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Ce 5e jour du 5e mois lunaire-là

Il a seize ans, un âge où les jeunes sont en pleine vigueur. On est par ailleurs le 5e jour du 5e mois lunaire, Dano, le jour où, selon l’almanach sino-coréen qui voit l’année diviser en 24 saisons, le « yang », symbole de la virilité entre autres, est à son paroxysme. Comment notre jeune garçon, destiné à devenir comme son père, c’est-à-dire un mandataire du roi, peut-il rester concentré sur son livre ? Il appelle son valet et lui ordonne de préparer une sortie à Kwanghanru, un parc avec, en son sein, un pavillon éponyme d’où on a une vue imprenable sur le Mont Jeokseong évoquant une muraille rouge comme son nom l’indique.


Ainsi commence « Le Chant de Chunhyang », l’un des plus célèbres numéros de pansori. Le « Jeokseongga » ou « chant de la muraille rouge », un air chanté au tout début de cet opéra coréen, est censé être tiré d’un poème que la belle montagne a inspiré à Mongryong, le jeune homme sorti à Kwanghanru, sous l’impulsion de la montée en puissance du « yang », qui se fait sentir en lui et aussi dans l’atmosphère. En effet, il est assez poète, d’autant qu’il va bientôt se présenter au « kwageo », le concours de recrutement des fonctionnaires examinant, entre autres, la qualité des candidats en matière de lettres.


A l’âge de Mongryong, à seize ans donc, les jeunes Coréens d’aujourd’hui ne sont pas du tout traités comme lui, à savoir qu’ils sont loin d’être considérés comme des adultes, alors que physiquement du moins, ils le sont déjà. Il semble qu’un groupe de jeunes musiciens, ayant adapté le chant « Jeokseongga » aux instruments de musique occidentaux, ait été sensible à ce fait. Son leader Kim Chun-su y a introduit une sorte de prologue exprimant une envie à l’égard du jeune noble : « Tu es né sous une bonne étoile... »


Est-ce un mirage produit par la virilité du jeune homme en pleine expansion ? A une certaine distance du pavillon où il s’est installé, dans le ciel, ne cesse d’apparaître et de disparaître la silhouette d’une femme. Mais non, ce n’est pas une illusion. C’est bien une jeune femme, une qui fait de la balançoire. « Quelle belle allure ! » s’exclame le jeune aristocrate. Et il demande à son valet si par hasard c’est une personne qu’il connaît. Le domestique se rend compte immédiatement que son jeune maître a eu un coup de foudre. Il connaît effectivement la jeune femme à la balançoire, mais fait semblant de ne pas la reconnaître, histoire de s’amuser à frustrer le jeune homme ou, jaloux d’un garçon bien né, de prendre une revanche sur lui. A noter que ce personnage, dénommé Bangja, évoque un héros populaire inventé par l’écrivain français Beaumarchais : Figaro.


Alors que le domestique, plutôt sadique, continue à se taire sur l’identité de la jeune fille qui a séduit Mongryong, celui-ci dont les yeux ne peuvent quitter le spectacle voit sa frustration raviver. La chanteuse de pansori, Kim So-hee, est l’une des meilleures à avoir interprété ce passage. Autant dire que, en tant que femme, elle a pu se mettre dans la peau du jeune homme extrêmement frustré.


Doit-on dire que la cruauté du valet envers son maître avait atteint ses limites ? Bangja finit par dire : « Ah, je vois maintenant qui c’est. » Et il précise : c’est Chunhyang, la fille de Weolmae, une ancienne geisha ou « kisaeng » en coréen. Est-elle alors destinée à exercer le même métier que sa mère ? Cette interrogation représente une source d’espoir pour Mongryong. Il dit alors à son valet : « Fais-la venir tout de suite. » Mais là, peut-être par envie de le frustrer à nouveau, Bangja apporte une autre précision : du côté paternel, elle appartient à la noblesse. C’est effectivement la fille naturelle d’un aristocrate. On a ainsi affaire à une demi-noble en quelque sorte. Et il n’est pas question de la faire venir comme on appelle une geisha. Le valet ne parvient cependant pas à raisonner son jeune maître, voire à dompter sa vigueur, et finit par obéir à son ordre.


Le voici en tant que messager auprès de Chunhyang qui, elle, est en compagnie de sa fidèle servante Hyangdan. Celle-ci réplique immédiatement, avant que sa maitresse ne donne de réponse à la proposition de Mongryong transmise par son valet : « Voilà un gentilhomme qui ignore cependant comment se comporter à l’égard d’une demoiselle ! » Quant à la personne concernée, elle sourit et laisse un vers métrique avant de quitter les lieux avec sa servante. Ce petit poème est bien évidemment incompréhensible pour un domestique. Heureusement pour Banja, il est assez court pour qu’il puisse le retenir et le rapporter à son maître :


C’est la mouette qui va vers la mer

C’est le papillon qui va vers une fleur

C’est le crabe qui va vers un trou


L’ayant écouté, le jeune noble, suffisamment cultivé pour le comprendre, saute de joie. La jeune femme l’invite à la rejoindre. Où ? Dans son trou. Par le mot « trou », Monrgyong ayant suivi une éducation confucianiste n’aurait certainement pas entendu autre chose que la maison. En effet, il interroge immédiatement son valet : « Où habite-t-elle ? ». Alors que Bangja lui explique le chemin, un chant folklorique reproduit ce passage de façon à attribuer les explications à Chunhyang elle-même, histoire d’insister sur l’audace d’une jeune femme qui invite un inconnu dans sa demeure. 


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Jeokseongga » par Kim Chun-su.
  2. Un extrait du « Chant de Chunhyang » : Chunhyang à la balançoire, chanté par Kim So-hee.
  3. Le « Petit chant de Chunhyang » par An Jung-a.

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