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Cinéma & dramas

Bring Me Home : pourquoi tant de haine?

2019-12-04

Séoul au jour le jour


Le film « Bring Me Home » de la Warner Brothers aurait pu être une sorte de « I Saw the Devil » version mère et fils, mais il s'embrouille dans ses multiples références, le pathos et la pêche au sentimentalisme bon marché. Lee Young-ae fait ce qu'elle peut et le vrai démon du film est l'acteur Yoo Jae-myung qui porte son personnage comme un gant. 


* Un ripp-off peut en cacher un autre

Il y a deux ripp-off pour le prix d'un dans « Bring Me Home » puisés dans de bons films : celui du film « I Saw the Devil » de Kim Je-woon et celui du film « Secret Sunshine » de Lee Chang-dong. Pour ce dernier, le dernier long-métrage de Kim Seung-woo emprunte la relation mère-fils, l'enlèvement, les histoires de rançons et les magouilles d'une petite ville provinciale. Il emprunte aussi le personnage joué par Lee Young-ae, une femme qui va être traumatisée par la perte de son enfant et de son mari, et qui va tenter de réagir mais confusément, voire même de manière suicidaire. Mais dans « Secret Sunshine », Lee Chang-dong envoyait sa veuve éplorée à l'église, chez les aliénés de la religion, puis lui accollait un bourrin lambda (Song Kang-ho), etc. Tout cela faisait contre-point à la douleur du personnage. « Bring Me Home » oublie cela pour le caricaturer à gros traits. Faute de faire-valoir, on ne peut ressentir l'émotion de la mère, elle l'indique seulement comme sur un panneau de signalisation d'autoroute, par des larmes, des mots et des expressions figées.


* Le diable aime le cinéma

Le second ripp-off est celui de « I Saw the Devil ». On y retrouve deux aspects : celui de personnages diaboliques et celui de la progression vers la folie de tous le monde, même des « gentils », c'est-à-dire de la mère. Mais « I Saw the Devil » avouait son genre de film d'horreur dès le départ. Puis il progressait dans cette même horreur. « Bring me Home » hésite entre le mélo familial et la brutalité voire l'horreur. Du coup - et c'est là où le film fonctionne le mieux et où ses références esthétiques s'éclaircissent - les scènes de violences où les uns et les autres se tabassent oscillent entre du meilleur – Lee Young-ae qui se fait balancer à travers un salon – et du mauvais téléfilm avec une improbable victoire de la pauvre veuve sur un flic ripoux, baraqué et chasseur de daim. Etre star des dramas doit donner des muscles à l’actrice. Enfin, alors que « I Saw the Devil » gérant ad minima les effets d'apitoiement, Lee Young-ae est à la peine sur de longues séquences dégoulinant de sentimentalisme qui effacent l'idée qu'elle navigue entre haine et folie.


* La criminalité et le collectif

Mine de rien, ce petit film marque une étape sociologique dans la définition des « méchants » dans le cinéma sud-coréen. En effet, il s'agit des habitants et des exploitants d'un village touristique dédié à la pêche. Famille, amis, voisinage, même les flics : tous le monde est dans le coup, tous le monde participe activement ou tacitement à l'enlèvement et l'exploitation des jeunes garçons. Ce côté collectif des mécréants élimine la métaphysique du psychopathe serial killer etc. Il s'agit d'un bizness qui tourne. Le film va plus loin, dans la seule scène qui fait réagir la salle : on y voit un couple d'amis dînant avec la veuve éplorée pour la consoler puis, un peu plus tard, organisant, incognito, le rançonnement de la même veuve en échange d'informations sur son fils. Cette immoralité quand il s'agit de faire de l'argent ne passe pas inaperçu dans le cadre des standards moralisateurs des mélos ordinaires. Mine de rien encore, une allusion au viol des petits garçons est faite (l'espace de deux plans et d'une scène). Exploité comme esclaves, ils sont aussi exploités sexuellement. C'est une suggestion très forte dans le contexte d'un mélo familial où s'aventure (furtivement) le film sans développer. Mine de rien, les policiers corrompus ont l'air bien familiers. On reconnaît ici la touche de la Warner Bros qui s'est occupée du film. Ces flics la jouent à l'américaine au niveau moral tout en étant de parfait « beaufs » sud-coréens comme on en voit tant. Ce réalisme poussé par l'intervention étrangère (la Warner) résonne d'autant plus fort que l'acteur Yoo Jae-myung s'en donne à coeur-joie dans son rôle de flic ripoux.

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