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Culture

Un classique chinois chanté en pansori

#Aux sources de la musique coréenne l 2021-08-25

Aux sources de la musique coréenne


« Les Trois royaumes » ou « Sanguozhi yunyi », un roman historique chinois, est un best-seller de tous les temps, non seulement en Chine, mais aussi au Japon et en Corée. En fait, on n’en compte pas moins d’une dizaine de traductions en coréen. Et parmi elles, celle qui a été réalisée par le romancier Yi Mun-yeol a été vendue depuis sa publication en dix volumes en 1988, à plus de 10 millions d’exemplaires.

 

Ecrit par Lao Guanzhong au XIVe siècle, cette œuvre faisant partie des « quatre livres extraordinaires » de la littérature chinoise raconte de façon romanesque l’opposition des trois royaumes, Wei, Shu et Wu, disputant l’hégémonie de l’empire du Milieu au déclin de la dynastie Han, Han postérieur plus exactement. Certains personnages, notamment le puissant chancelier Cao Cao, l’éminent stratège Zhuge Liang dans le camp de Liu Bei, le principal adversaire de Cao Cao, ou encore Guan Yu surnommé « dieu de la guerre », sont très familiers des Coréens, et ce même pour ceux qui n’ont jamais lu ce roman fleuve. En effet, « astucieux comme Cao Cao », « ingénieux comme Zhuge Liang » ou encore « invincible comme Guan Yu », ces métaphores font partie du langage familier des Coréens, et ce alors même que la traduction des « Trois royaumes » dans leur langue n’existait pas encore. Comment alors les gens du peuple ignorant pour la plupart l’écriture chinoise connaissaient-ils son histoire ? Eh bien, par le récit oralement raconté, notamment via le pansori.


« Attrapez-le. Et tuez-le, s’il résiste », ordonne le commandant de l’armée de Wu, Zhou Yu à ses soldats. Attraper qui ? Zhuge Liang qui était venu négocier l’alliance de Shu et Wu contre Wei, et qui, sa mission une fois accomplie, vient de disparaître. Nous sommes à l’ouverture de la célèbre bataille de la falaise rouge, ou bataille de Chi Bi, le temps fort du roman de Lao Guanzhong.

Mais pourquoi Zhou Yu est-il hostile envers le stratège de l’allié de son armée ? Eh bien, parce qu’il sait très bien que l’alliance de Shu et Wu n’est juste que pour faire face à la puissante armée de Wei, qu’elle est donc plus ou moins éphémère et que les alliés d’aujourd’hui devront se battre un jour, si ni l’un, ni l’autre ne renonce à l’hégémonie du continent chinois. Il s’agit alors pour lui de préparer l’avenir de façon à éliminer l’éminent stratège de l’ennemi de demain. Un grand stratège lui aussi, Zhou Yu admire les qualités de Zhuge Liang, au point de ressentir une jalousie.


 Les soldats poursuivent donc l’homme qui vient de quitter le camp de l’armée de Wu. S’ils l’attrapent, ils vont sûrement le tuer, car c’est bien ce que leur commandant insinuait. Mais voilà une surprise. A bord du bateau qui est venu le chercher, Zhuge Liang est en compagnie d’un certain Zhao Yun, l’un des généraux les plus vaillants de Liu Bei, celui qui a cavalé seul dans le milieu des troupes de Wei à la recherche de la famille de son seigneur disparue pendant la fuite dans une confusion générale et qui a réussi à lui ramener son jeune fils. D’un coup de flèche tirée sur le bateau des poursuivants, il coupe la corde fixant la voile au mât et leur crie : « Ce n’est pas le moment de nous quereller. La flotte de notre ennemi commun est tout proche ! »


Ayant raconté la défaite cuisante de l’armée de Wei commandée par Cao Cao lui-même, sa puissante flotte étant anéantie par le feu sur le fleuve Yangzi à hauteur de la falaise rouge, le chanteur prend plaisir à se moquer du responsable de ce désastre. « Le voilà en tête des fuyards, laissant derrière lui ses soldats qui sont massacrés par les poursuivants », entonne-t-il. Et de continuer à chanter : « Cao Cao s’irrite, car son cheval fait marche arrière. Une illusion ; dans le désarroi, il l’a monté à l’envers. » Les spectateurs éclatent de rire. Il s’agit là cependant d’un passage qu’on ne trouve pas dans la version romanesque des « Trois royaumes ». En fait, dans l’épisode de la fuite de Cao Cao, la version en pansori s’octroye une grande liberté en narration, et ce avec pour but de ridiculiser le seigneur de Wei dont la vaine ambition a fait coûter la vie à des centaines de milliers d’hommes.


Indépendamment de la version originale aussi, ce numéro de pansori insiste particulièrement sur le sort lamentable des soldats en fuite. Sous la pluie torrentielle et glaciale, les pieds dans la boue, ils sont obligés de frayer le chemin en restaurant la route coupée par les précipitations. Certains, épuisés, s’écroulent et ne bougent plus. D’autres, complètement couverts de boue et presque en rampant, évoquent des vers de terre. Quand on songe qu’ils sont tous d’origine paysanne et ont été mobilisés pour défendre une cause qui n’est pas du tout la leur. Si la version en pansori de cet épisode fait pour ainsi dire le gros plan sur ces hommes pitoyables, c’est sans doute parce que cette forme artistique, appelée « opéra coréen », est née dans le milieu populaire.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Kongming » chanté par Gwangchil Band. 
  2. « La bataille de la falaise rouge » chanté par Yun Jin-cheol.
  3. « Le Chant d’oiseaux » chanté par Kim Young-jae.

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