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Cinéma & dramas

Hommage à Shin Su-won

2022-05-18

Séoul au jour le jour

ⓒYONHAP News

La réalisatrice Shin Su-won est en passe de devenir le symbole du cinéma coréen du Sud au féminin avec son aînée, Yim Sun-rye. Son dernier film entre fiction et documentaire intitulé « Hommage » a été projeté au festival de Jeonju après avoir eu les honneurs du festival de Tokyo et celui de Florence. « Hommage » est comme son titre l'indique une célébration sous forme de rêverie des femmes qui ont oeuvré difficilement dans le cinéma coréen depuis ses débuts. Voyons ce qu'il en est.



* Entre fiction et réalité

Le film « Hommage » se situe entre fiction et réalité car il met en scène des vraies personnages du milieu du cinéma coréen. Une femme cinéaste se retrouve hantée par le fantôme une autre femme cinéaste. La première, interprétée par Lee Jung-eun en alter-ego de Shin Su-won elle-même, est engagée pour restaurer un film de la seconde. La cinéaste, déprimée par l'échec commercial de son dernier film et le monde masculin hostile qui l'entoure, trouve peu à peu du réconfort en retrouvant des bribes du passé de son aînée. Le film a restauré est aussi un vrai film, celui de Hong Eun-won « A Woman Judge » tourné en 1962 avec la star de l'époque Moon Jeong-seok.  Le négatif est en piteux état, et le son est à refaire. Mais il faut d'abord retrouver la fille de la réalisatrice pour avoir une idée du scénario d'origine.



* Auto-analyse

On comprend rapidement que cette recherche dans le passé de la cinéaste Hong est aussi une introspection pour la réalisatrice du présent. C'est donc Shin Su-won à son alter-ego à l'écran qui se remet en question. Elle aussi est à un tournant de sa carrière. Comme son aînée Hong, va-t-elle céder aux pressions de la société masculine et cesser de faire des films ? Surtout que sa dernière œuvre n'a pas marché. C'est le cas pour Shin Su-won dont « Glass Garden » en 2017 a été un échec commercial. Depuis la réalisatrice erre dans les limbes des productions. « Hommage » n'est qu'un demi-retour, car il n'est qu'à moitié une fiction. Etrangement, l'hommage aux cinéastes femmes du passé prend une tournure inattendue : d'abord on pense à une reconstitution historique, à un biopic argumenté et documenté, mais très vite l'histoire de fantôme prend du poids et du sérieux. C'est l'esprit de Hong enfermé dans la pellicule de son film que la cinéaste du présent tente de faire évader. On frôle le mysticisme horrifique quand la cinéaste fantasme la découverte du corps d'une femme morte dans son parking. 



* Machisme

En filigrane, une complainte s'élève, celle des femmes qui n'arrivent pas à briser leur rôle sociale de mariée et mère pour accéder à leur rêve de cinéma. Le mari de la cinéaste (interprété par le toujours excellent Kwon Hae-hyo) en premier lieu, qui se plaint d'elle. Puis viennent les autres hommes qui l'accusent d'être égoïste car elle prétend avoir une activité. L'âge aussi entre en jeu, comme si après sa jeunesse une femme devrait se résoudre à l'inactivité et à la passivité. L'approche de la ménopause vient comme une alarme très claire. Par exemple, Hong a du garder secret l'existence de sa fille auprès de ses collègues du milieu. Une mère ne peut rien faire que s'occuper de sa progéniture selon la tradition. On se souvient de l'histoire de Park Nam-ok, l'une des première femme réalisatrice en Corée, qui selon la légende fut forcée de tourner son film avec son bébé sur le dos. Le film que la cinéaste du présent restaure parle de l'assassinat d'une des premières femmes juge coréenne, assassinat perpétré par son propre mari. Il faut se rappeler que, comme en Inde actuellement encore, un mari a longtemps eu droit de vie et de mort sur son épouse et ses enfants.



* Passé du cinéma, passé des femmes

L'histoire du cinéma coréen est aussi le sujet de « Hommage ». Car on y évoque le peu d’intérêt pour la conservation des films de la part des Coréens au moins jusqu'aux années 1990. « A Woman Judge » de Hong Eun-won ou « Female Boss » (1959) de Han Hyun-mo, par exemple, sont à la fois le symptôme de ce désintérêt archaïque et de premières et peu fructueuses contestations du rôle social traditionnel des femmes dans la société. En ce sens, la réalisatrice Shin Su-won emboîte le pas de son aînée directe, Yim Sun-rye, et son aspiration à la critique sociale. Shin a toutefois débuté plus tard au cinéma après une carrière comme enseignante. Déjà son premier film  Passerby en 2010 racontait les mésaventures d'une femme tentant de faire du cinéma. Mais c'est surtout « Circle Line » un court-métrage racontant l'errance ans le métro de Séoul d'un employé viré de son boulot qui avait attiré l'attention du festival de cannes. En 2012, Shin avait eu un beau succès avec « Pluto » (ou « Suneung ») qui dénonce le système scolaire coréen. Le film était allé au festival de Berlin. En 2015 avec « Madonna », une histoire d'infirmière et de donation d'organe, elle faisait un premier faux pas même si le film était projeté à Cannes. En 2017, elle ne remontait pas la pente avec « Glass Garden » avec l'actrice Moon Geun-young et une histoire alambiquée de photosynthèse, d'arbre magique, de scientifiques et d'écrivains corrompus. Le très élaboré même si petit film « Hommage » pourrait remettre en selle Shin qui, à 55 ans, ne semble pas vouloir lâcher la corde.

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