. Leur propre maison est noyée sous les eaux. Ce déluge biblique leur rappelle que ce qu'ils avaient étaient ce qu'ils méritaient et, c'étaient déjà bien, comme disent les grand-mères.


*Beaucoup de pistes, fausses ou non

La réception positive de « Parasites » par le public cannois s'explique par la continuité avec la palme d'or précédente : une histoire de lumpenprolétariat plus symbolique que réaliste. Avec « Burning », le candidat malheureux de l'année dernière, et avec une foule de films de cette tendance post-moderne prisée par les festivals, « Parasites » contient le rituel du meurtre du riche (assimilé à l'Occidental, quand les nouveaux proprio s'installent, à la fin) et le côté décadence pré-apocalyptique qui mène à une folie jouissive.


La réception sud-coréenne se focalisera beaucoup plus sur les liens filiaux : le fils qui promet de faire carrière pour d'abord plaire à son père désœuvré puis pour le sortir de son enfermement. Mais aussi sur le luxe de la maison des riches, leur mode de vie, peu détaillé et réaliste mais très symbolisé de façon à les dédouaner de toutes la série de portraits médiatiques négatifs qui le entoure ces dernières années. Les rivaux de la famille Adams admirent même le PDG, et il est tué parce qu'il stigmatise la condition des pauvres avec cette histoire d'odeur  : comprenez, la réussite est possible pour tous selon le bon vouloir du destin tout-puissant. Les riches sont finalement des pauvres comme les autres que le destin a mis dans des conditions qui comportent leur lot de difficultés. Dualité de mondes similaires, donc. Qui a dit lutte des classes ?

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