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Cinéma & dramas

Double Patty : k-pop vs corona

2021-03-17

Séoul au jour le jour


La romance « Double Patty » signée Baek Seung-hwan est surtout l'occasion de voir pour la première fois la chanteuse de k-pop Irene jouer la comédie au cinéma. On y aperçoit également Clara Lee, la reine du fitness « Made in Korea » et quelques autres dont le jeune premier Shin Seung-ho qui passe, avec ce film, du petit au grand écran. Mais l'aspect le plus important est la tentative des fournisseurs d'internet sud-coréens d'établir des plate-formes de films en ligne pour faire la nique à Netflix.


* Boys meet girls

Une romance c'est, par essence, basée sur la rencontre d'un jeune homme sémillant et d'une jeune femme non moins sémillante. C'est dans « Double patty » la recette sans surprise qui est adoptée. Donc, Irene, membre du girls band Red Velvet, se décarcasse pour parvenir à son but dans la vie : devenir une présentatrice de télévision. A l'heure d'internet et des youtubeurs, on sent que le scénario a été réchauffé, mais bref. Bien sûr, son rêve semble bien loin, malgré son « full make-up » et ses rouges à lèvres chromo. Donc, elle donne des cours de coréen à des enfants le jour et sert des hamburgers le soir dans un restaurant. De son côté, Shin Seung-ho est un catcheur de « ssireum », la lutte traditionnelle coréenne, qui a déjà remporté des prix, mais qui a tout lâché après la mort de son frangin. Comme des millions de sud-Coréens, il est à la recherche d'un boulot. Et ce soir là, il veut s’empiffrer de hamburgers qui sont fournis par deux pour le prix d'un. Voilà donc qu'il rencontre Irene, et qu'ils se mettent à table à se raconter leurs malheurs tout en picolant.


* Food Porn

Dans cette romance sans surprise, on trouve un ingrédient néanmoins inattendu : la bouffe. On se souvient de « Little Forest » de l'excellente Yim Soo-rye où la cuisine fusion faisait partie intégrante du film, ici aussi, même s'il s'agit de bouffe plus basique, on frôle ce qu'on qualifie de « food porn », ces émissions de télé ou d'internet où la nourriture est filmée sous tous les angles en gros plan. Une façon de dire, que même si le film laisse le spectateur sur sa faim, il pourra se rattraper dans le restaurant d'à côté en sortant de la salle. Et, temps de pandémie oblige, il pourra aussi passer commande de son menu sur son application téléphonique sans sortir de chez lui. Car les aventures romantiques et culinaires de Irène et de Shin Seung-ho sont aussi accessibles sur la toile.


* Le message vs le medium

Le jeune réalisateur Baek est, en fait, un vieux soutier des productions locales. Probablement mis dans la boucle de ce projet par le manque de réalisateurs voulant se risquer à sortir un film par temps de pandémie, il assure les meubles en s’inspirant de l'esthétique des pubs télévisées. Ce choix n'est pas tout à fait gratuit car les scènes de « food porn » correspondent bien au genre. Ce qui est plus étrange vient du message maintes fois répété du film : il faut s'accrocher à ses rêves – même s'ils sont peu reluisants – en travaillant dur et en étudiant beaucoup. On frôle ici la méthode Coué « Made in Korea ». Le réalisateur ne le cache pas dans ses – rares – interviews en disant que son film était surtout un médicament pour ceux qui auraient tendance à désespérer par les temps sombres de l'actualité. Donc, il sert d'abord à boire et à manger à profusion, dans la moitié des plans. Et dans le reste, il montre les minois pour les moins charmants de Irene et de Clara Lee. De quoi mettre en appétit, c'est sûr.


* KT et Seezn

Mais, plus sérieusement, revenons au bizness, car c'est cela l'intérêt principal du film. Car derrière « Double Patty », il y a aussi un double enjeu : l'introduction de la compagnie KT Telecom dans la production-distribution de films et la promotion de sa plate-forme Internet Seezn comme alternative à Netflix. Le premier enjeu tombe à pic grâce à la pandémie. En effet, les distributeurs traditionnels comme Lotte ou CJ Entertainment ne savent plus comment faire pour rentabiliser leurs blockbusters qui restent en rade dans les tiroirs depuis plus d'un an, maintenant. Tous rechignent à sortir leurs films en salles, jouent avec la montre, et finissent par vendre à prix coûtant à Netflix. KT débarque donc dans un marché chamboulé et rempli de trous qui s'offrent à ceux qui pourront les remplir.


Le second enjeu est plus délicat. Car la plate-forme de KT est, du propre aveux de la holding, en manque de contenu. En tentant le coup avec « Double Patty » qui est calculé pour toucher les fans de K-pop et de pub, KT ne peut que tâter le terrain et évaluer sa valeur sur le marché, un marché dont les prix à l'offre et à la demande sont évalués par Netflix. Si le passage à la distribution en salle ne devrait pas poser de problème vu l'affaiblissement des contrôleurs traditionnels du marché, la rivalité avec Netflix débarque bien tardivement. Mais des surprises ne sont pas exclues.

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