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ⓒ YONHAP News

« Le Chant du moulin à pilon Jeseok ». Est-ce un chant de travail ? Celui qui était chanté par des paysans afin de se soustraire à la monotonie de leur tâche fastidieuse, et cadencé justement par leur action répétitive ? Non, comme le mot « Jeseok » le laisse entendre, il s’agit d’une chanson rituelle chamanique, un composant musical du « gut », dédiée à une divinité portant ce nom Jeseok. Quel rapport y a-t-il alors entre ce dieu et la moulure ? C’est une histoire assez compliquée, faisant référence à plusieurs croyances et aussi à l’imagination collective.


Jaeseok est issu de la chamanisation d’une divinité bouddhiste, Shakra, qui, elle, fait référence à Indra, le roi des dieux, Seigneur du Ciel dans la mythologie védique de l’Inde ancienne. Pour être plus précis, Jeseok est la prononciation coréenne de la traduction en caractères chinois de l’épithète en sanskrit désignant ce dieu tout puissant. Si la divinité vénérée dans le chamanisme coréen symbolise entre autres la fécondité et la prospérité, c’est probablement parce que son modèle originel, Indra donc, dieu de la guerre et de l’orage, est célébré en particulier comme le tueur de Vritra, le démon de la sécheresse qui empêcha les eaux de s’écouler. Jeseok ou Indra chamanisé est ainsi le sauveur et le bienfaiteur des paysans en particulier qui, à l’occasion du « gut » en sa faveur, lui rendent hommage de façon à installer un moulin à pilon sur le lieu de la cérémonie et à représenter le broyage en chantant. Que Jeseok ayant dompté la sécheresse soit généreux à leur égard pour qu’ils récoltent assez de céréales à piler !


Mais pourquoi certains spectateurs pouffent-ils de rire au début de cette cérémonie ? C’est sans doute parce qu’ils ne peuvent s’empêcher de penser à quelque chose d’assez profane en regardant un assistant du chaman « coiffer le dieu », c’est-à-dire garnir le pilon d’une sorte de bonnet appelé « gokal ». En fait, déjà à la vue du pilon qui entrera en action dans son mortier, ils auraient pensé à ce qui est à la source de leur rire, un symbole de la virilité masculine, ce par quoi le pilon est mis en parallèle avec le dieu tout puissant. On comprend alors pourquoi ces spectateurs assez peu rigoristes pouffent de rire devant le « pilon coiffé ». Ils n’ignorent certainement pas qu’en coréen familier, voire argotique, par « piler » ou « pilonner », on entend « faire l’amour ».


« Gokal », dont on prétend coiffer le dieu Jeseok, désigne en réalité un chapeau conique en tissu de ramie que porte un chaman ou un moine bouddhiste pendant une cérémonie. Il est effectivement évoqué dans un poème de Cho Ji-hun, inspiré d’un spectacle bouddhiste, la danse d’une bonzesse :


Son gokal blanc en ramie fine

Semblable à un papillon aux ailes à demi pliées

Sa tête rasée jusqu’à paraître bleuâtre

Dissimulée sous cette coiffure à demi transparente

Ses deux joues ruisselant de lumière

Belles au point de chagriner

Alors que la bougie se consume en silence

Que la lune se décline sur chaque feuille de paulownia

Ses manches larges couvrent le ciel

A chaque élan apparaissent

Ses chaussettes en forme de pépin de concombre


A une époque où le passage d’une troupe d’artistes ambulants animait et réjouissait une commune rurale, on voyait, parmi ces bohémiens, certains coiffés de « gokal ». Signe que cette troupe était composée des sans-abris qu’un temple bouddhiste a pris sous son aile. Ce n’était certainement pas à l’initiative des moines, mais à leur propre gré, que ces infortunés accueillis dans la maison du bouddha partaient régulièrement pour demander l’aumône, histoire de rendre service à leur famille d’accueil en quelque sorte. Demander l’aumône, non pas bien sûr en se faisant prendre pour des religieux, mais parce que la recette de leur spectacle revenait au temple.


Au fil des années, ces troupes d’artistes au service des adeptes du bouddha se sont professionnalisés, à savoir qu’elles donnaient un spectacle pour leur propre compte et ne revenaient bien sûr plus dans leur famille d’accueil. Dans une certaine mesure, le temple a fait en sorte que les marginaux dans la société trouvent un métier. En tout cas, ce fut la naissance des « sadangpae », les premières troupes d’artistes ambulants en Corée, dont on ne voyait l’origine que dans le port du « gokal ».


Les « sadangpae » ont disparu à la fin des années 1960. Autant dire que la Corée s’est modernisée dans tous les domaines, y compris celui du divertissement. Il existe toutefois un genre de musique à percussion qui est redevable aux premières troupes d’artistes ambulants. Il s’agit du « samulnori », le « jeu des quatre choses » selon la traduction littérale, qui a été inventé à la fin des années 1970 par un groupe de musiciens, Kim Deok-su entre autres, ayant passé leur enfance au sein d’un « sadangpae ».


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Le Chant du moulin à pilon Jeseok » par Oh Bok-nyeo.
  2. « La danse bouddhiste » par Park Ae-ri.
  3. « Utdari nongak » par Kim Yong-gae, Kim Deok-su, Yi Kwang-su, Choi Jong-sil.

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