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Récits de témoignage

Nombreux sont les intellectuels du royaume de Joseon qui ont laissé un recueil de témoignages sur divers sujets : évolution des mœurs, objets nouveaux ou encore faits curieux qui, pour certains, leur paraissaient surnaturels. Certains de leurs récits intéressent les amoureux du gukak.


Un certain Sung Dae-jung par exemple, un lettré confucianiste du XVIIIe siècle, raconte la destinée des deux pins. Plantés plus de trois siècles auparavant, chacun dans le jardin d’un homme servant la cour royale, ces deux arbres viennent de périr subitement et en même temps. Cette mort simultanée est une coïncidence d’autant plus curieuse qu’elle est survenue en même temps que la réhabilitation des deux hommes qui avaient planté ces pins chacun dans leur jardin. L’un dénommé Sung Sam-mun, et l’autre Park Paeng-ryen, ils ont été décapités pour un complot contre leur souverain Sejo, devenu roi en ayant détrôné son neveu. Restés fidèles à celui-ci, Sung et Park ont fomenté l’assassinat de l’usurpateur du trône. Plus de trois siècles plus tard, leur loyauté a toutefois été reconnue et honorée. Et du coup, les pins qui subsistaient dans leur jardin, arbres à feuillage persistant qui semblent ainsi emblématiser la fidélité des deux sujets, ont péri comme s’ils avaient accompli leur mission.


Notre intellectuel confucianiste poursuit son récit. Il s’est procuré ces pins morts afin de faire de leur bois la caisse de résonance d’un geomungo, instrument de musique de la famille des cithares. Toujours selon son témoignage, son geomungo, qu’il a baptisé « Sangjeol », « Paire de loyauté », produisait un son particulièrement pur.


Quant à Yun Sun-do, un intellectuel du Joseon aux multiples talents, poète, musicien et aussi habile au travail artisanal, il raconte, dans son recueil de faits divers, une découverte, celle d’un vieux gayageum dans une maison abandonnée et en ruine Les circonstances lui ont inspiré un poème :


Voilà un gayageum sans maître

Depuis combien de temps

Restait-il enseveli sous la poussière

Je le dépoussière et l’essaie

Le son clair a un retentissement

Et dans le jardin et dans la fontaine


Dommage pour les curieux : le récit de Yun Sun-do manque de détail. Comment s’est-il retrouvé dans cette villa abandonnée ? A qui appartenait-elle ? Dans quel état était exactement le gayageum qu’il y a découvert ? Alors qu’il précise qu’il lui faisait défaut de quelques chevilles ou « anjok », comment a-t-il pu en jouer pour admirer sa sonorité ? Et qu’a-t-il fait finalement de cet instrument de musique ? L’a-t-il ramené chez lui ? Et d’une main habile au travail artisanal, a-t-il rétabli les chevilles manquantes ? Alors que le lecteur reste sur sa faim, le récit, peu détaillé, rend, de ce fait justement, l’histoire mystérieuse. Est-ce à dessin que l’auteur a été peu bavard ? Ou s’agit-il tout simplement d’une histoire inventée, du produit de l’imagination d’un intellectuel qui vivait en solitaire ?


« Yangqin » en chinois, « yanggeum » en coréen, qui veut dire « instrument à cordes étranger », est une espèce de cithare sur table. Appelé « tympanon chinois » en français, ce descendant du santur, un instrument iranien, aurait été introduit en Chine par la route de la soie. Quant à son introduction en Corée, elle est due aux diplomates de la cour royale de Joseon qui se rendaient régulièrement à Pékin et qui profitaient de leur visite pour ramener des livres rares, des médicaments précieux ou tout simplement des objets de curiosité.


Yangqin ou yanggeum était un instrument de musique séduisant par sa belle sonorité. Mais on croyait qu’il était impropre à jouer une mélodie coréenne, et ce jusqu’à ce qu’un certain Hong Dae-yong tente l’impossible en quelque sorte. Ce lettré confucianiste servant la cour de Joseon était un homme curieux de tout. Selon une anecdote, lors de sa visite à Pékin en tant que diplomate, il s’est intéressé à un orgue installé dans une église. Il a examiné sa structure et son fonctionnement pour dire à son entourage qu’avec un financement, il pourrait en fabriquer un.


L’adoption du yanggeum dans le gukak est effectivement redevable à cet homme éclairé sur de multiples choses, comme récompense de sa curiosité sans limite. Et grâce à un récit de témoignage de son contemporain, Park Ji-won, un intellectuel comme lui et son ami, on connaît la date exacte à laquelle remonte l’invention de la façon de jouer du yanggeum à la coréenne : le 18 juin 1772. L’auteur du récit précise même l’heure : « A 5 heures de l’après-midi, dit-il, je me suis retrouvé avec Hong Dae-yong dans sa bibliothèque. Il m’a prié d’assister à la démonstration du jeu du yanggeum qu’il vient de mettre au point. La séance a duré jusqu’à 7 heures du soir... » Comme on le voit, en matière de récit de témoignage des intellectuels de Joseon, Park Ji-won est à l’opposé de Yun Sun-do. Enfin, chaque écrivain a son style.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Yongsanhoesang » avec Park Yong-seung au geomungo et Yi Seung-hyun au piri.
  2. « Sanjo pour gayageum du style Choi Ok-shim » par Kim Il-ryun.
  3. « Chagrin d’amour » par Jeon Myeong-seon au yanggeum.

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