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Chilseok ou la fête du double sept

#Aux sources de la musique coréenne l 2022-08-04

Aux sources de la musique coréenne

Chilseok ou la fête du double sept

Pair ou impair ? En matière d’art poétique, Verlaine recommandait : « De la musique avant toute chose / Et pour cela préfère l’Impair ». On peut dire que ce précepte a été mis en application depuis l’Antiquité en Extrême-Orient. En effet, la poésie classique chinoise et coréenne privilégiait les vers de cinq ou sept caractères. Notons aussi que le gukak, ainsi que la musique de l’empire du Milieu, sont basés sur la gamme pentatonique, à savoir constituée de cinq notes différentes.


Il semble que le folklore asiatique privilégie également le nombre indivisible par deux. Ainsi par exemple, une date constituée d’un mois et d’un jour impairs, plus exactement d’un double chiffre impair sur le calendrier lunaire, est célébrée d’une façon ou d’une autre. On peut évoquer le 1er jour du 1er mois lunaire, le Nouvel An chinois ou Seollal en Corée, ou le 3e jour du 3e mois, où l’on fête le retour de l’hirondelle, c’est-à-dire celui du printemps. Le 5e jour du 5e mois, une date censée être marquée par le paroxysme du « yang », l’énergie masculine si l’on veut, c’est Dano, plus connu en Occident en termes de fête des bateaux-dragons ou fête du double cinq.


Le 7e jour du 7e mois lunaire, c’est Chilseok ou Qixi en chinois, représentant le moment où la chaleur commence à s’atténuer. Comme c’est le cas pour d’autres grandes festivités traditionnelles de l’année, il existe une légende liée à la fête du double sept, celle qui a inspiré une belle sonate pour haegeum.


« L’empereur de jade, dieu tout puissant et constamment préoccupé par l’harmonie de l’univers, est en colère », raconte la légende. Sa fureur fut provoquée par la passion amoureuse des deux étoiles, le Bouvier et la Tisserande. Depuis qu’ils sont tombés amoureux l’un de l’autre, ils négligent leur tâche qui est à l’origine de cette expression : « L’homme laboure, la femme tisse. » L’empereur de jade craint qu’ils ne servent de mauvais exemple aux êtres humains, que ces derniers ne privilégient, eux aussi, le principe du plaisir au détriment du principe de réalité. Il les éloigne alors l’un de l’autre, de part et d’autre de la Voie lactée. Comme en témoigne son appellation chinoise, coréenne ou japonaise, cette galaxie est imaginée traditionnellement par les Asiatiques comme une grande rivière.


« Vous ne vous retrouverez qu’une fois par an et à une date précise », dit le Grand Architecte de l’Univers. A quelle date ? Eh bien, au 7e jour du 7e mois lunaire. Ce jour de rendez-vous n’aurait cependant pas été fixé par l’empereur céleste, mais par le commun des mortels, l’inventeur de cette légende qui a pu observer qu’à cette date, les deux étoiles en question se trouvaient être les plus proches l’une de l’autre.


Mais ce jour des retrouvailles, comment traverser cette « rivière argentée » en termes asiatiques ? Alors que le Bouvier et la Tisserande ne peuvent que se regarder désespérément, une foule de pies, l’oiseau symbole de chance et de bonne fortune en Asie, s’envolent vers le ciel et établit un pont pour permettre la rencontre des deux amoureux. Qu’ils profitent de leurs retrouvailles sans nullement songer à la nouvelle séparation et à l’attente pénible du nouveau double sept.


Comment rendre une attente moins éprouvante ? La Tisserande comprit que la solution consistait à rester absorbée par sa tâche. Tisser à répétition, comme Pénélope le faisait dans l’attente du retour d’Ulysse. Alors qu’il s’agissait pour la reine d’Ithaque d’une ruse pour éluder des prétendants embêtants, convoiteurs de sa beauté et aussi du trône, un travail répétitif peut parfois tromper l’impatience, faire oublier le temps, principal responsable de la souffrance de l’attente, car on endure une attente à cause de l’anticipation, sans savoir laisser le temps faire son travail.


Quelle femme dans une société traditionnelle n’était pas condamnée à l’attente ? Attendre que ses parents lui choisissent un époux, attendre le retour de son mari du champ ou d’une maison de geisha, attendre que son fils devienne un adulte et son protecteur... En attendant tout cela, elle filait ou tissait. En fait, un métier à tisser ou un rouet pouvait être son compagnon le plus réconfortant, si ce n’est le plus précieux.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Chilseok » chanté par Kotbyeol.

2. « Le lien » chanté par Ha Yun-ju.

3. « Chant de rouet » chanté par An Hyang-yeon, Oh Jung-suk et Nam Hae-sung.

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