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Paysage d’hiver

On peut apprécier la musique en particulier pour son immense pouvoir évocateur, celui de remettre en mémoire le vécu. Et quand il s’agit d’une chose que l’on ne peut plus revivre et dont le souvenir remonte à la mémoire grâce à un morceau de sonate ou de cantate, la musique nous rend particulièrement heureux, car elle nous permet en quelque sorte de retrouver le temps perdu, d’avoir l’impression de ne pas être si impuissants face à l’irréversibilité du temps.


Il y a de fortes chances qu’ « Un Matin d’hiver », une sonate de Yu Eun-sun pour sogeum et guitare, soit très appréciée, en particulier par les Coréens nostalgiques du passé, car elle peut leur évoquer un hiver d’autrefois, une vraie saison hivernale, d’autant que le réchauffement climatique n’était pas aussi préoccupant qu’aujourd’hui. Un hiver que l’on ressentait par ailleurs, faute d’équipements modernes pour lutter contre le froid.


Un matin d’hiver, alors que la plupart des Coréens ignoraient encore la résidence collective et vivaient dans une maison traditionnelle, le « hanok », un homme vient d’être réveillé par le froid, par l’absence de chaleur plus exactement, dans sa chambre à « ondol », le système de chauffage par le sol. La longue nuit d’hiver a épuisé le combustible dans le four, avant l’heure de se lever pour lui. Le matelas, assez mince et posé à même le sol, s’est refroidi. Quant au brasero dans la chambre, on n’y trouve plus que des cendres sans chaleur. Notre homme remonte la couverture jusqu’à son nez. En effet, cette partie saillante du visage est la plus sensible au courant d’air pénétrant à travers les portes et fenêtres garnies de papier de murier.


Tiens ! Alors que le soleil ne s’est pas encore tout à fait levé, la fenêtre donnant sur la cour est curieusement éclairée. Notre homme sort finalement de son lit. Il ouvre la fenêtre et s’écrit : « Ah ! » Un paysage magnifique : la cour, les murs d’enceinte et une petite forêt de bambous au-delà sont recouverts de neige. Il comprend alors d’où venait le bruit sec qui dérangeait son sommeil pendant la nuit : des bambous, qui ne supportaient plus le poids et la pression de la neige, se brisaient.


Merveilleux matin d’hiver ! Les enfants sont exceptionnellement matinaux. Un groupe de garçons est en train de faire des boules de neige. Pour créer un bonhomme de neige ? Ou pour préparer une bataille de boules de neige ? Parmi eux, rares sont les enfants qui portent un manteau chaud. Encore plus rares ceux qui sont gantés. Certains portent un cache-nez comme tout équipement contre le froid, celui que leur mère a tricoté sans doute. Nous sommes à l’époque où le pays du Matin clair cherche toujours à sortir de la pauvreté.


Non loin de ces enfants qui ont l’air joyeux et émerveillés par le paysage ayant totalement changé en une nuit, dans une rizière, quelques garçons s’amusent à glisser sur une nappe d’eau glacée, une patinoire ouverte à tout le monde, un cadeau offert par la nature. Pour les rendre envieux, un grand garçon arrive avec une luge artisanale. Tous les enfants s’assemblent alors autour de lui.


Une fleur sous la neige ? Il s’agit du camélia, une des rares plantes qui fleurissent en hiver. Imaginez ces fleurs rouges recouvertes de neige. A quoi peut-on associer cette image ? A une jeune femme qui, sous son apparence glaciale, cache un cœur brûlant ? Une image encore plus spectaculaire : des pétales de camélia jonchés sur la neige. Cette image-là évoque l’héroïne du célèbre opéra de Verdi, « La Traviata », son sang craché sur son mouchoir blanc. Tiens ! Le livret de cet opéra s’est inspiré justement du roman intitulé « La Dame aux camélias ».


En Asie, notamment en Corée, le camélia est d’autant plus associé à une femme que l’huile extraite de ses graines est utilisée traditionnellement comme un soin pour la peau et surtout pour les cheveux. Les bienfaits de l’huile de camélia en la matière sont aujourd’hui connus aussi en Occident.


« La Dame aux camélias », cette fois le titre d’une chanson populaire coréenne, un hit des années 1960, fait référence à une femme aux cheveux particulièrement lisses et brillants pour les avoir soignés avec cette huile. Quelle odeur émane de ses cheveux ? Eh bien, une odeur plutôt neutre et douce. Voilà encore un bienfait du soin avec l’huile de camélia : la peau et les cheveux d’une femme qui recourt à ce produit de soins personnels donnent un sentiment agréable, sans être sensuels, encore moins provoquants.


Cela va sans dire que le répertoire de gukak comporte de nombreuses chansons avec comme thème cette belle fleur d’hiver. Et les paroles de plus d’une d’entre elles mettent en scène une ou des femmes, comme celle-ci par exemple :


Là, sur la plage, des femmes qui ramassent des coquillages

Ici, dans le champ, des jeunes filles qui cueillent des camélias


Les deux vers riment parfaitement bien dans la mesure où le coquillage, autant que le camélia, évoque une femme, l’intimité féminine plus exactement.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Un Matin d’hiver » interprété par l’orchestre de chambre Dasereum.
  2. « Snow » avec Han Chung-eun au daegeum.
  3. « Chant du camélia » chanté par Yi Nan-cho.

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