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Culture

La météo dans les chants de gukak

#Aux sources de la musique coréenne l 2021-02-03

Aux sources de la musique coréenne

La météo dans les chants de gukak

Un vent humide commence à souffler. « Va-t-il pleuvoir ? » se demande un jeune riverain de l’Aouragi, une rivière de Jeongseon, une commune rurale entourée de montagnes. En effet, le ciel commence à se couvrir. Cela rend notre jeune homme inquiet, car il a rendez-vous avec une jeune fille habitant de l’autre côté de l’Aouragi. L’eau montant et le vent devenant violent, le batelier peut préférer rester à la maison.


 Le ciel s’assombrit ; le visage du jeune amoureux aussi. Va-t-il finalement téléphoner à sa bien-aimée, pour annuler le rendez-vous et en fixer un autre ? Eh bien, nous sommes à une époque où les Coréens n’ont encore pas la moindre idée de ce qu’est la télécommunication. S’agissant d’un rendez-vous, alors que de nos jours, grâce au téléphone portable, on peut l’annuler, même au dernier moment, à l’époque où vit notre jeune homme, on n’a pas d’autre choix que de tenir ou ne pas tenir sa promesse d’être là.


 On plaint ce jeune homme risquant de manquer au rendez-vous et, du coup, de voir un signe de désamour de sa bien-aimée, si elle n’est pas assez compréhensive. Et lui peut se plaindre du manque de clémence du ciel. C’est effectivement ce qui lui est arrivé selon l’histoire populaire qui explique l’origine des paroles d’une variante d’Arirang, le plus célèbre chant folklorique coréen ayant différentes versions selon les régions.


La météo est souvent évoquée dans un vieux chant romantique. Cela revient à dire que dans le passé, les amoureux étaient particulièrement sensibles au mouvement atmosphérique. En fait, peu importe ou presque pour ceux d’aujourd’hui, s’il fait beau ou s’il pleut le jour où ils se sont donné rendez-vous, car ils se retrouvent le plus souvent dans un espace couvert, café, restaurant ou salle de spectacle, alors que, faute de tout cela, les amoureux d’autrefois étaient forcés d’être aussi amoureux de la nature, pour qu’ils ne soient pas lassés par une longue promenade répétitive.


Voici toutefois une femme de Joseon, assez audacieuse pour son époque, qui a donné rendez-vous à son amant dans un espace clos, nulle part ailleurs que dans sa maison. Elle est néanmoins inquiète face aux intempéries pour exprimer son état d’esprit par une ode comme celle-ci :


Le vent fait trembler la terre sous la pluie torrentielle

Lui que je ne pouvais aimer que du regard fugitif

Viendra toutefois, si c’est mon destin


Leur réunion a-t-elle eu lieu ? Si oui, la femme aurait été amenée à s’attacher davantage à son amant. Est-ce parce qu’elle aurait été convaincue qu’ils étaient effectivement destinés l’un à l’autre ? Oui, selon son poème chanté. Mais c’est aussi, et plus probablement pour ceux qui ne croient au destin, parce qu’elle aurait apprécié le courage de l’homme de venir la voir malgré les intempéries si intimidantes. L’ode en question date par ailleurs de l’époque où l’on se déplaçait la plupart du temps à pied.


Un vent tiède commence à souffler. Ce n’est plus une évocation météorologique dans un chant romantique, mais dans un passage de « Jeokbyeokga », un numéro de pansori reproduisant la célèbre Bataille de la falaise rouge, un événement marquant de l’histoire de la Chine antique.


Ce vent, qui réjouit les généraux des armées alliées de Wu et de Shu, porte aujourd’hui un nom : l’alizé. Il s’agit d’un vent des régions intertropicales qui, pendant quelques jours en hiver, souffle d’est en ouest, alors qu’en cette saison, la direction habituelle du vent est le contraire. Pourquoi les militaires de Wu et de Shu s’en réjouissent-ils ?


Rappelons que la Bataille de la falaise rouge se déroula au cours de l’hiver 208 à un endroit sur le fleuve Yangzi, bordé par une imposante masse de rochers. Les stratèges des armées alliées ont mis au point une tactique afin de donner un coup mortel à la flotte ennemie de Wei. Il s’agit de diriger vers elle un escadron de navires d’attaque couverts en matière incendiaires. Les marins vont y mettre le feu avant de prendre de petits bateaux. Les navires en feu vont continuer à se diriger vers le camp ennemi pour y mettre le feu. Les généraux de Wu et de Shu sont convaincus que c’est le seul moyen de battre les troupes de Wei numériquement supérieures aux leurs, mais sont conscients qu’il lui manque un élément crucial : le vent de l’est qui portera à grande vitesse les navires en feu vers la flotte ennemie. Un éminent stratège de Shu, appelé Zhuge Liang, prétend alors faire souffler ce « vent introuvable » en hiver. En réalité, éclairé sur la météorologie aussi bien que sur d’autres sciences exigées d’un commandant de l’armée, il connaissait l’existence de ce qu’on appelle aujourd’hui l’alizé et la date précise du changement de la direction du vent. Il n’avait qu’à proposer cette date comme le jour J pour être admiré, le jour venu, par les généraux des armées alliées. Un extrait de « Jeokbteokga » met en scène ce stratège en train de prier le ciel de lui octroyer un vent exceptionnel.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Arirang » en version de Jeongseon, chanté par Kim Byeong-ki et Park Kyeong-won.
  2. « Le vent... », une ode chantée par Kim Na-ri.
  3. Un extrait de « Jeokbteokga » chanté par Jeong Keon-jin.

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