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Cinéma & dramas

« Time to hunt » et la diffusion en ligne

2020-04-15

Séoul au jour le jour


La crise sanitaire actuelle va probablement influer sur les changements du système de distribution des films, dans les gigantesques salles des complexes devenues dangereuses. Déjà prisonnier des monopoles de distribution, ce système se dirige vers la mise en ligne des films. « Time to Hunt » de Yoon Sung-hyun, blockbuster originellement prévu pour les salles et réorienté vers Netflix, puis stoppé pour imbroglio juridique, est peut-être un tournant à ne pas rater dans cette évolution.


* Une dystopie mais de quoi ?

On a qualifié le film de « dystopie », c'est-à-dire qu'il développerait une histoire alternative à la réalité (la société est dominée par les femmes, par exemple). On a parfois aussi parlé d’« uchronie », c'est-à-dire de développements divergeants de la réalité historique (les Japonais occupent encore la Corée, par exemple, etc). Le réalisateur Yoon a démenti dans des interviews disant qu'il s'agissait surtout d'une métaphore illustrée par le contexte de la mégalopole reconstituée dans le film. Bref, cette dernière version semble la plus pertinente tant on a du mal à voir à quoi correspond ce contexte « futuriste » : une crise financière a chamboulé un monde qui ne tourne plus rond. On flaire ici que le film a probablement été conçu au moment de la préparation de « Default », un autre blockbuster sur une crise financière qui tourna mal. Retoqué, le scénario, est alors parti en roue libre, et la métaphore qu'on peut y lire est celle de ce que le réalisateur nomme une « subculture » (en français une sous-culture) devenue dominante avec hip-hop, graffitis, boucles d'oreilles pour hommes, etc, et qui rappelle les films crypto-réactionnaires comme « Terminator » ou « 300 ».


* Une histoire de « jeunes »

Bon, il s'agit donc d'une mégalopolis qui branle dans le manche et d'un groupe de jeunes branchés qui vont faire des casses. Rien à voir, malheureusement, avec « Mean Streets » de Scorcese, mais là où Yoon – sud-Coréen né aux USA – innove dans le cinéma local, c'est dans la panoplie d'armes à feu. Rappelons qu'en Corée du Sud le port d'armes est ultra-contrôlé ; les gangsters se servent de barra-mines, de battes de base-ball, de couteaux de diverses longueurs, de marteau (comme dans le célèbre « Old Boy ») mais très peu d'armes à feu. C'est donc un américanisme de plus dans le genre des blockbusters du pays du Matin clair. En fait, on se désintéresse rapidement de cette intrigue bancale sauf si on est fan des acteurs qui minaudes à l'envie : Lee Je-hoon qui ne retrouve pas sa performance de « Anarchist from the Colony », Choi Woo-shik sorti tout droit de « Parasites » (c'est ce qui a probablement valu la projection du film au Festival de Berlin) et Park Jung-min qui avait déjà joué dans « Bleak Night » de Yoon (avec Lee Je-hoon, d’ailleurs). Bref, qu'est-ce que le réalisateur du remarqué et intimiste « Bleak Night » est allé faire dans cette galère ?


* En route pour la mise en ligne

S'il faut retenir deux choses de ce film, en dehors de l'étrange tournure de la carrière du réalisateur (qui semble annoncer une suite à son film dans un coda bouffon à la fin), c'est la lumière léchée et risquée du chef opérateur Lim Won-geun qui fait là une belle entrée dans la profession, et qui est probablement pour beaucoup dans le film. Et la seconde chose à retenir est le sauvetage de la distribution du film par Netflix. Alors que les salles sud-coréennes se vident par peur du COVID-19 et que les films locaux (pas ceux d'Hollywood) sont déprogrammés les uns après les autres pour laisser place à des rediffusions, surtout de jack-pots de box-office américains, « Time to hunt » n'était pas tombé au bon moment ; c'est le moins qu'on puisse dire. Après sa projection à Berlin, où il n'a ramené que peu de bonnes critiques, sa distribution a été différée, puis rachetée par Netflix. Mais un imbroglio juridique sur qui possède quoi entre les compagnies sud-coréennes, Little Big Pictures et Contents Panda, sociétés de production intégrées (dans la nomenclature française), a mis un coup d'arrêt à l’opération, alors que Netflix avait commencé à promouvoir le film à travers le monde. Il n’a ainsi pas pu être dévoilé le 10 avril dernier en ligne. Cela n'est probablement que temporaire et partie remise. Car de toutes façons, cela préfigure l'avenir post-COVID-19.


En effet, il y a beaucoup d'avantages à laisser les spectateurs s'aménager un nid douillet pour voir leur film en compagnie de camarades triés sur le volet et vaccinés. Cela va de pair avec le nombre croissant de jeunes sud-coréens qui quittent le cocon familial pour habiter seuls mais pas sans amis pour voir des films. Imaginons aussi le retour des vidéo-bang, ces célèbres chambres privées autrefois consacrées au visionnage de vidéo en VHS, à la condition qu'elles soient décontaminées régulièrement, évidemment.

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