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Culture

L’imagination s’alimente de l’amour pour le chant

#Aux sources de la musique coréenne l 2021-09-01

Aux sources de la musique coréenne

L’imagination s’alimente de l’amour pour le chant

C’est le cas de dire : « Moitié eau, moitié poissons. » Un jour d’été où la pluie persistante depuis plusieurs jours s’est arrêtée, alors que le ciel grisâtre annonce la reprise des précipitations, un homme s’aperçoit qu’une petite rivière de son village grouille de poissons. C’est sans doute en raison de la pluie qui a fait baisser la température de l’eau en produisant du coup beaucoup d’oxygène. Devant ce spectacle, notre homme est à la fois joyeux et frustré, car ces poissons foisonnants étant à la portée de sa main, il n’a rien sur lui, ni pour les pêcher, ni pour les ramener chez lui. Il regarde alors autour de lui et voit un jeune berger passer avec son bœuf et un panier sur le dos de cet animal.


C’est ce qui est raconté dans le début des paroles d’un chant folklorique de la région de Gyeonggi. La suite évoquerait pour certains la célèbre chanson populaire française, Au clair de la lune :


Sous le ciel grisâtre d’été

Mon jeune berger

Prête-moi ton panier

Pour pêcher ces poissons


A la différence de Pierrot dans la chanson française, le berger dans notre chant ne dit rien. L’homme frustré s’en fiche et poursuit :


Mon jeune berger

Porte le panier rempli de poissons à ma petite amie

Dis-lui de préparer une soupe avec

De ne pas oublier d’y mettre une courgette


On ignore si le berger a accepté ou non la double demande de l’homme visiblement assez égoïste. Pour solliciter le propriétaire du panier, il aurait pu lui promettre le partage de ses poissons. En fait, les paroles de cette chanson intitulée « Sous le ciel grisâtre d’été » sont sans doute le produit d’une association libre dans laquelle un individu exprime de façon spontanée les pensées qui lui viennent à l’esprit à partir d’un élément donné, et ce en étant persuadé qu’autrui, voire le monde, se soumet à sa volonté, voire à son fantasme. Dans le cas de notre chanson, l’élément déclencheur de cette sorte de déferlement d’idées a pu être un phénomène naturel, à savoir qu’après une forte pluie, un cours d’eau abonde de poissons à la surface.


Pour parler d’un autre chant folklorique dont les paroles semblent être également le produit de l’imagination devant un spectacle, celui-ci aurait été observé lui aussi pendant la saison des pluies. En fait, elles commencent par évoquer un accessoire très pratique quand il pleut : le sabot. Sur le Cheonggyechon, un cours d’eau traversant le centre de Séoul on voit une chaussure de bois flottant et, un spectacle réellement observé ou tout simplement imaginé, cinq grenouilles dedans. « Une bande d’amis », précisent les paroles. Dès cet endroit, il s’agit donc sûrement d’un récit purement imaginaire. En fait, selon les paroles, ces cinq grenouilles qui se donnaient rendez-vous sous le pont au-dessus d’une écluse ont décidé de faire une promenade en bateau. Voilà pourquoi ces animaux se retrouvent dans un sabot, « à bord d’un bateau de bois » pour eux.


Parmi ces amphibiens, un seul est une femelle, une « veuve » si l’on veut, qui a été mariée pas moins de trois fois d’après le récit qu’elle raconte à ses compagnons de bord. Son premier mari l’a abandonnée. Son deuxième époux est mort écrasé sous le pied d’un imprudent. Enfin, c’était un peu de sa faute ; il ne lui fallait pas rester enveloppé d’une feuille de chou chinois. La pauvre grenouille s’est mariée pour la troisième fois. Or, son nouveau mari, qui aimait arpenter la rue Jongro, un axe du centre de Séoul, a été kidnappé et n’est jamais revenu, car il était impossible de payer une rançon jamais demandée. Ses compagnons la plaignent. Et l’un d’eux, célibataire, lui propose : « Et si tu tentais à nouveau ta chance... »


Un sabot flottant sur un cours d’eau n’est pas un spectacle si singulier. Une petite rivière grouillant de poissons après la pluie ne l’est pas non plus, car c’est un phénomène assez bien connu. Le fait qu’un spectacle comme l’autre a toutefois donné lieu à un chant ne s’explique-t-il pas par le grand amour incontesté des Coréens pour la musique vocale ? Quant à une association libre qui caractérise les paroles des deux chansons, elle semble, elle aussi, être suscitée par cet amour pour le chant, c’est-à-dire que c’est l’envie de continuer à chanter qui fait qu’une idée s’associe à une autre, parfois de façon fantaisiste.


Comme pour confirmer cette hypothèse, voici un chant folklorique à l’origine duquel était, selon toute vraisemblance, un petit incident qui était autrefois assez fréquent dans le quotidien, un incident presque anodin donc qui, sans la passion des Coréens pour la musique vocale, n’aurait pu être le sujet d’une chanson. Les paroles commencent par évoquer un grain de sable dans un bol de riz pendant le repas. « Voilà un énorme rocher », disent-elles ensuite. « Avez-vous une hotte pour le transporter ? » En fait, c’est une plaisanterie qui était aussi banale que ce genre d’incident. Dans notre chanson, elle sert de déclencheur d’une association d’idées, à savoir que les noms des rochers dans différentes montagnes coréennes, réputés pour leur énormité ou pour leur forme singulière, sont évoqués un à un.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Sous le ciel grisâtre d’été » chanté par Yi Hee-mun.
  2. « Le Chant des grenouilles » chanté par Yi Chun-hee.
  3. « Le Chant des rochers » chanté par Park Sang-wook. 

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