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Nouvelle chanson folklorique

On les appelle « shin minyeo », « nouvelle chanson folklorique ». Ce sont les chants populaires propres à la tradition musicale du pays du Matin clair, « minyeo » donc, mais inventés à une époque relativement récente, dans la première moitié du XXe siècle, ce à quoi fait référence « shin », « nouveau ».


A la différence de « minyeo » tout court, les auteurs de « shin minyeo », compositeurs ainsi que paroliers, sont connus ; parfois même les circonstances de leur création. Voici par exemple comment est né « Nodeulgagbyeon », « Rive aux saules pleureurs ».


Alors que leur pays est occupé par le Japon depuis plus de 20 ans, voici, à un embarcadère du Han, deux amis qui attendent un bateau pour regagner la rive nord de ce fleuve traversant Séoul. L’un, un certain Shin Bul-chul, est un humoriste célèbre, ayant récemment purgé une peine de prison à cause de son sketch jugé par l’occupant nippon outrageusement satirique ; l’autre, Mun Ho-wol, est un compositeur.


Il fait un temps magnifique. Les feuilles des saules pleureurs sur la rive dansent doucement à la brise. On entend un batelier chanter en ramant vers l’embarcadère. Les deux amis, l’un comme l’autre, sont à la fois enchantés et mélancoliques devant ce spectacle. Un vers d’un poète nationaliste, Yi Sang-hwa, a pu leur venir à l’esprit : « Le printemps vient-il aussi sur la plaine usurpée ».


Par un simple échange de regards, ils se mettent d’accord pour renoncer à prendre le bateau et se dirigent vers une buvette à proximité. Pour se débarrasser du chagrin ravivé par l’arrivée de la saison du renouveau dans leur pays toujours soumis à un autre, ils ont choisi de s’enivrer, de vin, mais aussi de poésie et de musique. Autour d’un verre, Shin écrit un texte inspiré du paysage printanier sur la rive du Han ; Mun compose une mélodie pour le chanter. Un « shin minyeo », « Nodeulgangbyeon » est en train de naître.


Quant à un autre « shin minyeo » datant également de la période coloniale, on connaît, non seulement son auteur, mais aussi sa première interprète : une certaine Sunwoo Il-sun, ancienne geisha ou « kiseng » en coréen reconvertie en chanteuse populaire. Outre sa reconversion professionnelle, le style qu’elle a adopté pour chanter cette œuvre musicale nous laisse présumer que c’était une femme qui savait vivre dans l’air du temps. Alors que la chanson qui l’a rendue célèbre était une adaptation de « Changbutaryeong », un « minyeo » connu de tous les Coréens de l’époque ou presque, elle a choisi de la chanter de façon à l’adapter aux instruments de musique occidentaux et à évoquer une valse, très populaire parmi les mondains, amateurs de nouveauté.


Etant donné qu’elle a été inventée sous l’occupation japonaise, le titre de cette chanson est paradoxale ou ironique : « Taepyeongga », « Chant de la grande paix ». Une chanson de propagande ayant pour but de plaider pour la colonisation et de faire admettre aux Coréens le sort de leur nation ? Son auteur Jung Sa-in, ancien membre de la fanfare de l’armée Joseon, fut-il un « collabo » ? Il semble plutôt que les paroles de cette chanson cherchent à consoler, d’une certaine manière, le peuple subjugué, à l’inviter à retrouver la paix dans l’âme : « A quoi bon s’énerver / A quoi bon s’impatienter », disent-elles. Un chant stoïcien en quelque sorte.


Autant de « shin minyeo » ont été composés au lendemain de la Libération, et ce en particulier pour être chantés dans un spectacle d’un nouveau genre : une comédie musicale servie exclusivement par des femmes.


Qui a eu l’idée de ce genre théâtral appelé « yeoseong gukgeuk » et ayant séduit le public pendant un certain temps ? Eh bien, un groupe de « frondeuses » au sein de l’institut du gukak créé au lendemain de la Libération. Il s’agissait des chanteuses de pansori qui cherchaient à faire entendre leur voix, mais en vain, au sein de l’établissement marqué par un certain machisme. Elles étaient par ailleurs mécontentes que leurs collègues masculins mésestiment leur performance artistique, et ce visiblement pour la seule raison que c’étaient des femmes. Quand on songe que parmi ces révoltées, figuraient les virtuoses du pansori : Park Nok-su, Kim So-hee, Park Kyu-hee pour ne citer que les noms les plus glorieux dans l’histoire du gukak.


Ces « frondeuses » quittent finalement l’Institut du gukak pour fonder leur propre association. Et, histoire de montrer de quoi elles sont capables à elles seules en matière de spectacle, elles créent une comédie musicale dans laquelle le rôle du héros aussi bien que celui de l’héroïne sont joués par des femmes.


Alors que pendant un certain temps, on comptait une dizaine de troupes spécialisées dans ce genre de spectacle, celui-ci n’intéressait plus le public dès les années 1960. En fait, face à la concurrence du cinéma sans doute, beaucoup d’autres genres de spectacles traditionnels avaient eux aussi du mal à remplir la salle. Les airs composés pour « yeoseong gukgeuk » subsistent tout de même, classés dans la catégorie « shi minyeo ». « Le Chant du camélia » est l’un des plus populaires.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Rive aux saules pleureurs » chanté par Jeon Young-rang.
  2. « Chant de la grande paix » par Kim Yong-woo.
  3. « Le Chant du camélia » par Kim Su-yeon.

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