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ⓒ GUGAKWORLD

Le printemps, saison des amours ? Oui, si Eros tire sa petite flèche d’or sur notre cœur pour nous donner envie de mettre au monde notre progéniture. En effet, chacun le sait, par « saison des amours », on entend le temps de la reproduction. Mais si la plupart des espèces profitent effectivement du retour du climat doux et de la nourriture redevenue foisonnante pour se reproduire, l’homme ne semble pas privilégier une saison particulière pour l’accouplement.


Cela n’empêche cependant pas que les Coréens associent traditionnellement le printemps à un sentiment intense et agréable naissant chez un homme envers une femme et vice versa, ou à une force vitale qui les incite à s’unir. En matière d’expression langagière notamment, le mot coréen « chun » dérivé du chinois et qui veut dire « printemps » se retrouve par exemple dans « chunjeong », « sentiment amoureux » ou encore dans « chunhwa » qui signifie littéralement « image du printemps » et qui désigne la peinture érotique, un genre de tableau connu en Europe via les estampes japonaises « shunga ». Selon une autre locution, on peut aussi « vendre et acheter le printemps » : « maechun ». Tout adulte pourrait saisir sans difficulté le sens réel de ce mot. C’est sans doute cet imaginaire collectif qui a amené un groupe de musiciens de gukak, Gwang Chil, à intituler leur chanson « Enfin, l’amour en floraison ». En effet, le printemps est aussi saison des fleurs.


Le printemps, saison du voyage ? Oui, pour les poètes de Joseon passionnés de tourisme, car ils s’inspiraient essentiellement de la nature, mais qui n’avaient pas assez de courage pour braver le froid d’hiver. Durant plus de trois mois, ils étaient ainsi impatients de retrouver leurs sources d’inspiration. Et les voilà qui, avec l’arrivée du beau temps, s’apprêtent à parcourir monts et rivières.


Selon les paroles d’un chant, qui racontent le tout premier voyage de l’année des poètes de Joseon, à la différence de leur déplacement touristique en d’autres saisons, ils préfèrent partir sans leur poney, ni leur valet, et équipés de façon la plus simple possible. Le titre de cette chanson est constitué de deux mots désignant chacun un matériel indispensable pour eux à ce voyage pédestre : « Jukjang », une canne en bambou, et « manghye », une paire de chaussures que l’on est tenté d’appeler les « sneakers de Joseon », car elles étaient appréciées par les dandys de l’époque, dont les poètes, pour le confort et aussi pour le style. Dans les paroles du chant « Jukjangmanghye », est mentionné un autre accessoire du voyage à pied, « pyojubak », une calebasse, un récipient rudimentaire léger à porter sur soi et très pratique quand le voyageur est tombé sur une source d’eau, désaltérante déjà à sa vue.


Le choix du voyage pédestre au printemps est-il à interpréter par rapport au besoin ou envie de rattraper le manque de mouvement au corps pendant l’hiver ? Partir seul, est-ce pour aller à la rencontre avec la saison du renouveau comme se rendre au rendez-vous avec une femme ravissante par la fraîcheur de la jeunesse ? « La voilà, jeune fille printanière, dit une chanson coréenne, moderne quant à elle, vêtue d’herbes fraîches, coiffée de nuage blanc et chaussée de perles de rosée ».


Le printemps, saison du repiquage du riz pour les peuples se nourrissant comme aliment de base de cette céréale. Si en cette saison, un poète de Joseon a choisi de visiter le territoire de l’ancien royaume de Baekje, l’une des trois royautés qui partageaient la péninsule coréenne et qui possédait en son sein des rizières immenses et particulièrement fertiles, il pouvait voir un peu partout des paysans s’employant au repiquage de jeunes plants de riz, une tâche pénible d’autant qu’ils travaillaient le dos constamment courbé. Le poète pouvait aussi entendre leur chanson, « Sanyuhwaga », un chant de travail.


Le mot « sanyuhwa » dans le titre veut dire « fleurs de montagne », alors que « ga » désigne tout simplement une chanson. Le mot, « sanyuhwa », répété deux fois à l’ouverture du chant, revient comme un refrain. Pourquoi chanter des fleurs de montagne en travaillant dans les rizières ? Cela peut s’expliquer par une particularité géographique de cette région, à savoir que sur les champs de riz à perte de vue, sont parsemés çà et là des monticules isolés, qui, au printemps, se recouvrent d’azalées et de forsythias entre autres fleurs de montagne. Aux yeux des paysans qui se redressent de temps à autre pour remédier à la douleur dans leur dos, s’offre ainsi un beau spectacle, une vue réconfortante digne d’être chantée.


Selon les paroles de « Sanyuhwaga », ces fleurs de montagne auraient été témoins de la chute du Baekje, vaincu par l’armée des alliés du royaume voisin Shilla et de la Chine des Tang, en particulier de la déportation d’une dizaine de milliers de Coréens vers l’empire du Milieu. Un rappel de cet événement tragique se fait-il dans le chant comme faisant écho à l’état d’esprit des paysans anciens qui, pour la plupart, étaient soumis à l’esclavage ?


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Enfin, l’amour en floraison » par le groupe Gwang Chil.
  2. « Jukjangmanghye » par Park Kyu-hee au gayageum.
  3. « Sanyuhwaga » par Park Hong-nam.

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