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Cinéma & dramas

Yun Jung-hee : Mme liberté est morte

2023-02-01

Séoul au jour le jour

ⓒYONHAP News

A la veille du début de l’année du Lapin, une triste nouvelle est tombée. Celle de la mort en France de l'actrice Yun Jung-hee, la star des années 1960-70, membre de la célèbre troïka du glamour « made in Korea » avec Moon Hee et Nam Jeong-im. La défunte est créditée de plus de trois cents films dont le dernier datait de 2010 : « Poetry » du réalisateur Lee Chang-dong. Elle vivait à Paris avec son mari, le célèbre pianiste Paik Kun-woo depuis les années 70 et souffrait de la maladie d'Alzheimer. Revenons sur sa pléthorique carrière.



* Beauté de l'âge d'or des mélos

Yun Jung-hee, de son vrai nom Son Mi-ja, est née en 1944 à Busan. Fille d'un professeur d'université, elle a grandi à Myriang puis à Gwangju dans la province de Jeolla. En 1966, la jeune fille est une fervente catholique et hésite d'abord à répondre à un casting. Le prêtre de sa paroisse l'encourage. Son problème principal, comme elle le dira dans plusieurs interviews, est qu'elle ne sait pas bien pleurer durant les répétitions. Elle change son nom pour se transformer et devenir une autre elle-même, l'éternelle beauté des mélos. 

La jeune femme débute en 1967 dans « Theatre of Youth » de Kang Dae-jin. Et son premier couple cinématographique sera avec la star masculine Shin Sung-il, avec qui elle tourna ensuite 99 films. Dès le départ, elle a une attitude de star : lorsque le réalisateur Kim Ki-deok lui propose un second rôle dans « Live as you like », elle refuse, car elle ne veut jouer que des premiers rôles. Son contrat d'exclusivité avec sa compagnie est résilié, ce qui ne l'empêcha pas de tourner le nombre record de 22 films l'année suivante !



* Star système et « quotaquickies »

Dans les années 1960, le star system à la coréenne bas son plein. Des réalisateurs comme Shin Sang-ok, Yu Hyun-mok, Lee Man-hee, Kim Su-yong ou Kim Ki-young jouent du charisme de leurs actrices et acteurs. Ils en jouent même beaucoup trop, car les statistiques montrent que 70 % des films sortis entre 1967 et 1971 comptent les mêmes trois actrices de la troïka. Les films, à petits budgets, étaient tournés à la chaîne et les actrices passaient d'un plateau à un autre, parfois ne sachant plus dans quel film elles étaient, pour réciter leur texte. Yun s'est démarquée dès 1974 en annonçant vouloir faire des études de cinéma sérieusement. 

En 1969, Kim Ki-deok lui donnait un rôle important dans « Until That Day ». Cette romance mélo-traditionnelle était déjà sulfureuse pour les très prudes années soixante du cinéma local : une veuve matrone d'un hôpital a un amant. Pour le garder à ses côtés, elle lui demande, probablement perfidement, de se marier avec une des infirmières interprétées par Yun. Mine de rien, le film évoque la lutte typique entre les désirs personnels et les obligations sociales officielles. 

En 1972, notre actrice obtient le Blue Dragon Film Awards avec « Oyster Village » de Jung Ji-woo. Dans des îles isolées de la mer de l'Ouest les villageois gagnent leur vie en pêchant des huîtres. Une superstition dit que si quelqu'un tombe à la mer, il ne peut pas aller au paradis tant que la personne suivante ne meurt pas. Commence alors une série d'intrigues mêlant mariages et trahisons pour que tous aillent au paradis. 

C'est avec le réalisateur Kim Su-yong que l'actrice obtint de beaux succès : citons « Mist » en 1967. Shin Sung-il est mariée à une riche héritière d'une société pharmaceutique. Mais comme il s'ennuie d'elle, il retourne dans sa ville natale et rencontre la belle Yun avec qui il commence une romance des plus sensuelles. 

« A Splendid Outing » en 1978 et « Night Journey » en 1977 sont aussi de Kim Su-yong. Dans le premier, Yun est une secrétaire hantée de rêves étranges. Elle se décide à voyager sur une île perdue. Là, elle est kidnappée par les paysans et vendue au plus offrant. Le film est mémorable pour sa scène de rêve où elle se retrouve en haut d'un immeuble, prête à se jeter alors que la police et la foule la regardent d'en bas. Une variation de cette scène reviendra dix ans plus tard dans le célèbre « Chilsu et Mansu » de Park Kwang-su. « Night Journey » est aussi une histoire de femme frustrée dont l'essentiel est d'être glamour tout en étant habitée d'anxiété psychologique nimbée de mystère à la limite de l’envoûtement chamanique. 

Peu de ces films sont connus à l'international. Certes ils étaient surtout réalisés pour combler les quotas d'importation de films hollywoodiens, mais c'était aussi l'époque où les dictateurs avaient créé des prix pour leur cinéma national et voilà tout ce qui comptait pour le milieu du cinéma. Si des sociétés de productions parvenaient à obtenir un prix pour un de leurs films, elles étaient assurées de pouvoir produire une année de plus. Pour celles qui ne parvenaient pas à plaire aux dictateurs, elles n'étaient pas assurés de pouvoir continuer à produire des films. Ce fut le cas par exemple, pour la société de production du célèbre réalisateur Shim Sang-ok. 



* La France et le retour pour « Poetry »

Après avoir joué dans le remake du célèbre « Madame Freedom » en 1982, Yun finit par vivre à Paris complètement retirée des affaires du cinéma sud-coréen. En 2010, Lee Chang-dong parvient à la convaincre d'interpréter une grand-mère qui commence à souffrir des symptômes de la maladie de Alzheimer dans son film « Poetry ». Elle fait merveille dans le film qui obtient le prix du meilleur scénario à Cannes ; et ironie du sort, elle sera aussi atteinte de la maladie jusqu’à son décès en janvier 2023.

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