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ⓒ NATIONAL GUGAK CENTER

Mais qu’est-ce que c’est que ça ? La tortue marine, personnage du « Chant du palais sous les mers », est stupéfaite devant cette chose qu’elle n’a jamais vue : le soleil. Chargée d’une mission lui exigeant un voyage terrestre, elle vient de sortir de l’eau pour la première fois dans sa vie, et ce juste au moment du lever du soleil. Elle est d’autant plus frappée de stupeur qu’elle voit cette énorme boule de feu émerger des flots. La tortue aurait pu se demander où cet objet si grand et si lumineux pouvait se trouver caché dans le grand bleu qu’elle connaît comme le fond de sa poche.


Ce passage de l’un des plus célèbres numéros de pansori a donné lieu à un chant de la catégorie « danga », « chanson courte » selon la traduction littérale. « Courte » par rapport au pansori qui, lui, dure plus de deux heures. Sa source d’inspiration l’explique : le soleil, la « roue rouge » en termes métaphoriques, est au cœur de ses paroles. Selon celles-ci faisant référence à une légende de l’Antiquité chinoise, aux confins de la mer de l’Est, se trouve un arbre sacré portant pas moins de dix soleils. Chaque jour, à tour de rôle, l’un d’eux parcourt le ciel d’est en ouest. Au point d’arrivée, se trouve un immense lac dans lequel la « roue rouge » ayant tourné toute la journée se baigne, un peu comme un voyageur fatigué qui prend un bain avant de se coucher.


Pour nous intéresser à un autre morceau de gukak avec comme thème le soleil, voici un passage du « Chant de Chunhyang », un numéro de pansori racontant une belle histoire d’amour.


Ce jour où les deux protagonistes, un jeune noble et la fille d’une ancienne geisha, se sont donné rendez-vous, un premier, le héros, Mongryong, interpelle son valet, Bangja, pratiquement toutes les heures. Et à chaque fois, il est question de l’astre essentiel à la vie sur Terre.


« Est-il toujours là ? » demande le jeune homme installé dans sa chambre et lisant un livre. Son valet répond : « Quelle question ! Le soleil ne s’est levé que tout à l’heure. » Quelque temps plus tard, Mongryong, toujours dans sa chambre, appelle à nouveau Banja pour lui poser la même question. Le domestique répond : « Il n’a même pas fait la moitié de son parcours. » Le jeune noble se préparant au « kwago », un examen de recrutement des fonctionnaires, cherche alors à se concentrer sur son livre. Mais au bout d’un temps, il ne peut s’empêcher d’interroger à nouveau son valet sur le parcours du soleil. Le domestique finit par s’énerver : « Voulez-vous que je le fouette un peu pour qu’il accélère sa course ? »


C’est pour une raison toute simple que notre jeune homme est si impatient de se retrouver à la fin de la journée : la jeune fille Chunhyang, pour laquelle il a eu un coup de foudre dès qu’il l’a aperçue dans un parc, lui a donné rendez-vous au coucher du soleil. Son impatience est d’autant plus compréhensible que le rendez-vous aura lieu nulle part ailleurs que dans la demeure de la jeune femme.


Sans parvenir à se concentrer sur son livre, c’est-à-dire à rester indifférent à la course du soleil, Mongryong en prend un autre : Le « Classique des mille lettres », un livre servant à enseigner les caractères chinois aux enfants. Le jeune homme connaît par coeur le texte organisé en 250 vers de quatre caractères, composé donc exactement de mille lettres, chacune utilisée une seule fois. Mongryong le lit à haute voix de façon à interpréter chaque idéogramme par rapport à son impatience. Quel talent littéraire ! Il s’agit aussi et surtout pour lui de tuer le temps.


Selon les paroles d’un autre chant de gukak évoquant le soleil, la mer serait la porte du ciel. Ainsi aurait-on imaginé en assistant au lever du soleil sur une plage, en regardant l’horizon où le ciel et la mer semblent se joindre et d’où semble se détacher le bel astre. Cela évoque, d’une certaine manière, un vers de Rimbaud : L’Eternité ou le Ciel, « c’est la mer allée avec le soleil ». En fait, il existe d’autres réflexions poétiques selon lesquelles la mer serait le ciel renversé ; bleu marine et bleu ciel se confondant ; poissons portant des nageoires à la place des ailes d’oiseaux.


Le chant en question constitue un composant d’une musique rituelle de la cour royale, de Koryeo, puis de Joseon, intitulée « Boheoja », « Marche dans le vide ». Une étoile, le soleil notamment, se déplace dans le vide. Rien ne devrait faire obstacle non plus au déplacement d’un monarque, de sorte qu’il va comme s’il marchait dans le vide, tel le soleil qui parcourt le ciel en projetant sa lumière sur toutes les créatures. D’après « Boheoja », un monarque coréen était digne d’être surnommé « Roi-Soleil ». Etait-ce pour cette raison que son costume emblématique, « gonryonpo », était tantôt jaune, tantôt rouge, deux couleurs qu’on attribue au soleil ?


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Le Lever du soleil » par Kim Il-ryun.
  2. Un extrait du « Chant de Chunhyang » par Oh Jung-sook.
  3. « Boheoja » par l’Orchestre de l’Institut national de gukak.

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