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Cinéma & dramas

The Man Standing Next : tuer le dictateur

2020-02-12

Séoul au jour le jour


Le thriller politique « The Man Standing Next » de Woo Min-ho est une revanche du cinéma sur la difficulté d'évoquer l'assassinat du dictateur Park Chung-hee. Le cinéaste Im Sang-soo en avait donné une version en 2004 et s'était vu crouler sous les attaques. Les dictateurs ne meurent pas si vite, leurs cadavres continuent d'empuantir le monde, et un dictateur peut en cacher un autre, il faut, donc, les tuer plusieurs fois.


* Revalorisation du directeur de la KCIA, Kim Jae-gyu

Le film d'Im Sang-soo, « President's Last Bang » en 2004, était sorti après la réouverture de l'enquête sur l'assassinat de 1979. En particulier, le rôle de Kim Jae-gyu, le tireur qui était directeur de la KCIA à l'époque, a été réorienté vers des motifs politiques. C'est aussi le cas dans « The Man Standing Next », qui se recentre tout spécialement autour de Lee Byung-hun interprétant Kim. Longtemps considéré comme un traître et pendu pour cela, le bras droit de Park se serait opposé à la suppression de toute opposition, comme les soulèvements étudiants de Busan et Masan, et les menaces sur les opposants politiques comme Kim Dae-jung et surtout Kim Young-sam qui est souvent évoqué dans le film. Bref, le directeur de la terrible KCIA aurait été un pro-démocrate, d’après Woo.


* La CIA et les rivalités internes

Le côté démocratique de Kim est assez peu développé dans le film. C'est surtout les rivalités internes entre chef de services qui animent les personnages. A qui sera le favori du dictateur ? A qui reviendra de participer aux festivités, etc. Un long développement montre qu'un ancien directeur, joué par Kwak Do-won, tente de témoigner auprès des autorités américaines. Kim le fera liquider, comme s'était l’habitude du régime, mais il en tiendra rancœur à son cher dictateur. Cela montre aussi le rôles des USA qui ont protégé les opposants et qui ont lâché leurs anciens alliés quand ceux-ci ont voulu voler de leurs propres ailes de dictateurs. « The Man Standing Next » écarte cependant l'idée que la CIA aurait piloté l'assassinat, comme il serait aisé de le croire. Le film insiste avec un plan de drone sur le moment célèbre où Kim, après l’assassinat, décide de se rendre à l'armée (qui le torturera et le pendra) alors qu'il a la possibilité de filer vers Namsan au QG de la KCIA et de prendre totalement le pouvoir.


* Images de dictateurs et lobbying

Par rapport au film d'Im Sang-soo de 2004, c'est le personnage de Park qui est traité avec plus d'indulgences. Pourtant, sa fille, ex-présidente, étant en prison, la production courait moins de risques. Le dictateur (joué par l'excellent Lee Seung-min) n'est pas décrit comme un jouisseur de femmes, pervers et alcoolique mais comme un rusé, qui va chanter même seul sous la pluie et, comme un vieux, parle de ses menus favoris. Toutefois, on retrouve la référence du film de 2004 au fait que Park parlait japonais avec ses collaborateurs, et lui-même en aurait été un. Bref, on retrouve la touche de Woo Min-ho qui dénonce les systèmes plutôt que la diabolisation d'individus. C'est d'ailleurs le personnage nouveau de la lobbyiste qui pousse le bouchon dans ce sens, mais pas très loin. En effet, on ne sait pas vraiment qui est derrière elle, mais on devine qu'il s'agit de puissances financières et industrielles, un peu comme les chaebols que Park Chung-hee avait largement contribué à développer et que son anti-libéralisme a fini par gêner.


* Moments notables

L'épilogue du film – qui justifie le titre anglais – surprend par son attaque directe à Chun Doo-wan, le général qui deviendra un encore plus sanglant dictateur après la mort de Park. Il va tranquillement cambrioler le bureau rempli de lingots d'or de son cher dictateur et lorgne sur le siège de président avec une nouvelle idée en tête. On est a deux doigts de la comédie, ici, dans un film à la première partie très bavarde, et qui n'est pimenté que par la scène clef du meurtre. On y voit Lee Seung-min (qui a volé la vedette à Lee Byung-hun) se faire exploser la tête par le colt du directeur de la KCIA. Un mouvement léger de la caméra et une qualité toute spéciale d'image rendent très réaliste ce moment de décision implacable. Le cinéaste montre plusieurs fois le bracelet bouddhiste porté par Kim, comme la roulette du destin. L'assassin va ensuite glisser sur une flaque de sang juste avant de franchir la porte et il jette un œil noir à son dictateur qui semble encore le narguer d'entre les morts. Dommage que le film n'aie pas été de ce niveau dès le début.

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