Voilà ce qui peut vous arriver si vous n'avez pas acheté le dernier et le plus cher des téléphones portables ; cela pourrait être le message biblique caché du thriller « Call » de Lee Chung-hyeon avec l’étonnante Jeon Jong-seo, la toujours remarquable Lee El et Park Shin-hye. En même temps, cette histoire déjà vue des dizaines de fois, rappelle involontairement comment notre société technocratique fabrique des fantômes en multipliant les pseudo communications indirectes voire virtuelles au dépens des contacts directs.

* Smartphone ou pas smartphone, that is the question

Donc, il s'agit d'une belle au bois dormant plutôt insipide jouée par Park Shin-hye qui vient se ressourcer dans la vielle baraque de luxe de ses parents. Mais voilà, elle a paumé son Galaxy S9 dans le train. Mal lui en prend : elle utilise un vieux modèle sans fil, et hop, elle communique avec le fantôme de la fille de la proprio précédente, 20 ans plus tôt. Eh oui, les pubs ne le disent pas, mais les vieux téléphones peuvent être dangereux pour la santé, surtout mentale. Ce n'est pas fini : l'ancienne proprio était shamane sur les bords. Elle fouettait sa fille. Pourquoi ? Mystère et boule de gomme. Le passé pourra-t-il changer le présent et le présent le passé ? Inutile d’appeler le service-après vente pour le savoir.

* Voleuses de premier rôle

Comme souvent la bonne fille à son papa jouée par Park Shin-hye est largement en dessous des autres filles du casting. Lee El d'abord qui vole la vedette en se transformant en shamane gothique tout en noir. On aimerait la voir dans de meilleurs films dans cet accoutrement. Sans en faire des tonnes, sobrement, lugubre et placide, elle donne vie à son personnage mal traité par un scénario bancal. Jeon Jeong seo ensuite, la déesse inaccessible du film « Burning » de Lee Chang-dong, revient dans un rôle de jeune fille possédée du démon des bons acteurs. En jouant les méchantes elle re-vole la vedette a Park et approfondit un personnage caricatural dans ce malheureux scenario. Park, enfin, déjà peu expressive, mais visible un peu partout en ce moment, s'enferme dans son rôle de gentille transparente un téléphone à la main à longueur de film. Oui, il faut aimer ses parents, respecter les fantômes du passé, être bonne gentille fille propre sur elle, etc. On connaît la rengaine assénée de film en film depuis des années. Celui-là n'y changera rien sauf qu'il rallonge la sauce.

* Fantomachie de la techno-virtualité

Derrida l'avait annoncé, les techno-sciences inondent le monde de fantômes dans une fantomachie (nommée fantomatique ou spectrologie voire hantologie par le philosophe) qui finira mal. Le smartphone a remplacé les shamanes du bon vieux temps. On parle à des images ou des voix d'outre-tombe. Ce faisant on créé sa propre image, son avatar, et on devient une voix d'outre-tombe. On raconte que les grands mères qui découvraient pour la première fois les téléphones se mettaient à pleurer chaque fois que la sonnerie retentissait. Le droit à l’existence matérielle, concrète et physique sera bientôt contesté par les machines à produire du virtuel, de l’illusion, des chimères. Sans s'en douter, tout accaparer à faire indirectement la promotion des smartphones, le film fait cogiter à tout cela – et on en a le temps, vu que l'intrigue piétine et se relance sur des coups de théâtre vus mille fois.

Produit chèrement pour le grand écran, « Call », après un petit tour en salles, a atterri sur Netflix comme beaucoup de blockbusters à venir le feront. Catalogue de navets, les plate-formes permettent pourtant à quelques films, surtout les plus anciens, de trouver un public. Ce dernier pourra faire la différence en pouvant enfin toucher par hasard du doigt ou de la souris des films bien plus excitants. En espérant que le destin plutôt sombre de « Call » serve de leçon aux monopoles locaux et leur donnera l’idée de revoir de A a Z leurs ambitions déplacées et, désormais, éculées.